Une Affaire d’Identité

Charles Morgat, Cyril Zakine
Service de rythmologie, Clinique St Gatien, Tours
charles.morgat92@gmail.com, cyril.zakine@gmail.com

Patient de 59 ans se présentant pour des palpitations depuis moins de 24H. Hémodynamiquement stable, pas de syncope, eupnéique en air ambiant.

Antécédents :
– Cardiopathie ischémique dilatée avec dysfonction VG à 45% sur un infarctus antérieur 1997 avec occlusion du stent non revascularisable
– Ablation de flutter typique en 2015, ablation de tachycardie atriale en juillet 2017, ablation de flutter perimitral en août 2017.
– Hyperthyroïdie à la Cordarone

Traitement habituel : Xarelto 20mg, Atorvastatine 10 mg, Sotalex 80mg x 2, périndopril 1.25mg le matin 5 mg le soir, Inspra 25mg.

Le bilan initial ne retrouve pas de facteur favorisant d’origine ischémique, toxique ou encore ionique.

Voici son ECG à l’admission. Quel est votre diagnostic et quelle est votre prise en charge ?

Il s’agit d’une tachycardie régulière à 120/min, à retard gauche, QRS peu élargis à 100ms avec un axe vertical et des ondes Q séquellaires en antérieur.
Au vu des antécédents du patient et de l’aspect de tachycardie à QRS fins, le premier diagnostic évoqué peut être celui d’une tachycardie supraventriculaire.

L’analyse plus fine de l’ECG retrouve
– une dissociation auriculo-ventriculaire avec davantage de complexes V que A
– des complexes de capture (6e complexe bien visible en V1 qui suit une ESV provenant d’un autre foyer)
– des complexes de fusion (4e complexe bien visible en V4)
– de manière plus poussée :
– un indice de PAVA positif, c’est-à-dire que la durée entre le début du QRS et son sommet (au moment du changement de polarité) est > 50ms

Ceci s’explique par le fait que l’activité électrique d’un foyer ventriculaire a une propagation initialement plus lente, dite de proche en proche avant de rejoindre les voies de conduction naturelles permettant son accélération et donc l’affi nement du QRS dans sa portion terminale

– une onde R initiale > 40ms en AVR (indice de Vereckei) Le diagnostic final est confirmé par l’enregistrement endocavitaire (ci-dessous)

Chez ce patient une tentative d’overdrive a été réalisée après l’échec de plusieurs cardioversions électriques et du traitement médicamenteux. La sonde a permis des manœuvres d’entraînement permettant de localiser cette TV septale, non loin du faisceau de His. Ainsi la proximité du circuit et des voies de conduction explique la taille fine des QRS, avec une capture rapide du faisceau de His.

Le diagnostic final est une tachycardie ventriculaire septale de localisation para-hissienne sur cicatrice d’infarctus anteroseptal.

Le traitement est le traitement classique d’une tachycardie ventriculaire. On peut réaliser
– une cardioversion électrique
– un traitement médicamenteux pour maintenir le patient en rythme sinusal (bêta bloquant, amiodarone)
– une tentative d’overdrive avec la sonde endocavitaire

Un défibrillateur automatique implantable doit être posé en prévention secondaire en l’absence de cause réversible retrouvée.

Ce cas nous rappelle qu’il est capital de garder à l’esprit qu’en présence d’une tachycardie, même à QRS peu larges, le diagnostic de TV doit être évoqué lorsqu’il existe des critères en sa faveur. Ce dernier peut être posé grâce à un ensemble d’indices morphologiques parmi lesquels aucun n’est indispensable.