Un cœur « normal » dans un organisme normal peut s’engager dans tout type de sport selon ses capacités déterminées génétiquement, au prix d’un entraînement adéquat.

Un sujet ne se plaignant de rien vient demander « l’autorisation » de pratiquer un sport afin d’obtenir sa licence. Le médecin engage sa responsabilité en signant un certificat et doit donc s’assurer que le sujet ne présente pas de contre-indication en l’interrogeant sur ses symptômes, ses antécédents personnels et familiaux et en l’examinant. S’il peut faire et interpréter correctement un ECG, il rend un immense service en détectant dans de rares cas une pathologie potentiellement mortelle et éviter ainsi une possible mort subite qui est un événement dramatique. La législation évolue, le risque demeure.

Introduction

L’aptitude cardiaque au sport revêt une simple problématique. L’activité sportive est bénéfique pour la santé, une étude de cohorte britannique récente sur plus de 80 000 sujets d’une cinquantaine d’années dont plus de la moitié de femmes retrouve chez les sportifs après un suivi de 9 ans un effet bénéfique sur la mortalité totale de la pratique du cyclisme, de la natation, des sports de raquette et de l’aérobic, ces trois derniers sports ayant également un effet bénéfique sur la mortalité cardiovasculaire 1. Comment aborder le dépistage d’une anomalie cardiaque chez un enfant ou un adulte jeune qui désire s’investir dans le sport de compétition ou de loisir avec licence ? Nous n’aborderons pas ici le cas du patient cardiaque  désirant faire ou reprendre une activité sportive qui relève d’une approche différente.

Le dépistage commence par le médecin généraliste

En effet, c’est au médecin traitant que sera demandé de signer un certificat de non contre-indication (CNCI) à l’activité sportive. Il s’agit d’un travail délicat, car routinier et redondant, source de dérives bien connues (certificat signé sur le coin d’une table avant la reprise de la saison sportive). Or, la responsabilité médicale peut être engagée en cas d’accident grave qui aurait pu être évité. Le risque de mort subite non traumatique est certes rare, estimé autour de 1-2 à 5/100 000 personnes/an respectivement avant et après 35 ans (d’origine cardiaque dans plus de 80% des cas), mais non nul et nécessite de prendre le temps de bien interroger le sujet ou sa famille avant d’engager sa signature 2-4. Un auto-questionnaire peut être rempli par le sujet avant la consultation (figure 1).

L’interrogatoire recherche des antécédents personnels (cardiaques, médications) et familiaux (mort subite précoce, soit avant 50 ans, maladie de Marfan, autres cardiopathies). Il faut également rechercher avec attention l’existence de symptômes (malaise, syncope, douleur thoracique, dyspnée à l’effort, fatigue anormale). Enfin, l’examen clinique comporte l’auscultation cardiaque et pulmonaire, la palpation des pouls, des stigmates de maladie de Marfan, la prise
de pression artérielle. Actuellement, si tout est normal, le médecin peut signer le CNCI.

En cas d’anomalie, il faut engager « le patient » dans un bilan diagnostique classique avant de signer.

Certificat de non contre-indication au sport

En 2017, la législation a évolué. Jusqu’ici, le CNCI était valable un an et devait être renouvelé à chaque saison. Cela entraînait de grosses difficultés organisationnelles et les dérives déjà signalées. Le législateur a donc proposé de modifier les conditions d’obtention de ce CNCI 5,6. Celui-ci sera valable trois ans pour un sport d’une fédération, (sauf cas particuliers). Les deux années suivantes, il sera demandé au sportif souhaitant un renouvellement de sa licence de remplir un autoquestionnaire (figure 2). S’il répond « non » à toutes les questions, il le signale à la fédération qui lui délivrera sa licence. S’il répond oui à une seule question, il devra consulter son médecin qui lui fera un nouveau CNCI. Il faut noter que les cardiologues souhaitaient grâce à ce système obtenir qu’un ECG de dépistage puisse être effectué et renouvelé tous les 3 ans par exemple, suivant les recommandations de l’European Society of Cardiology de 2005 et de 2017 et celles de la SFC de 2009, mais ils n’ont pas eu gain de cause 2,4,7.

Place de l’ECG

Il existe en effet une controverse sur la nécessité de compléter l’examen clinique par un ECG chez les jeunes sportifs s’engageant dans la compétition entre les USA et l’Europe. L’étude italienne de Corrado avait montré que l’instauration d’un ECG systématique faisait baisser le risque de mort subite chez l’athlète sous le niveau de la population générale 8. Un long débat toujours d’actualité met en avant divers arguments en faveur ou en défaveur de ce principe. Il s’agit, non pas tant d’un débat médical, mais sociétal d’organisation du dépistage. En effet, si l’ECG est effectué par le médecin généraliste, celui-ci devra être formé et équipé, ce qui n’est pas actuellement le cas. L’interprétation de l’ECG du sportif est en effet régulièrement remise à jour afin de faire la part des choses entre ce qui est acceptable dans le cadre d’un cœur d’athlète et ce qui doit engager un bilan spécifique. Le dernier consensus international vient d’être publié 9, la figure 3 résume les critères permettant de limiter les faux positifs. Ceci ne concerne que les athlètes asymptomatiques entre 12 et 35 ans, sans antécédents de mort subite précoce ou de cardiopathie héréditaire familiale.

