François Carré, CHU Pontchaillou-Université Rennes 1-INSERM U1099
francois.carre@univ-rennes1.fr
Le cardiologue reste réticent à répondre positivement à la demande de pratique sportive formulée par certains patients insuffisants cardiaques chroniques (ICC). Pourtant les preuves accumulées en faveur des bénéfices de l’activité physique chez ces patients sont formelles et toutes les recommandations encouragent la pratique d’une activité physique régulière d’intensité modérée privilégiant l’endurance et un renforcement musculaire adapté doit toujours être encouragé chez l’ICC au moins de grades NYHA I, II et III. La haute autorité de santé (HAS) a validé en 2011 l’activité physique et sportive comme une thérapeutique non médicamenteuse. Cet article espère vous convaincre qu’avec une bonne connaissance de ses contraintes cardiovasculaires, une évaluation adaptée des capacités individuelles et une éducation stricte sur sa bonne pratique au mieux avec un encadrement adapté il est possible de ne pas systématiquement répondre négativement aux patients insuffisants cardiaques désireux de pratiquer un sport.
La loi du « sport sur ordonnance »
Une loi pour recommander la prescription de l’activité physique dans les affections de longue durée (ALD) a récemment été votée dans le cadre de la loi de modernisation du système de santé. Comme tout traitement, l’efficacité de cette pratique d’activité physique dépend essentiellement de sa poursuite régulière. Cette condition est le frein principal de cette thérapeutique, surtout du fait d’une lassitude et d’un ressenti de contrainte par le patient de ce qui devrait être perçu comme un plaisir si une notion ludique y
était associée.
Le 27 janvier 2016, l’article « Art. L. 1172-1 » de la nouvelle loi de santé est publié au Journal Officiel : « Dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient. ». La prescription d’une activité physique encadrée a pour but de permettre à un patient atteint d’une ALD d’adopter un mode de vie physiquement actif régulier pour réduire les facteurs de risque et les limitations fonctionnelles liés à sa
pathologie.
Le décret d’application de cette loi est entré en vigueur le premier mars 2017. Il précise les critères sur lesquels le médecin prescripteur pourra se baser pour évaluer les capacités physiques et risques du patient et ainsi l’adresser à l’encadrant de l’activité physique le mieux adapté à son cas. Curieusement pour une affection prise en charge à 100% il est aussi stipulé que ni la prescription, ni la dispensation de cette activité physique ne font l’objet d’un remboursement par l’assurance maladie. Pour la prescription de l’activité physique et sportive, il est essentiel que le praticien considère les patients atteints d’ALD en fonction de leur état clinique et de leur profil fonctionnel ayant un impact sur leur autonomie. Les patients seront accueillis dans des structures validées par les ARS, leur liste étant consultable sur le site internet de celles-ci. Ils seront encadrés par des professionnels du sport adapté à leur état fonctionnel. En dehors des dysfonctions ventriculaires gauches débutantes, les ICC devront être encadrés par des kinésithérapeutes ou par des enseignants en activité physique adaptée.
La prescription d’une activité sportive, toujours adaptée aux limites fonctionnelles des patients et tenant compte de ses goûts, pourra nécessiter la présentation d’un certificat médical attestant de
l’absence de contre-indication à la pratique du sport choisi pour que le pratiquant soit titulaire d’une licence délivrée par une fédération sportive. En effet, certaines fédérations sportives ont été habilitées par le Comité National Olympique Sportif Français pour recevoir les patients en ALD en leur proposant une activité spécifique de sport-santé. Les protocoles sportifs adaptés proposés ont été validés par une commission médicale et les patients pratiquants sont sous la responsabilité d’encadrants spécifiquement formés aux pathologies concernées. Les fédérations sportives proposant ces activités de sport-santé validées sont recensées sur le « médicosport-santé » consultable sur internet.
