Sainte Catherine offrant son cœur au Christ. Colette Deblé
Colette Deblé vit et travaille à Paris. Elle commence à exposer en 1976 et est depuis très régulièrement présentée dans de nombreuses galeries en France et à l’étranger. A partir de 1990, après le décès de sa mère, elle éprouve le besoin d’entreprendre un travail sur ce qu’il reste des femmes après leur disparition. Pour cela, elle va inlassablement revisiter la place des femmes dans l’histoire de l’art, qu’elles aient été le sujet d’inspiration des créateurs ou artistes elles-mêmes. Attachée au sens de la filiation, elle va beaucoup travailler par citations artistiques. Sorte de renaissance, l’artiste offre ainsi une nouvelle vie à ses héroïnes. « Mon projet est de tenter, à travers une infinité de dessins, de reprendre les diverses représentations de la femme depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, afin de réaliser une analyse visuelle des diverses postures, situations, mises en scène. La citation picturale ne saurait être une citation littérale comme est la citation littéraire parce qu’elle passe par la main et la manière du citateur. D’où un léger tremblement doublement allusif de l’oeuvre citée et du citateur. »
Ses citations sont surtout présentées sous formes de dessins en lavis. Elle prépare elle-même ses couleurs à partir de pigments dont le degré de dilution confère au lavis différentes intensités de teintes.
Le contour du sujet est dessiné au stylo plume dont l’encre va se trouver plus ou moins diluée dans la liquidité du lavis, certains traits persistants et d’autres étant estompés par la couleur. La difficulté avec ce procédé est que, comme l’aquarelle, il n’autorise aucun repentir. Sainte Catherine offrant son cœur au Christ est une référence, une citation du tableau éponyme de Giovani di Paolo, peint en 1462 (cf Cordiam N°26, décembre 2018). Alors que le peintre siennois a représenté la scène dans un décor urbain de plusieurs églises où Sainte Catherine entretient un véritable dialogue avec le Christ qui reçoit cette offrande, Colette Deblé isole ici complètement le personnage de Catherine qui est présentée comme une femme et non plus comme une sainte.
Dans cette silhouette esquissée, l’attitude générale, la position des bras et la gestuelle du personnage présentant son cœur sanguinolent, la forme du vêtement sont respectées. Mais la robe blanche et le manteau bleu foncé de la dominicaine représentée par di Paolo deviennent ici multicolores, avec une subtile juxtaposition de couleurs chaudes, dont le choix non prémédité par l’artiste semble refléter son humeur du moment et la page où son journal intime était ouverte ce jour là.
Par ailleurs, dans une démarche proche de celle entreprise par Jackson Pollock et ses drippings ou par Niki de Saint Phalle avec ses Tableaux-tirs, Colette Deblé convoque en partie le hasard en projetant quelques gouttes de couleur avec le pinceau encore imprégné. Ces taches qui illuminent le papier sont une allusion à la voute étoilée, cosmos intime de l’artiste.