AHA 2016 : beaucoup de nouvelles informations sur des traitements faisant déjà partie du paysage cardiologique.
Le congrès de l’AHA 2016 aura été un bon millésime, apportant des informations importantes pour la pratique et bouleversant certaines idées reçues. C’est ce qu’on attend d’une telle manifestation. Je retiendrai essentiellement trois grandes thématiques
L’ATHEROSCLEROSE
Une sous-analyse de HOPE 3, cette étude indépendante ayant évalué l’intérêt d’une statine et d’un traitement antihypertenseur dans une population à relativement faible risque, a analysé l’évolution des fonctions cognitives chez les sujets âgés (≥ 70 ans) en fonction du traitement. L’étude est bien conduite et s’appuie sur des tests évaluant diverses dimensions des fonctions supérieures. La mauvaise nouvelle est que, dans cette population de 74 ans d’âge moyen à l’inclusion, les fonctions cognitives se détériorent chez environ une personne sur cinq … La bonne nouvelle est que le traitement par statine, comme le traitement antihypertenseur, n’entraînent aucune dégradation des fonctions supérieures.
L’étude GLAGOV a évalué par échographie endocoronaire l’évolution de plaques athéromateuses avec un traitement par evolocumab (inhibiteur du PCSK9) en plus d’un traitement classique par statines. L’evolocumab entraîne une forte réduction du niveau de LDL-cholestérol (0,37 g/L sous traitement) ; il s’accompagne d’une réduction, certes quantitativement modeste, mais très significative sur le plan statistique, du volume moyen des plaques, et le pourcentage des patients pour lesquels est constatée une régression de la plaque est nettement supérieur sous traitement. Ces constatations se retrouvent également chez les patients dont le niveau de LDL à l’entrée dans l’étude était bas, < 0,70 g/L. Un élément de plus pour confirmer le rôle des lipides dans l’évolution de la maladie athéromateuse. Il faut maintenant attendre les résultats de FOURIER attendus à l’ACC 2017 pour connaître l’impact de l’evolocumab sur les événements cardiovasculaires.
LES TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES
L’étude EUCLID a comparé ticagrelor et clopidogrel dans une large population de patients ayant une artériopathie des membres inférieurs. Les deux traitements font jeu égal, tant pour ce qui est de la prévention des accidents ischémiques que pour le risque hémorragique. Dans les analyses de sous-groupes, seuls les patients ayant euune angioplastie coronaire paraissent avoir de meilleurs résultats avec le ticagrelor.
Ces résultats soulèvent des interrogations sur le traitement antithrombotique le plus adapté chez les patients artériopathes. On attendra donc avec d’autant plus d’impatience la fin de l’étude COMPASS qui évalue, particulièrement dans cette population, l’intérêt du rivaroxaban.
L’étude PIONEER-PCI donne une meilleure idée du risque hémorragique lié aux différents types de stratégies antithrombotiques chez des patients ayant une fibrillation atriale, traités par angioplastie. Les patients ont été inclus dans les 3 jours suivant le geste de revascularisation. Le taux de saignements majeurs dépasse 3 % chez les patients ayant une stratégie classique (AVK et double traitement antiagrégant), et est réduit d’un tiers chez ceux
traités par rivaroxaban très faible dose avec double antiagrégation, ou par rivaroxaban 15 mg associé au clopidogrel (sans aspirine au-delà des 3 premiers jours). Les saignements jugés cliniquement significatifs sont réduits de 40 % environ (27 % avec la stratégie classique, 17% et 18 % avec les stratégies rivaroxaban). La sécurité d’emploi de ces stratégies nouvelles est donc nettement meilleure. En revanche, l’étude n’était pas dimensionnée pour pouvoir répondre de façon certaine à la question de la prévention du risque ischémique (coronaire et cérébral). Il faudra pour cela attendre les résultats des autres études en cours sur ce sujet, ainsi que des données obtenues en vie quotidienne, à travers différents registres.
LA SECURITE CARDIOVASCULAIRE DU CELECOXIB, INHIBITEUR DE COX 2
Avec le retrait du marché du VIOXX, beaucoup se sont interrogés sur le risque cardiovasculaire potentiel lié à l’utilisation des inhibiteurs de COX 2. Des données d’observation rapportaient des résultats discordants, mais plutôt en défaveur de ces médicaments. L’étude PRECISION est remarquable car elle s’est attaquée frontalement
à la question, en randomisant 24 000 personnes souffrant de douleurs articulaires en trois groupes (celecoxib, ibuprofène et naproxène). Au terme de plus de 3 ans de suivi, le celecoxib fait au moins aussi bien que les comparateurs. Même si l’étude a des limites (essentiellement le choix de la dose maximale dans les différents groupes), elle apparaît comme très rassurante pour ce qui est de l’utilisation quotidienne des anti-inflammatoires
inhibiteurs de COX 2.
On le voit, lors de cet AHA 2016, pas de scoop sur de nouvelles molécules, mais bien des enseignements importants sur l’utilisation quotidienne de médicaments généralement déjà largement employés. C’est aussi cela, le progrès médical.