Les réponses normales de l’organisme aux contraintes de l’exercice musculaire
L’activité physique regroupe tous les mouvements corporels qui majorent la dépense énergétique au-delà du métabolisme de base (1 MET = 3,5 ml O2/min/kg). L’exercice physique concerne les activités physiques réalisées librement de manière non structurée dans un simple but de santé. Le sport est le plus souvent défi ni comme un exercice physique réalisé dans un cadre codifi é par un règlement. Il est à tort trop souvent synonyme d’entraînement intense à visée de compétition et de performance. Ceci explique pour une grande part la réticence des cardiologues vis à vis de
sa pratique par les ICC. Alors que la pratique sous forme de loisir d’un sport adapté individuellement aux capacités physiques et techniques d’un patient est possible dans la grande majorité des cas.
Des notions de physiologie de l’exercice musculaire sont indispensables à connaître pour pouvoir autoriser un ICC à pratiquer une activité physique ou sportive adaptée. Les réponses ventilatoires, cardiovasculaires, endocriniennes, ostéo-articulaires et musculaires de l’organisme varient en fonction des contraintes de l’exercice musculaire réalisé. Ces contraintes dépendent d’une part des caractéristiques de l’exercice, type, intensité, durée et environnement et d’autre part des caractéristiques du pratiquant, pathologie (type et gravité), traitement (pouvant interférer avec les réponses à l’exercice), niveaux d’entraînement et d’expertise technique.
L’énergie nécessaire au fonctionnement des organes, donc à la vie, provient essentiellement de l’hydrolyse de l’adénosine triphosphate (ATP). Les stocks d’ATP dans l’organisme humain sont très faibles, ce qui impose son renouvellement permanent par deux métabolismes. Le métabolisme anaérobie dont l’inertie est très brève (quelques secondes), qui produit beaucoup d’énergie par unité de temps (puissance très élevée), mais seulement pendant quelques minutes (capacité faible), et qui libère de l’acide lactique et le métabolisme aérobie qui consomme de l’oxygène sans libérer d’acide lactique et dont l’inertie est plus longue (2-4 minutes), la puissance moindre mais la capacité beaucoup plus élevée que celle du métabolisme anaérobie.
Comme on l’a vu tout mouvement corporel augmente la dépense énergétique ou la consommation d’oxygène (VO2) par rapport à celle de repos. Nous avons à notre disposition les coûts énergétiques moyens de pratiquement toutes les activités sportives. Pour une activité physique ou sportive donnée plus son intensité est élevée et plus la VO2 nécessaire pour la réaliser est importante. Outre son intensité de pratique, le niveau technique du pratiquant peut jouer un rôle majeur dans le niveau de VO2 d’une activité physique ou sportive. Par exemple un bon skieur, un bon nageur ou un bon tennisman dépensent moins d’énergie donc consomment moins d’oxygène qu’un débutant dans ce sport. La puissance maximale du métabolisme aérobie d’un sujet est reflétée par sa VO2 maximale (VO2 max.), exprimée en l/min, % de la valeur théorique ou ml/min/kg, qui correspond à une intensité d’exercice qui peut être maintenue en moyenne 4 minutes pour un sujet sain non entraîné. La VO2 max. correspond à la quantité maximale d’O2 qu’un sujet peut prélever dans l’air ambiant par son système ventilatoire, fixer sur son hémoglobine et transporter par le sang circulant qui est propulsé par le myocarde dans les vaisseaux sanguins qui adaptent l’apport d’O2 aux besoins de chaque organe. La destination finale de l’O2 est la mitochondrie. L‘exploration fonctionnelle de ces différentes réponses à l’exercice musculaire se fait par l’épreuve d’effort progressivement maximale avec analyse des échanges gazeux, véritable banc d’essai de l’organisme. Elle permet le calcul de VO2 max. de préciser la part de chacun des facteurs ventilatoires, cardiovasculaires et musculaire en cas d’altération de celle-ci (1).
