Ce congrès de la SFD 2015 a été l’occasion d’une session de communications orales sur des thématiques à la fois fondamentales (mécanismes moléculaires de la cardiomyopathie diabétique), translationnelles (intérêt de l’adrénomédulline et de l’autofluorescence cutanée comme nouveaux biomarqueurs de risque cardiovasculaire) et cliniques (risque cardiovasculaire des patients diabétiques macroprotéinuriques).
Quelle isoforme de SGLT est impliquéedans la glucotoxicité cardiaque ?
La cardiomyopathie diabétique est une pathologie fréquente à la physiopathologie encore mal connue.
L’équipe de Christophe Beauloye (UCL, Bruxelles) s’intéresse à identifier le co-transporteur sodium-glucose (SGLT) qui serait responsable de la glucotoxicité et du stress oxydant observés dans les cardiomyocytes des diabétiques.
Il existe 7 isoformes de SGLT (SGLT 1-6 et SMIT1). SGLT1, SMIT1 et à un degré moindre SGLT3 sont exprimés dans le cœur et les cardiomyocytes de rat et de souris, mais aussi dans le cœur humain. De façon surprenante, l’exposition des cardiomyocytes à des fortes concentrations de glucose (16 mM) n’active pas la NADPH oxydase NOX2 et la production de radicaux libres.
A l’inverse, le myo-inositol (16 mM) reproduit les effets néfastes de l’hyperglycémie via son transport via SMIT1.
SMIT1 serait donc une cible potentielle pour le traitement de la cardiomyopathie du diabétique.
D’après PO43: Van Steenbergen A et al. Contribution des transporteurs au glucose de type SGLT dans la détection de l’hyperglycémie par le cardiomyocyte.
Prébiotiques et dysfonction endothéliale : une nouvelle piste pour la flore
La flore intestinale (i.e. microbiote) fait l’objet d’importantes recherches et de nombreux travaux ont démontré son implication dans de nombreuse pathologies : diabète, stéatose hépatique, maladies inflammatoires, etc…
En parallèle, les études cherchant à manipuler la flore par des probiotiques ou des prébiotiques se développent. Ici l’équipe de Nathalie Delzenne (UCL, Bruxelles) a étudié l’impact d’une supplémentation en fructanes (250 mg/j) pendant 15j sur la dysfonction endothéliale dans un modèle des souris sauvages et APOE KO soumis à un régime déficient en acides gras polyinsaturés de type omega 3.
Les analyses effectuées sur le modèle d’artères mésentériques isolées démontrent que le traitement par les prébiotiques (fructanes) améliore la relaxation induite par l’acétylcholine chez les souris APOE KO, avec également un meilleur profil contractile.
Ceci suggère un effet bénéfique d’une manipulation de la flore intestinale sur la dysfonction endothéliale.
D’après PO44: Catry E et al. La supplémentation en prébiotiques améliore la dysfonction endothéliale induite par une déficience nutritionnelle en acides gras polyinsaturés de type N-3.
L’adrénomédulline : un nouveau marqueur de l’insuffisance cardiaque aiguë ?
L’adrénomédulline (AD M) est un vasopeptide ayant de nombreuses actions sur le plan cardiovasculaire par ses propriétés vasopressives et natriurétiques. L’ADM de plasmatique a été mesurée à l’inclusion chez 1 438 de la cohorte SURDIAGENE (suivi médian : 5,3 ans) et 2 962 de la cohorte DIABHYCAR (suivi médian : 4,7 ans).
Le critère de jugement principal est la survenue d’une insuffisance cardiaque aiguë congestive nécessitant une hospitalisation au cours du suivi. Le risque de survenue d’une insuffisance cardiaque aiguë est augmenté significativement lorsque le taux d’ADM s’élève : HR=2.5, IC à 95% (2.1-2.8) et HR=4.2, IC à 95% (2.1-8.2) pour SURDIAGENE et DIABHYCAR respectivement, pour une augmentation de 1nmol/l. Ce risque demeure significatif après ajustement sur les facteurs de risque identifiés d’insuffisance cardiaque (âge à l’inclusion, antécédents coronariens, durée du diabète, log albumine/créatinine urinaire et l’HbA1C) ou sur les critères de sévérité écho-cardiographiques. Cette étude confirme que l’ADM est un facteur prédictif de survenue d’insuffisance cardiaque chez les patients DT2.
D’après PO45. Fraty M et al. Intérêt pronostique de l’adrénomédulline dans l’insuffisance cardiaque aiguë chez les sujets diabétiques de type 2.