L’ECG est anormal dans 80% des cas en présence d’une cardiomyopathie (hypertrophique, dysplasie du VD), d’une canalopathie (QT long, Brugada) ou d’une préexcitation qui sont les principales causes de mort subite chez l’athlète compétiteur de moins de 35 ans. Il ne pourra pas détecter une ischémie à l’effort (pont musculaire, anomalie de naissance des coronaires), et sera souvent normal en présence d’un prolapsus de la valve mitrale. Après 35 ans, c’est la maladie coronaire qui est de loin la plus grande pourvoyeuse de mort subite à l’effort, essentiellement chez le sportif de loisir, l’ECG d’effort doit alors se discuter.

Place du test d’effort

Il n’existe pas de consensus sur l’indication du test d’effort chez l’adulte sportif asymptomatique. Une étude multicentrique française vient d’être publiée qui apporte un élément de réponse à ce problème 10.

1361 sportifs asymptomatiques (moyenne d’âge de 50,4 ans, 90% d’hommes) pratiquant 5 ± 3 heures d’entraînement par semaine ont bénéficié d’un examen clinique avec évaluation des facteurs de risque CV, d’un ECG et d’un test d’effort.

Un bilan complémentaire était effectué si le test d’effort était pathologique.

• 144 tests étaient anormaux (arythmie dans 48% des cas, ischémie dans 33% des cas), dont 94% d’hommes.
• Une pathologie cardiaque a été confirmée dans 24 cas (1,7% de la population totale) : maladie coronaire (n=12), hypertension (n=8), prolapsus mitral (n=2), dysplasie du VD (n=1), BAV d’effort (n=1).
• Aucune pathologie n’a été confirmée chez 50 sujets avec test anormal (34,7%).

Dans ce travail, un test d’effort anormal est retrouvé dans 10% des cas et une maladie coronaire dans 2% des cas. Le coût du dépistage a été évalué à 150€euros pour chacun et 8500€euros pour chaque pathologie dépistée. Le risque de maladie coronaire est lié au nombre de facteurs de risque (0,6% avec 1 FDR, 1% avec 2 FDR et 5% avec ≥ 3 FDR).

Il parait raisonnable d’envisager un test d’effort de dépistage chez les sportifs masculins de plus de 35 ans ayant au moins 2 facteurs de risque CV.

Les 10 règles d’or

Il est toujours utile de répéter les règles d’or proposées par le club des cardiologues du sport (figure 4), qui insistent sur les règles de prudence d’une part, mais aussi sur la nécessité de prendre en compte les symptômes par les sportifs. Ceux-ci doivent être également bien informés sur la nécessité de se former aux gestes qui sauvent, le risque mortel d’un arrêt cardiaque étant diminué par la présence de défibrillateurs automatiques au sein des équipements sportifs et par la compétence de l’entourage à débuter la réanimation sur place. Enfin, il est important de répéter aux sportifs fumeurs et à leur entourage que le sport ne les protège pas des méfaits cardiovasculaires du tabac, ce qui est malheureusement encore bien ancré dans les esprits.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.

Bruno PAVY, Service de réadaptation cardiovasculaire, Centre Hospitalier, Machecoul, pavy.bruno@wanadoo.fr

Références
1 – Oja P, Kelly P, Pedisic Z, et al. Associations of specific types of sports and exercisewith all-cause and cardiovascular-diseasemortality: a cohortstudy of 80 306 British adults. Br J Sports Med 2016;0:1-7. doi:10.1136/bjsports-2016-096822
2 – Recommandations concernant le contenu du bilan cardiovasculaire de la visite de non contre indication à la pratique du sport en compétition entre 12 et 35 ans. F. Carré, R. Brion, H. Douard, D. Marcadet, A. Leenhardt , F. Marçon, J.R. Lusson www.sfcardio.fr
3 – Marijon E, Tafflet M, Celermajer DS et al. Sports-relatedsuddendeath in the general population. Circulation 2011;124:672-81.
4 – Mont L, Pellicia A, Sharma S, et al. Pre-participation cardiovascularevaluation for athletic participants to preventsuddendeath: Position paperfrom the EHRA and the EACPR, branches of the ESC. Endorsed by APHRS, HRS, and SOLAECE. Eur J PrevCardiol 2017;24:41-69.
5 – Décret n°2016-1387 du 12 octobre 2016 modifiant les conditions de renouvellement du certificat médical attestant de l’absence de contre-indication à la pratique du sport. J.O. du 16 octobre 2016.
6 – Arrêté du 20 avril 2017 relatif au questionnaire de santé exigé pour le renouvellement d’une licence sportive. J.O. du 04 mai 2017.
7 – Corrado D, Pelliccia A, Bjørnstad HH, et al. Cardiovascularpre-participation screening of youngcompetitiveathletes for prevention of suddendeath: proposal for a commonEuropeanprotocol: consensus statement of the Study Group of Sport Cardiology of the Working Group of CardiacRehabilitation and ExercisePhysiology and the Working Group of Myocardial and PericardialDiseases of the European Society of Cardiology. EurHeart J 2005;26:516-24.
8 – Corrado D, Basso C, Pavei A, et al. Trends in suddencardiovasculardeath in youngcompetitiveathletesafterimplementation of a preparticipation screening program. JAMA 2006;296:1593-601.
9 – Drezner JA, Sharma S, Baggish A, et al. International recommendations for electrocardiographicinterpretation in athletes. Br J Sports Med 2017;51:704–731.
10 – Chevalier L, Kervio G, Doutreleau S, et al. The medical value and cost-effectiveness of an exercise test for sport preparticipationevaluation in asymptomatic middle-aged white male and femaleathletes. Arch Cardiovasc Dis 2017;110:149-56.

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