Au-delà des progrès techniques qui permettent un nouveau mode de relations médecins / malades et entre soignants, la télémédecine se développe pour répondre à de réels besoins comme le vieillissement de la population, le suivi régulier de maladies chroniques ou encore la désertification médicale. Des expérimentations ont ainsi été mises en place par le Ministère depuis 2015 dans le cadre du programme ETAPES (Expérimentations de Télémédecine pour l’Amélioration des Parcours En Santé). Ce symposium s’en est fait l’écho.
L’ouverture de ce symposium avait été confiée au Professeur Patrick Jourdain, conseiller médical télémédecine à la DGOS. Il a d’abord indiqué que le vieillissement de la population conduit à des hospitalisations répétées pour des patients atteints de pathologie multiples et que ceci grève lourdement les ressources de l’Assurance Maladie.
Un bénéfice clinique démontré
La télémédecine (à ne pas confondre avec l’e-santé) repose sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication quand les protagonistes sont géographiquement éloignés. Reste à évaluer les réels besoins du patient et à les mettre en face de ce qui est socialement acceptable.
Une étude comparative de 2012* a comparé une prise en charge par télé-médecine ou médecine conventionnelle de 2 groupes d’environ 1600 patients pendant 1 an. Elle a montré figure 1, dans le groupe télé médecine une réduction de 18% (p= 0,017) du nombre d’hospitalisations et une réduction de 46% de la mortalité totale (p = 0,001).
En France, les bases de la télémédecine ont été posées dans la LFSS 2014.
Elle prévoyait (article 36) que des expérimentations, pourraient être menées, conformément à un cahier des charges, à compter du 01/01/ 2014 et pour une durée de 4 ans, dans des régions pilotes, en médecine de ville ou en structures médico-sociales.
C’est ainsi qu’est né le programme ETAPES qui avait pour objectif principal de fixer une tarification préfiguratrice des actes de télémédecine permettant aux professionnels de santé de développer des projets cohérents et pertinents. Il devait permettre de valider des critères techniques pour les opérateurs, d’instaurer une simplification contractuelle et de jeter les bases d’un modèle de rémunération innovant (organisationnel et incentive). Il devrait aussi permettre l’amélioration de la qualité des soins, l’accès à des expertises de haut niveau et l’amélioration de la qualité de vie.
Télésurveillance programmée
Dans le cadre de ce programme, la télésurveillance (sur prescription médicale), comprend une intervention médicale de surveillance, supportée par une solution technique et une prestation d’accompagnement thérapeutique.
La télésurveillance impose un système de recueil de glycémie cutanée (nouveaux capteurs non admis pour l’instant), au sein du lieu de vie, transmis au médecin effectuant la télésurveillance. La fréquence des mesures imposées va de 1 à 3 fois et plus par jour et fonction du type de diabète et de l’atteinte ou non de l’objectif. Le fournisseur du dispositif est responsable de sa mise en place, de son activation et de sa maintenance en parfait état de fonctionnement.
Accompagnement thérapeutique encadré
L’accompagnement thérapeutique du patient (≥ 1 séance/mois) et de ses proches est complémentaire de l’éducation thérapeutique (à laquelle il ne se substitue pas). Il doit permettre au patient de s’impliquer, de mieux connaitre sa pathologie et les composantes de sa prise en charge, d’adopter des réactions appropriées à mettre en lien avec son projet de télésurveillance. Faute d’un accord formel préalable le patient ne peut pas être inclus dans le projet de télésurveillance.
Chaque séance d’accompagnement thérapeutique peut se réaliser sous forme présentielle ou à distance quel que soit le moyen utilisé.
Le Pr Jourdain a conclu en disant que, pour la télémédecine, plus que jamais, tout se joue maintenant !
Les trois exemples d’expérimentation qui ont été présentés ensuite reflètent différentes conditions d’exercice et leurs protagonistes ont pu faire partager à leurs confrères diabétologues, leurs expériences et leurs ressentis.
Quelle place pour les réseaux de soins ?