Un exercice correspondant à une dépense énergétique de 50-60 % de la VO2 max. d’un sujet peut être poursuivi pendant longtemps par ce sujet. Ce niveau d’intensité correspond au premier seuil ventilatoire (encore trop souvent appelé seuil aérobie par les cardiologues) du sujet. En pratique à niveau de VO2 max. identique on pourra autoriser une pratique sportive à forte composante technique, à un ICC bon techniquement et pas à un autre ICC qui veut débuter dans ce sport pour qui le coût énergétique du geste sportif dépassera son seuil ventilatoire avec risque d‘épuisement très rapide. L’environnement, chaleur (déshydratation et tachycardie), froid (vasoconstriction et élévation de la pression artérielle), altitude, vent, voire plongée sous-marine (myocarde sensible prudence) majorent toujours les contraintes énergétiques d’une activité physique et sportive ce qui explique que des conditions environnementales difficiles puissent gêner la pratique sportive chez un ICC. La composante psychologique, en particulier en cas de compétition « amicale » ou officielle, qui s’accompagne d’une libération majorée des hormones de stress et d’une élévation de la fréquence cardiaque doit aussi être prise en compte. On distingue, classiquement mais assez grossièrement, deux modes d’exercice musculaires. L’exercice dynamique (endurance pour les anglo-saxons) avec une alternance de contraction et de relaxation de masses musculaires importantes, qui sollicite plus ou moins les métabolismes aérobie et anaérobie selon son intensité (en % de VO2 max.) et sa durée. Cet exercice dynamique peut être continu et alors essentiellement aérobie ou fractionné avec alternance de phases intenses, avec participation anaérobie plus ou moins importante, et de phases de récupération (actives ou passives) essentiellement aérobies. L’exercice statique correspond à une contraction d’un muscle sans changement de sa longueur et met en jeu le seul métabolisme anaérobie. Il diffère de la « musculation » ou renforcement musculaire (resistance pour les anglosaxons) qui est un exercice dynamique contre une charge fixe imposée. Son intensité est exprimée en % de la force maximale volontaire du muscle principalement sollicité. L’évolution des principales réponses cardiovasculaires à l’exercice selon sa composante principale est résumée sur la Figure 1. L’exercice dynamique est dit de type volumétrique (retour veineux et remplissage ventriculaire importants) avec augmentation importante du débit cardiaque et modérée de la pression artérielle systolique grâce à une baisse des résistances vasculaires périphériques. L’exercice statique est dit « barométrique » car lors de sa réalisation le débit cardiaque augmente peu, les résistances périphériques baissent peu et les deux composantes de la pression artérielle augmentent nettement.
Limitations des réponses à l’exercice musculaire de l’insuffisant cardiaque chronique
L’insuffisance cardiaque chronique à fonction systolique altérée est une maladie de l’organisme. Pour répondre à une dysfonction d’un organe, le myocarde, l’organisme met en place des adaptations efficaces à court terme mais qui vont à long terme aggraver la dysfonction initiale et surtout altérer le fonctionnement des autres organes (2). La baisse initiale du volume d’éjection systolique, donc du débit cardiaque et de la pression artérielle, est corrigée par la stimulation sympathique, les catécholamines et les hormones vasopressives qui en favorisant tachycardie et vasoconstriction rétablissent un niveau de pression artérielle efficace. Mais l’hypoperfusion imposée aux organes altère leur fonction. Ainsi, une myopathie s’installe progressivement avec diminution de l’efficacité enzymatique aérobie et prédominance des fibres musculaires anaérobies donc accumulation précoce d’acide lactique et fonte de la masse musculaire. Elle est aggravée par l’inactivité physique fréquente de l’ICC entretenue par la dyspnée et la fatigue musculaire qui sont les deux symptômes majeurs de la pathologie. Les troubles de ventilation à l’exercice de l’ICC sont multifactoriels (3). Le rôle des inadaptations entre les réponses ventilatoires réflexes à l’exercice et les informations issues des nombreux récepteurs musculoarticulaires (regroupées classiquement sous le terme d’ergoréflexes) est majeur. Bien que sa physiopathologie initiale soit moins bien connue, le retentissement de l’ICC à fraction d’éjection préservée sur l’organisme est comparable (4). C’est à partir de ces données physiopathologiques et des preuves de son efficacité que l’activité physique régulière est recommandée (recommandation I A) comme thérapeutique faisant partie du traitement optimal de l’ICC (5). La VO2 max. est diminuée chez l’ICC (10-20 ml/min/kg en moyenne) par rapport à un sujet sain apparié non entraîné (30-40 ml/min/kg). Cette baisse de VO2 max. est liée à une altération des trois maillons principaux, ventilatoire, cardiovasculaire et musculaire squelettique, du transport de l’oxygène (7). L’évaluation de la part respective de chacun de ces maillons par l’épreuve d’effort avec analyse des échanges gazeux va aider à guider des ajustements thérapeutiques. Les limitations d’adaptations centrales et périphériques expliquent principalement la baisse de la VO2 max. de l’ICC.
