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Saint Augustin.
Giovani Domenico Tiepolo (Venise, 1727-1804)

Chez les Tiepolo, on travaille en famille. Le père, Giambattista, (1696-1770) est le plus connu. Ses 2 fils, Giandomenico (ou Giovani Domenico) et Lorenzo, le cadet, vont parfaire leur éducation artistique à ses côtés, en le suivant dans les différentes villes italiennes où il est appelé (Venise, Milan, Udine…) mais aussi à Würzburg en Allemagne puis à Madrid.

Formé dès l’âge de 13 ans dans l’atelier de son père, Giandomenico travailla dans le style paternel mais en développant progressivement une palette personnelle, plus flamboyante et en choisissant des sujets représentant la réalité quotidienne ainsi que des scènes de genre. Il peignait volontiers de petites toiles, très différentes dans leur composition des grandes fresques héroïques de son père. Il produisit aussi des peintures religieuses significatives sur le plan historique et qui font partie à Venise du premier cycle peint sur le thème de la Via Dolorosa, dévotion au chemin de croix qu’aurait parcouru Jésus jusqu’au lieu de sa crucifixion.

Cette représentation de Saint Augustin est donc un des tableaux de Giandomenico Tiepolo traitant d’un sujet religieux. Les principaux attributs du Saint y sont illustrés : Augustin, est le plus souvent représenté tenant dans sa main un cœur flamboyant parfois percé de flèches.

Cette représentation métaphorique est inspirée des Confessions : « Tu avais percé mon cœur des flèches de ton amour ». Elle symbolise aussi la charité envers dieu et les hommes, thème récurrent dans ses écrits.

Proche du cœur, la main droite tient un livre ouvert, symbole de science et de savoir et rappelant que Saint Augustin avait été reconnu Docteur de l’Eglise en 1298.

Enfin, la riche étole sur laquelle est figurée Saint Paul, pour indiquer que la lecture de ses Épîtres avait influencé sa conversion. Ces symboles traduisent des aspects propres de la vie et de la pensée d’Augustin, figure majeure de l’Eglise.
Sur le plan de la composition picturale, remarquons le classicisme de la disposition pyramidale du portrait. La lumière vient de la droite mais le cœur flamboyant, symbole principal dans ce tableau, n’en est pas la source. Elle met en valeur la couleur blanche du vêtement qui évoque la pureté et le pouvoir rédempteur du Christ. Elle éclaire la partie gauche du visage alors que la face droite reste dans une semi-obscurité. Ce clair-obscur module très habilement la composition et met en valeur la chevelure et l’abondante barbe du
Saint, et surtout la profondeur de son regard, dirigé vers le spectateur auquel il semble s’adresser directement, traduisant l’intensité de sa foi et de son mysticisme.

D’après les historiens de l’art, Giandomenico Tiepolo allait demeurer le dernier artiste digne d’intérêt de la seconde partie du 18è siècle vénitien. Les grandes figures vénitiennes avaient disparues. Lorsque la cité des doges encouragea la création d’une Académie des Beaux Arts que Giandomenico présida un temps, son intention était d’assurer la permanence des anciens critères artistiques qui avaient fait sa renommée. Mais elle faisait aussi le constat qu’aucun nouveau talent ne semblait émerger. La brillante tradition vénitienne s’était tarie, comme si elle attendait avec résignation les assauts des armées napoléoniennes qui, au mois de mai 1797, envahirent la lagune, firent descendre les couleurs de la république vénitienne sur la place Saint Marc et finalement détruisirent une société qui s’était développée pendant un millénaire et avait illuminé l’Europe.

Pascal Gueret

Giovani Domenico Tiepolo (Venise, 1727-1804) – Huile. 71,5 x 54 cm.