Détection de la maladie coronaire chez les patients symptomatiques stables : tests fonctionnels ou imagerie anatomique ?

PROMISE : PROspective Multicenter Imaging Study for Evaluation of chest pain (Douglas PS, Hoffmann U, Patel MR et al for the PROMISE investigators. N. Engl. J. Med 14 March 2015, on line)

 

Contexte et hypothèse

Selon les recommandations internationales, la détection de la maladie coronaire chez des patients symptomatiques à risque intermédiaire peut avoir recours aux examens d’imagerie cardiaque (étude fonctionnelle) ou au scanner coronaire (étude anatomique). Jusqu’à présent, aucune étude randomisée n’avait comparé les 2 stratégies diagnostiques. C’est l’objectif de l’étude PROMISE.

 

Critères d’inclusion (Tableau 1)

Patients symptomatiques stables suspects de maladie coronaire, ressentant des douleurs thoraciques ou une dyspnée à l’effort. Sont exclus les patients instables au plan hémodynamique ou rythmique et nécessitant une évaluation urgente, les patients coronariens connus ou porteurs de cardiopathies diverses (valvulaires, congénitales, cardiomyopathies…)

 

Plan de l’étude

Essai multicentrique conduit en Amérique du nord. Randomisation entre un test fonctionnel d’imagerie cardiaque (scintigraphie d’effort ou de stress pharmacologique, échocardiographie de stress ou épreuve d’effort simple) ou le scanner coronaire (64 barrettes ou plus).

 

Critères de jugement

Critère principal : évènements cardiovasculaires majeurs associant décès toutes causes, infarctus du myocarde, hospitalisation pour angor instable, complications des tests diagnostiques (AVC, hémorragies majeures, insuffisance rénale, choc anaphylactique).

Critères secondaires : combinaison des évènements du critère principal, coronarographies sans lésions coronaires significatives (<50%), exposition aux rayons X.

 

Population

Inclusion entre juillet 2010 et septembre 2013 dans 193 centres américains ou canadiens, de 10 003 patients symptomatiques stables à risque intermédiaire de maladie coronaire (probabilité pré test : 53,3+21,4%) suivis 25 mois (médiane). Les 2 groupes
sont comparables, sans aucune différence significative sur les paramètres cliniques (Tableau 1).
Parmi les patients soumis à un test diagnostique fonctionnel, 67,5% ont eu une scintigraphie myocardique, 22,4% une échocardiographie de stress et 10,2% un test d’effort simple.

Caractéristiques cliniques de l'étude PROMISE (ACC 2015)

Tableau 1

 

Résultats (Tableau 2)

Au cours du suivi, il n’a pas été observé de différence dans la survenue des évènements du critère composite principal : 3,3% parmi les patients examinés en scanner et 4,3% parmi ceux ayant bénéficié d’un test d’imagerie fonctionnelle, p=0,75). Une coronarographie diagnostique de confirmation est plus fréquemment effectuée chez les malades ayant eu un scanner (12,2 vs 8,1%), mais elle détecte moins de lésions coronaires non significatives (3,4 vs 4,3%, p=0,02). Pour l’ensemble de la population, la valeur médiane de l’irradiation est légèrement plus faible chez les patients examinés en scanner (10,0 vs 11,3 mSv , p<0,001) mais comme 32,6% des patients ayant bénéficié d’un test fonctionnel n’ont pas été exposés aux rayonnements (échocardiographie de stress ou épreuve d’effort simple), le scanner coronaire expose finalement les malades à une irradiation plus élevée que la scintigraphie myocardique (12,0 vs 10,1 mSv, p<0,001).

Résultats de l'étude PROMISE (ACC 2015)

Tableau 2

 

Conclusion

Chez les patients symptomatiques stables à risque intermédiaire de maladie coronaire et nécessitant une exploration diagnostique non invasive, aucune différence pronostique n’est mise en évidence entre la stratégie reposant sur le scanner coronaire permettant une approche anatomique et celle des tests d’imagerie cardiaque explorant la fonction myocardique.