Pour illustrer la mise en place de la télésurveillance par un réseau de soins, le Docteur Lucy Chaillous, chef du service d’endocrinologie au CHU de Nantes a rapporté l’expérience du réseau MC44. Cette structure, dédiée aux maladies chroniques, est composée de professionnels de santé libéraux et hospitaliers et de patients. Y interviennent des professionnels salariés de MC44 et des libéraux. En pratique, le médecin spécialiste (diabétologue), libéral ou hospitalier agit en interface entre, d’une part le médecin traitant et son patient et, d’autre part les intervenants de MC44 pour permettre au patient de bénéficier des services du réseau.
Les réflexions des intervenants de MC44 ont permis d’identifier sa place dans le cadre d’un dispositif de télémédecine pour pouvoir participer au programme expérimental ETAPES. Ainsi, le médecin libéral (généraliste ou spécialiste) du patient diabétique adopte une solution technique validée parmi la demi douzaine de celles qui concernent le diabète (liste sur le site DGOS/ETAPES). Le patient peut dès lors bénéficier d’un accompagnement thérapeutique mensuel dans le cadre des prestations du réseau. Il entre aussi dans un programme de télésurveillance hebdomadaire assuré sous contrôle d’un médecin libéral ou hospitalier.
Ainsi, les réseaux comme MC 44 peuvent constituer des dispositifs d’appui pour la mise en oeuvre de la télémédecine dans le cadre du programme ETAPES.
Pour les diabétiques mal équilibrés
Le Docteur Salha Fendri, diabétologue au CHU d’Amiens a rappelé que le diabète faisait partie des 5 priorités nationales de déploiement de la télémédecine sélectionnées dès 2011 mais que son cahier des charges spécifique au diabète** n’a été publié que le 28/04/2017.
Il cible des patients à risque d’hospitalisations récurrentes et vise à améliorer leur équilibre glycémique tout en augmentant la disponibilité des médecins avec in fine, amélioration de la qualité de vie, de la motivation des patients, réduction des coûts et fixation des tarifs préfigurateurs.
On y trouve notamment une définition précise des critères d’inclusion des patients tableau 1 et une définition précise des attributions des différents praticiens intervenants tableau 2.
Formaliser des actes déjà quotidiens
Même si son cadre actuel (article 36) est encore imparfait et un peu restrictif, pour le Docteur Sylvie Picard, diabétologue libérale à Dijon, la télémédecine va permettre la reconnaissance d’actes de soins qui sont le fait de la pratique quotidienne mais qui n’étaient jusqu’à présent ni reconnus, ni valorisés. En effet, la télémédecine a un coût mais elle fait désormais l’objet d’une tarification que ce soit pour la télésurveillance, l’accompagnement ou pour les frais liés au prestataire du système. Cette rémunération est modulée avec des bonus et des plafonds tableaux 3, 4.
Des procédures simplifiées
La mise en place de la télésurveillance repose sur 6 points :
1 – Prévenir son assureur (RCP) ;
2 – Signer une convention avec le prestataire ;
3 – Faire une déclaration à la CNIL ;
4 – Envoyer le formulaire à l’ARSA ;
5 – Envoyer le double du formulaire DGOS de déclaration de télémédecine à la CNIL ;
6 – Ouvrir un compte sur une des plateformes internet dédiée
Une fois identifiés, les patients éligibles pourront être inclus après avoir signé un consentement éclairé et les connexions pourront être établies entre l’application patient (smartphone) et le site dédié à l’accès du médecin.
Au total, l’inclusion des premiers diabétiques dans le programme de télésurveillance ETAPES a permis de constater qu’il s’agit d’une procédure simplifiée et facilement accessible à tous les praticiens concernés.
Textes réglementaires, cahier des charges et tous les formulaires nécessaires sont directement accessibles dès la première page du programme ETAPES du site de la DGOS**
Références
* https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3381047/
** http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/etapes-experimentations-de-telemedecine-pour-l-amelioration-des-parcours-en