Les limitations centrales
Les deux facteurs d’adaptation du débit cardiaque, fréquence cardiaque et volume d‘éjection systolique, sont altérés chez l’ICC. Au total, le débit cardiaque à l’effort maximal est donc plus ou moins diminué chez l’ICC selon son niveau de gravité par rapport à un sujet sain apparié. Le cœur normal à l’effort, se remplit davantage et se vide mieux. Le volume d’éjection systolique augmente peu à l’exercice chez l’ICC car le remplissage ventriculaire diastolique est limité et la contractilité est diminuée Figure 2. La baisse de la vidange ventriculaire est majorée par l’aggravation à l’effort de la fuite mitrale fréquente chez ces patients. Une ischémie myocardique liée à l’effort majore souvent ces altérations surtout en cas de cardiopathie ischémique.
Le principal facteur d’augmentation du débit cardiaque chez l’ICC est donc la fréquence cardiaque Figure 3. Chez ces patients la fréquence cardiaque de réserve à l’effort (différence entre les fréquences cardiaques maximale et de repos) est diminuée. D’une part, car la fréquence de repos est augmentée par l’hyperadrénergie d’adaptation. D’autre part, car la fréquence maximale est diminuée par la down régulation des récepteurs bêta-adrénergiques et par l’effet des médicaments bradycardisants qui de plus abaissent sa pente d’accélération (8).
Les limitations périphériques
Comme en témoigne l’absence de corrélation entre la fraction d’éjection ventriculaire gauche de repos et la VO2 max., les dysfonctions centrales n’expliquent pas à elles seules les limites à l’exercice de l’ICC (6). Chez l’ICC la capacité de vasodilatation des muscles squelettiques est limitée l’apport Figure 4A et la répartition sanguine à l’effort entre les différents organes est altérée par rapport au sujet sain Figure 4B.
Les autres limitations
Les autres altérations de l’organisme de l’ICC, déjà décrites participent aussi à la diminution de la VO2 max., et en particulier les altérations anatomiques et fonctionnelles ventilatoires, majorées par leur dysrégulation par les ergo- et mécano-réflexes à l’effort. L’anémie fréquente chez l’ICC aggrave aussi la limitation à l’effort.
La pratique sportive par l’insuffisant cardiaque
Comme pour les autres pathologies chroniques, la VO2 max. individuelle est le principal marqueur pronostic de l’ICC (1). Son amélioration est donc toujours bénéfique et la prescription d’une activité physique ou sportive adaptée, en dehors d’une période de décompensation aiguë de la pathologie, est un élément incontournable de l’arsenal thérapeutique de l’ICC (5). Cette pratique qui sera au mieux débutée et encadrée lors d’un séjour dans un centre de réadaptation cardiovasculaire, devra être poursuivie à vie. Dans la grande majorité des cas une activité physique modérée et régulière paraîtra suffisante aux patients. Plus rarement une demande d’autorisation pour une pratique sportive sera formulée par des patients, souvent au passé sportif, peu ou pas symptomatiques (NYHA I et II). Pour le cardiologue traitant souvent étonné par cette demande l’attitude la plus aisée sera bien sûr de refuser toute pratique sportive. Une attitude individualisée vis à vis de la pratique sportive souhaitée mérite pourtant toujours d’être envisagée en répondant à trois questions principales.
Le sport est-il un facteur aggravant de la cardiopathie ?