 

 

RÉACTION

Depuis que le scanner coronaire a été largement validé en tant que méthode diagnostique, caractérisée en particulier par une très forte valeur prédictive négative, se pose la question de la meilleure stratégie, chez les patients stables et à probabilité intermédiaire de maladie coronaire, entre une approche anatomique et une approche fonctionnelle par les tests d’imagerie cardiaque. Alors que dans cette population, les recommandations récentes de l’ESC 2013 privilégient les tests fonctionnels sur le scanner, aucune étude comparative randomisée entre les 2 stratégies diagnostiques n’avait été rapportée jusqu’à présent.

C’est l’objet de l’étude PROMISE qui a comparé l’évolution clinique et donc les répercussions pronostiques des 2 stratégies mais non pas leur performance diagnostique. L’hypothèse d’une supériorité de la stratégie anatomique sur la stratégie fonctionnelle, en terme de diminution du nombre d’évènements (-20%) du critère principal n’est pas vérifiée.

Comment interpréter ces résultats et quelles peuvent en être les répercussions pratiques ?

Notons tout d’abord que le taux d’évènements observés au cours du suivi est particulièrement faible. L’effectif de l’étude a été calculé sur une estimation de 8% d’évènements survenus au cours du suivi dans le groupe bénéficiant d’un test fonctionnel, alors que seulement 3% ont été observés. On peut évoquer le rôle favorable des statines sur l’évolution de la maladie et sur la survenue des événements du critère principal. En raison d’une dyslipémie présente chez 67% d’entre eux, une statine a été prescrite chez > 45% de ces patients à risque intermédiaire et décrivant pour la majorité d’entre eux des douleurs atypiques.

Par ailleurs et bien que l’étude n’ait pas été prévue pour évaluer l’avantage d’une stratégie sur l’autre en terme de coronarographies de confirmation et a fortiori d’actes de revascularisation, ces données étaient préspécifées et donc analysables. Ces coronarographies ont été effectuées chez seulement 10% des patients (1 015 sur 10 003), alors que la probabilité pré test de maladie coronaire était de 53%, ce qui est à mettre au crédit de l’approche non invasive préalable qui permet d’éviter un grand nombre de coronarographies.

Alors qu’elles ont été effectuées plus souvent après le scanner qu’après les tests d’ischémie, elles ont mis en évidence moins de lésions significatives (>50%), en raison de la forte valeur prédictive négative du scanner. En revanche, elles ont été suivies d’un plus grand nombre de revascularisations par angioplastie ou par pontage.

L’analyse des résultats de l’exposition aux rayonnements est difficile et complexe car tous les patients devant être examinés en scanner ne l’ont pas été et, parmi les tests d’imagerie, seule la scintigraphie est irradiante. En dépit de très faibles différences d’une méthode à l’autre, il faut noter que, bien que cette étude ait été effectuée de 2010 à 2013 et en dépit des affirmations des centres experts souvent rapportées, l’exposition aux rayons X pendant le scanner reste élevée (12 mSv en moyenne) et plus importante que ce que sont supposés offrir les appareils les plus récents, surtout si les protocoles de réduction de dose sont appliqués.
Les données médico-économiques, qui ne sont pas détaillées dans l’article princeps, sont rapportées dans Medscape. Elles ne semblent pas en faveur du scanner, en raison en particulier du plus grand nombre de revascularisations myocardiques par angioplastie ou pontage coronaire.

Finalement, l’étude PROMISE n’apporte pas la preuve escomptée de la supériorité de la stratégie privilégiant le scanner. Bien que 10 000 patients aient été inclus, les auteurs reconnaissent entre les lignes un possible manque de puissance de leur étude : «… en raison du bon pronostic à moyen terme de ces patients, la démonstration de la supériorité d’une stratégie diagnostique… nécessiterait un effectif de patients extrêmement important ». Si il est réellement nécessaire d’inclure plusieurs dizaines de milliers de patients pour faire cette démonstration, c’est peut-être le signe que dans cette population à risque intermédiaire, ces stratégies diagnostiques sont finalement assez proches et que le cardiologue clinicien peut continuer à guider son choix sur les critères habituels: prise en compte des contre-indications respectives de chacun de ces examens, disponibilité de l’appareillage et expertise des équipes auxquelles il confie ses patients.

Pascal GUERET
Hôpital Henri Mondor, Créteil

Article paru dans le CORDIAM N°5 (Avril 2015)
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