Pour vous quelles ont été les deux ou trois principales avancées en cardiologie depuis l’an 2000 ?
Depuis mes débuts dans le milieu international de la cardiologie en compagnie de notre rédacteur en chef (Figure 1), les 20 dernières années ont été marquées par l’explosion des techniques percutanées pour le traitement des valvulopathies, aortiques (TAVI) mais aussi mitrales (notamment le Mitraclip®).
Cette évolution, initiée par l’esprit inventif mais aussi l’abnégation d’Alain Cribier, a permis d’offrir des opportunités thérapeutiques à des patients jusque-là récusés et est à la base d’une nouvelle discipline d’avenir qu’est la Cardiologie structurale.
Le second point qui me paraît fondamental est le développement majeur du traitement de l’insuffisance cardiaque. Certes, celui-ci avait déjà fait un bond colossal dans les années 90 avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les bêtabloquants. Mais le développement des dispositifs médicaux (resynchronisation ventriculaire, assistances ventriculaires gauches) puis il y a 5 ans, le nouveau palier passé avec l’arrivée du valsartan-sacubitril, première classe médicamenteuse à surpasser les IEC après un quart de siècle de suprématie, ont amené une offre thérapeutique extraordinaire pour la prise en charge de la véritable épidémie à venir qu’est l’insuffisance cardiaque.
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
A titre personnel, je suis heureux d’avoir mis en place et développé le programme I-CARE de 2003 à 2010 ayant offert l’accès à l’éducation thérapeutique pour l’insuffisance cardiaque à plus de 220 centres volontaires en France mais aussi dans le Bénélux, avec création d’outils et formation professionnelle grâce au soutien de membres du GICC de la Société Française de Cardiologie et des Laboratoires AstraZeneca. J’ai pu associer ce projet à la mise en place d’un DIU de Prise en charge de l’insuffisance cardiaque, premier DIU mixte médecins et paramédicaux, et à l’élaboration d’un registre (ODIN) pour démontrer la réduction de la mortalité globale obtenue grâce à l’éducation thérapeutique.
Toutefois, je ne peux pas passer sous silence le plaisir que j’ai eu à présider la Société Française de Cardiologie pendant 2 ans et à y développer l’attrait pour les jeunes cardiologues et pour les cardiologues des pays francophones.
Comme le montre la figure 2, ces 20 dernières années m’ont également indéniablement marqué sur le plan physique !
Quel serait votre principal regret ?
Je déplore vraiment que l’innovation permanente et les progrès majeurs dans la recherche médicale inclinent les cardiologues à n’accorder de place qu’à l’application de ces nouveautés au détriment de l’approche clinique et de l’empathie pour le patient. Le recul d’une relation étroite médecin-patient face à l’omniprésence et l’importance des examens paracliniques et des technologies de santé, m’apparaît malheureusement fort préjudiciable à la fois pour le patient et notre métier de médecin.
Comment voyez-vous le futur ?
C’est probablement une évidence de dire que le futur sera représenté par les progrès en matière de recherche génétique. Mais une autre évidence me semble s’imposer : la cardiologie va devenir de plus en plus une cardiologie gériatrique du fait des progrès de prise en charge des pathologies cardiovasculaires et du vieillissement de la population.
Yves Juillière,
Nancy