Quelles ont été les principales avancées en cardiologie depuis l’an 2000 ?

Ces 20 dernières années ont continué à apporter leur lot d’innovations, en particulier en cardiologie interventionnelle dite « structurelle » (traitement des valvulopathies par cathéter) et rythmologique, la plus récente étant les stimulateurs sans sonde. Les progrès en génétique ont été considérables, en particulier dans le cadre des cardiomyopathies et des valvulopathies.

Dans le domaine médicamenteux en revanche, il y eu moins de nouveautés depuis le début des années 2000. Certes, les anticoagulants directs représentent un progrès par rapport aux AVK, surtout en raison de la surveillance simplifiée, mais ne représentent pas une innovation aussi déterminante qu’ en leur temps que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les statines par exemple. Citons tout de même la commercialisation d’Entresto (association d’un sartan et d’un inhibiteur de l’endopeptidase neutre) qui peut être utile chez certains patients en insuffisance cardiaque réfractaire.

En imagerie cardiaque, les progrès les plus notables ont concerné le scanner coronaire dont le nombre plus important de détecteurs offre une performance diagnostique élevée et ouvre la voie à l’étude simultanée de la perfusion myocardique. En IRM cardiaque, la nouveauté concerne les champs magnétiques élevés (3 Tesla) mais dont les applications en cardiologie semblent actuellement limitées. Les espoirs de visualisation des artères coronaires nés des premières études ne sont pas encore concrétisés. En échocardiographie, la décennie récente a vu s’imposer les acquisitions 3D/4D, au moins sur le plan technologique alors que la diffusion en routine clinique reste limitée. Enfin, ces différentes méthodes tendent à être associées, constituant l’imagerie multimodale.

 

Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?

Si il faut choisir, je rapporterais une grande satisfaction dans le domaine académique, avec la création au début des années 80 du DIU national d’échocardiographie. Quelques DU existaient dans certains CHU mais grâce à la bonne volonté de tous, ce DIU a adopté une maquette nationale d’enseignement, théorique mais aussi pratique avec l’institution du carnet de stage.

De très nombreux cardiologues français et européens francophones (belges, suisses, roumains…) mais aussi en provenance des pays du Maghreb ont pu ainsi bénéficier de cet enseignement au sein de toutes les universités françaises. Ce DIU a rapidement été ouvert aux anesthésistes réanimateurs, qui ont ensuite pris leur autonomie.

Plus tard, la création du groupe d’interface avec la Société Française de Radiologie a conduit à la création du DIU national d’imagerie cardiaque en coupes dans le but d’assurer la formation des plus jeunes à ces nouvelles techniques et de faciliter les collaborations entre les 2 disciplines.

 

Quel serait votre principal regret ?

Que l’AP-HP, « premier CHU d’Europe », « premier employeur d’Ile de France », reste dans l’incapacité de se réformer. Les arguments avancés pour maintenir cette entité de 39 établissements sous la même tutelle, en particulier la valeur ajoutée de la recherche scientifique, sont particulièrement spécieux. De nos jours, les indispensables collaborations se font par accointance entre les équipes et non en raison de leur appartenance à l’APHP. Au plan de l’organisation, toutes les tentatives de regroupements (IHU, GHU, GHT…) se sont révélées vaines.
A quand le démantèlement de l’APHP en établissements hospitaliers autonomes et responsables de leur activité ?

Comment voyez-vous le futur ?

La recherche dans l’industrie pharmaceutique semble marquer le pas, soit parce qu’il y a moins de pistes physiopathologiques à explorer qui pourraient déboucher sur des réelles nouveautés thérapeutiques (le traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservé reste à trouver), soit plus sûrement parce que le « prix à payer » est considéré comme trop élevé par rapport aux bénéfices escomptés dans les deux sens du terme. Dans les bénéfices escomptés dans les 2 sens du terme : bénéfices pour le patient, à démontrer par des études cliniques longues et onéreuses et dont les résultats doivent être au moins aussi bons sinon meilleurs que ceux des traitement de référence déjà très efficaces pour la majorité d’entre eux, et avec des critères d’efficacité « durs » tels que la mortalité. Bénéfices au sens économique du terme, la recherche clinique dans certaines pathologies, en particulier les nouvelles thérapeutiques du cancer, étant plus facile à développer (petits effectifs, critères d’efficacité moins contraignants tels que la survie sans progression) et est considérée par les groupes industriels (et leurs actionnaires) comme plus rentable.

 

L’Intelligence Artificielle (IA) va envahir le champ de la médecine. Les capacités de ces machines d’imiter le comportement intelligent de l’homme, d’automatiser les tâches les plus fastidieuses et les plus prenantes de façon rapide et, surtout, très précise rendent son irruption irrésistible. En cardiologie, 3 grandes applications commencent à apporter des résultats :

– l’analyse de l’ECG, où l’IA est utilisée pour le diagnostic, sans aucune mesure quantitative, de certains troubles du rythme comme la FA;

– l’imagerie, en particulier l’échocardiographie (positionnement de la sonde sur le thorax du patient, bientôt la quantification des fuites valvulaires) et l’imagerie en coupes (estimation en IRM, sans aucun calcul, des volumes et de la fraction d’éjection ventriculaires gauches) ;

– la génétique où elle va permettre de définir des profils de patients et les facteurs de risque de certaines pathologies.

L’IA, ce n’est pas la médecine sans médecin, c’est l’exercice renouvelé du rôle du médecin avec une prise en charge des malades profondément modifiée, la réaffirmation du sens clinique, de l’intuition et du dialogue singulier, en particulier l’information du patient sur sa maladie et sur le parcours de soins qui lui est proposé. Du moins, espérons qu’il en soit ainsi !

Pascal Guéret,
Suresnes

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