Des questions légitimes concernant la possible aggravation d’une insuffisance cardiaque par une pratique sportive trop intense et/ ou trop fréquente peuvent être posées. Une pratique sportive peut-elle aggraver une cardiopathie à risque d’ICC ou une dysfonction ventriculaire débutante, déséquilibrer une insuffi sance cardiaque modérée équilibrée, aggraver une fuite mitrale souvent associée à l’ICC, et/ou favoriser la survenue d’un accident rythmique ? Nous avons peu de données scientifiques pour répondre à ces différentes questions. Cependant, l’aggravation par la pratique sportive intense rapportée en cas de maladie arythmogène du ventricule droit et sur les cardiopathies dilatées par laminopathies invite à une prudence vis à vis des autorisations de pratique sportive comme le souligne les nouvelles recommandations proposées par les américains du Nord (9).
Quel bilan proposer au patient ?
Très peu d’études, à notre connaissance, ont concerné le contenu spécifique du bilan à réaliser chez un ICC désireux de pratiquer un sport. Les propositions ci-dessous sont donc basées sur les recommandations proposées pour la réhabilitation à l’effort de l’ICC, sur les recommandations concernant la pratique sportive en cas de cardiomyopathies (5,9,10) et sur des règles de bon sens.
L’interrogatoire précisera la pathologie en cause et en particulier son risque arythmique adrénergique, le traitement en cours et la symptomatologie fonctionnelle éventuelle en particulier à l’effort, l’éventuel passé sportif et le désir actuel de pratique (goûts, motivation, niveau technique éventuel, objectifs).
L’examen physique ne doit pas se limiter à l’appareil cardiovasculaire mais évaluer aussi l’état musculaire et ostéoligamentaire en s’aidant si besoin par un avis spécialisé. Au repos ECG et échographie cardiaque sont bien sûr indispensables.
Une épreuve d’effort avec analyse des échanges gazeux réellement maximale (c’est à dire épuisante) ou limitée par les symptômes, réalisée sous traitement éventuel est indispensable. Elle explore les tolérances hémodynamiques et rythmiques et définit les limites subjectives et objectives à l’exercice. L’indication de l’échocardiogramme d‘effort dans ce contexte n’est pas bien précisée. A notre avis sa réalisation mérite d’être la plus large possible, vu son apport majeur pour l’évaluation des fonctions systoliques et diastoliques ventriculaires gauches et droites, qui ont un rôle majeur dans les réponses à l’effort, et en particulier de la cinétique de la pression artérielle pulmonaire.
Les indications du Holter incluant si possible une session d’activité sportive doivent aussi être larges. Ce bilan spécifique pour une pratique sportive chez l’ICC a pour but d’évaluer précisément la gravité de la pathologie et la capacité physique individuelle, de vérifier le bon équilibre thérapeutique du patient, et au final de guider le choix de la pratique sportive réalisable. Les contre indications à la pratique sportive par un ICC sont résumées dans le Tableau 1.
Quels critères de choix pour la pratique sportive ?
Rappelons que la puissance d’exercice correspondante au début du plafonnement de la VO2 ne peut être maintenue que 2 à 4 minutes chez l’ICC. Une capacité physique de 5 METs est généralement proposée comme la limite minimale pour envisager une pratique sportive. Une question souvent posée concerne les risques potentiels des activités sportives dynamiques fractionnées. Lors de ce type d’exercice les phases intenses (75-90% puissance maximale aérobie) sont généralement bien tolérées par l’ICC modéré (stades II et III) du fait de leur brièveté (30 à 60 secondes) et de l’inertie des réponses cardiovasculaires mais un nombre élevé de répétitions (> 8-10) peut cependant constituer une limite et la récupération active (40-60% de la puissance maximale aérobie) entre chaque effort intense doit être assez longue (2-4 minutes) (11). En cas de doute, une exploration des réponses cardiovasculaires lors d’un effort fractionné peut être réalisée. Les activités sportives collectives, avec décompte de points, ou sanction chronométrique sont à éviter. Les activités impliquant des efforts de « musculation » nécessitent une éducation spécifique pour leur bonne pratique, c’est à dire un exercice dynamique réalisé sur toute l’amplitude articulaire sans phase statique ni blocage de la respiration avec une charge limitée (40-60 % de la force maximale volontaire) et sans dépasser 10 répétitions.