Pronostic cardiovasculaire et rénal de diabétiques de type 2 macroprotéinuriques : données de l’étude ALICEPROTECT
Les patients DT2 protéinuriques sont exposés à 2 risques principaux : i) les accidents cardiovasculaires et ii) l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. Les études « anciennes » comme l’UKPDS suggéraient que le risque prioritaire était la survenue d’un décès cardiovasculaire. Ces données ont été réactualisées dans l’étude multicentrique française ALICE-PROTECT qui a recruté en 2010 986 patients DT2 avec une protéinurie > 0.5 g/L et un DFGe > 15 ml/min/1,73m2. Après un suivi moyen de 23 mois, 729 patients sont analysables. Les taux de morbi-mortalité évaluables à 2 ans ont été : 8,2% de décès (60 patients, dont 26 décès de cause cardiovasculaire) ; 16,2% d’évènements rénaux (doublement de créatininémie : 12%, passage en dialyse : 10%) ; 24,1% d’évènements cardiovasculaires (6,9% ont également un événement rénal). En analyse multivariée, les facteurs prédictifs indépendants des évènements cardiovasculaires et/ou rénaux sont les suivants : antécédents d’insuffisance cardiaque et d’événements vasculaires périphériques à l’inclusion, SAS appareillé, protéinurie abondante à 2 ans, score élevé de traitement antihypertenseur à 2 ans et l’absence de blocage du système rénine angiotensine à 2 ans. Cette étude française récente montre que dans la population de patients DT2 protéinuriques, le risque de progression de la néphropathie est largement supérieur à celui du décès cardiovasculaire.
D’après P046. Halimi JM et al. Evénements cardiovasculaires, rénaux et décès chez des diabétiques de type 2 protéinuriques suivis en néphrologie : résultats à 2 ans de la cohorte ALICE-PROTECT.
Relation entre autofluorescence cutanée et atteinte macroangiopathique chez le diabétique de type 1
La mesure de l’autofluorescence (AF) cutanée est une méthode indirecte permettant de mesurer l’accumulation des produits avancés de la glycation. Des études ont précédemment démontré l’existence d’une association entre le niveau d’AF cutanée et les événements cardiovasculaires chez les patients DT2. Cette étude s’intéresse à cette relation au cours du DT1. 243 sujets ont été inclus en 2009. L’AF cutanée était supérieure chez les sujets ayant une atteinte macrovasculaire préalable (2,57±0,70 vs 2,08±0,54, p=0,014). Ce résultat restait significatif après ajustement à l’âge, au sexe, au tabac, à la durée du diabète, à la présence d’une hypertension artérielle et d’une maladie rénale chronique. Après un suivi de 4 ans, 14 nouvelles manifestations de macroangiopathie étaient apparues (3 AVC, 4 coronaropathies, 7 revascularisations). Les sujets présentant ces accidents CVs avaient une AF initiale supérieure (2,58±0,72 vs autres 2,10±0,55, p=0,002). Ce résultat restait significatif après les mêmes ajustements que précédemment, mais devenait non significatif une fois ajusté à la présence d’une macroangiopathie préalable. Cette étude confirme que l’AF cutanée est associée à la survenue des événements cardiovasculaires indépendamment des facteurs de risque classique.
D’après PO47. Velayoudom-Cephise FL et al. L’autofluorescence cutanée est associée à la macroangiopathie indépendamment de la présence d’une maladie rénale chronique au cours du diabète de type 1.
Évolution des lésions athéromateuses carotidiennes chez les patients diabétiques
L’écho-doppler artériel des troncs supra-aortiques est un examen fréquemment réalisé chez les diabétiques pour la détection et le suivi des lésions athéromateuses carotidiennes. Néanmoins, l’intérêt du suivi évolutif des lésions carotidiennes demeure discuté. Cette étude observationnelle de « vraie vie » a concerné 342 patients diabétiques inclus entre 1993 et 2010. Les résultats du doppler ont été classés en normal (absence de lésion athéromateuse), lésion <50% (ratio de vitesse maximale systolique carotide interne/carotide externe<2) et >50% (ratio de vitesse>2). La progression a été définie pour un patient donné comme le passage à un degré de sévérité supérieur, une régression comme le passage à un degré inférieur. A l’inclusion, 31,3% des patients avaient un doppler normal, 64,6% une lésion<50% et 4,1% une lésion>50%. Une progression a été observée pour 20,1% des patients avec un délai moyen de 6,5±5,3 années soit une progression annualisée de 3.1%. Une régression a été constatée pour 11% des patients. Aucun patient sans lésion initiale n’a développé au cours du suivi de lésion>50%. Six patients ont bénéficié d’une chirurgie carotidienne. Même si ces résultats démontrent une progression des lésions carotidiennes, celle-ci est lente, ne justifiant pas un suivi trop rapproché des écho-dopplers. Par ailleurs, le nombre d’indications chirurgicales a été extrêmement faible au cours du suivi.
D’après PO 48. Vouillarmet J et al. Evolution des lésions athéromateuses carotidiennes chez une cohorte de patients diabétiques.
Dr Bertrand Cariou
Article publié dans le supplément du Cordiam N°6 (Mai-Juin 2015)