Il n’y a pas lieu de bouleverser le choix des sites classiques de stimulation ! 

Après l’étude BIOPACE (Biventricularpacing for atrIoventricularblOck in leftventriculardysfunction to PreventcArdiac cArdiacdEsynchronization) rien n’indique que, pour l’instant la stimulation biventriculaire doive remplacer la stimulation ventriculaire droite dans les indications rythmiques courantes.

 

Justification

La stimulation biventriculaire a fait la preuve de son intérêt chez certains patients ayant, notamment, une insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche. Son éventuel impact chez des patients relevant d’une indication rythmique de stimulation hors de ce contexte est inconnu. Il n’est pas illogique de redouter que la stimulation monoventriculaire droite ait un effet délétère à long terme sur la fonction ventriculaire et un essai comparatif avec la stimulation biventriculaire était justifié.

 

Protocole

L’étude BIOPACE est une étude multicentrique qui a permis de randomiser entre mai 2003 et septembre 2007, 1 810 patients avec indication rythmique de stimulation (BAV ou, rarement, FA avec grande bradycardie) pour une implantation avec stimulation ventriculaire droite (n = 908) ou biventriculaire (n = 902). Le critère principal d’évaluation était un critère combiné de décès et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque.

 

Résultats

Les données présentées lors de ce congrès ne concernent que le critère principal d’évaluation à  l’exclusion de toute analyse secondaire des données. Les caractéristiques des 2 groupes étaient bien équilibrées pour des patients de 73 ans d’âge moyen. Plus de 80% d’entre eux ont bénéficié de plus d’un mois de stimulation effective.

Après un suivi moyen de 5,6 ans, 439 décès et 250 hospitalisations pour insuffisance cardiaque ont été enregistrées.

La survenue d’au moins une de ces 2 composantes du critère principal a été observée moins souvent dans le groupe des patients recevant une stimulation biventriculaire, sans que la différence soit statistiquement significative : rapport de risque 0,87 avec ic à 95% entre 0,75 et 1,01 ; p = 0,08). Les patients avaient, en moyenne, une fraction d’éjection ventriculaire gauche de 55,4 ± 12,2% et la même tendance se retrouve selon que leur FEVG était supérieure ou inférieure à 50% Il n’est pas encore possible, à ce stade de savoir si d’autres sous-groupes de patients peuvent avoir tiré un bénéfice particulier de la stimulation biventriculaire.

L’ébauche de séparation, à partir de la 5ème année, des courbes de survie sans événement peut indiquer qu’un suivi plus prolongé serait justifié mais on connaît les difficultés méthodologiques d’une telle prolongation de suivi.

Il n’y a pas eu de problème particulier de tolérance avec l’une ou l’autre modalité mais l’implantation a échoué dans 14% des cas avec le mode biventriculaire contre 0% en mode VD : ces échecs  ont surtout été observés au début de l’étude et suggère qu’il faut les imputer à l’apprentissage d’une méthode qui en était alors à ses débuts.

 

Conclusion

Ces résultats nous laissent un peu sur notre faim en attendant l’analyse complémentaire des données annoncée.

biopace

Figure :  Étude SEPTAL ; courbes de survie sans événements du critère principal (mortalité ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque. La flèche indique l’ébauche de séparation des courbes.

 

 

RÉACTION

L’étude BIOPACE était une étude de grande ampleur (1 800 patients inclus), de longue durée et avec des critères solides de morbi-mortalité. La question posée était celle de l’avantage de la stimulation biventriculaire sur la stimulation monoventriculaire droite pour prévenir la dégradation de la fonction ventriculaire gauche, une complication que l’on peut redouter au vu du QRS large installé par la stimulation. Cette question de la stimulation biventriculaire ne se pose plus chez les patients en insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection inférieure à 35% chez lesquels elle est indiquée d’emblée pour la resynchronisation mais il est question ici de la stimulation biventriculaire préventive précisément en l’absence d’insuffisance cardiaque et lorsque la fraction d’éjection est supérieure à 35%.

On espérait avoir, avec BIOPACE, des résultats aussi clairs par exemple, que ceux de l’étude ASSERT qui avait montré, avec 2500 patients stimulés, la fréquence des épisodes d’arythmie complète asymptomatiques et l’excès de risque d’AVC qu’ils véhiculent. Les résultats ne sont malheureusement pas au rendez-vous et on ne peut pas manquer d’évoquer les 15% d’échecs d’implantation et le nombre important de cross-over. La décision a été prise d’augmenter la durée du suivi puisque les courbes sont superposées au cours des5 premières années et qu’elles divergent ensuite avec une différence qui, pourquoi pas, pourrait devenir significative.

On dispose déjà depuis l’an dernier des résultats de l’étude PACE (Pacing to Avoid Cardiac Enlargement) qui a effectivement montré, l’excès de dysfonctions ventriculaires gauches avec la stimulation ventriculaire droite par rapport à la stimulation biventriculaire préventive. Cette étude reposait toutefois sur un faible nombre de patients (177, soit 10 fois moins que dans BIOPACE) et son critère principal d’évaluation était un critère (échographique) de substitution. Nous espérons maintenant avoir d’autres études avec du matériel contemporain (sondes et boitiers) et des utilisateurs désormais mieux rompus à la technique. Elles permettraient probablement de répondre à cette question de la stimulation biventriculaire préventive. Il faudra alors s’intéresser avant tout aux patients qui ont un BAV complet (et qui relèvent d’une stimulation permanente). Or ces patients nécessitent souvent une implantation en urgence et on voit bien toute la complexité technique et logistique que cela suppose.

Jean-Marc Davy,
CHU Montpellier



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