Globalement une pratique sportive en salle présente moins de risque que celle pratiquée en extérieur essentiellement du fait des contraintes potentielles de l’environnement. Le risque de l’impact de contraintes environnementales possiblement changeantes, comme en voile ou en ski, sur l’ICC qui a des réserves fonctionnelles d’adaptation faibles doit être connu. La thermorégulation à l’effort peut être altérée, d’autant plus que la pathologie est sévère, chez l’ICC il est recommandé de limiter la durée de pratique sportive surtout en cas de chaleur (12). Si la pratique de sports aquatiques est possible, il faut veiller chez l’ICC sévère à éviter l’eau < 25°C vu son risque arythmogène (13).
Le cardiologue peut être confronté à la demande de séjour en altitude, souvent associé à une pratique physique. Les expositions jusqu’à 3500 mètres paraissent bien tolérées par des ICC de stade I et II avec une VO2 max. mesurée au niveau de la mer ≥ 50 % de la théorique 14. La baisse de VO2 max. avec l’augmentation de l’altitude (7% pour 1000 m) est similaire à celle du sujet sain. La baisse de sa réserve chronotrope à l’effort peut cependant être chez l’ICC un facteur limitant à l’effort important en altitude. Enfin il faut connaître, en particulier chez l’ICC avec risque arythmique, le risque arythmogène (stimulation catécholergique et alcalose respiratoire) potentiel de la haute altitude. Enfin, il paraît que la pratique du sauna finlandais (sec) peut être autorisée aux ICC (stades NYHA I-III) à condition d’une habituation très progressive et de se limiter à une température maximale de 80°C et une durée de 10 minutes en respectant la survenue d’éventuels symptômes.
Les tableaux 2, 3 et 4 sont proposés pour aider à guider l’autorisation de pratique sportive chez un ICC demandeur. Le Tableau 2, qui rapporte des coûts énergétiques moyens, peut aider au choix des activités sportives réalisables par un patient en tenant compte de précautions essentielles. D’une part le coût énergétique équivalent au sport considéré a été évalué chez des sujets sains avec un bon niveau technique dans la discipline. D’autre part, pour qu’une activité sportive soit réalisable sans difficulté majeure par un ICC il faut que sa demande énergétique corresponde à environ 60-70 % du pic de VO2 du patient.
Les Tableaux 3 et 4 proposent des attitudes pour la pratique sportive d’un ICC. Globalement le sport pratiqué en compétition ne peut être autorisé au cas par cas que si la dysfonction myocardique est débutante ou peu sévère (NYHA I) avec surveillance très régulière et après information du sujet sur le fait que l’autorisation donnée est temporaire et susceptible de modification.
En résumé, le bilan initial du patient va guider le choix du sport, la remise en condition physique, l’éducation du patient, et le niveau d’encadrement par le professionnel du sport adapté dont il devra bénéficier pour sa pratique. Un bilan au moins annuel est ensuite indispensable pour détecter une éventuelle mauvaise tolérance cardiovasculaire de la pratique sportive.
La pratique d’une activité physique régulière d’intensité modérée privilégiant l’endurance en environnement favorable et la musculation légère doit toujours être encouragée chez l’ICC. L’autorisation d’une pratique sportive qui ne se discute généralement que chez les ICC de stade NYHA I ou II et demandeurs de cette pratique ne doit pas être systématiquement interdite. La pratique avec esprit de compétition est contre indiquée. Parmi les nombreux critères qui guident l’autorisation, les capacités fonctionnelles et les goûts du patient sont essentiels pour obtenir le maximum d’efficacité à long terme dans de bonnes conditions de sécurité. Chez l’enfant, les activités sportives scolaires ne doivent pas être interdites mais adaptées et encadrées par un éducateur formé. La capacité physique individuelle doit être adaptée à la contrainte énergétique du sport souhaité. Le niveau technique du patient doit toujours être évalué.
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt avec le sujet traité.