Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) de l’adulte est une affection fréquente réputée pour être un facteur de risque cardiovasculaire et accidentel majeur. Parler d’un problème de santé publique n’est pas un vain mot. En France, le nombre de patients traités tend vers un million cette année et le nombre de nouveaux cas par an serait compris chez les hommes entre 10 000 et 20 000 et chez les femmes entre 3 000 et 8 000.

La ventilation en pression positive continue (PPC) est le traitement de référence de première intention. Pourtant, son efficacité peut être grevée par une mauvaise observance (utilisation de moins de 4 heures par nuit, utilisation de moins 4 jours par semaine ou abandon), si bien que de nombreuses solutions alternatives ont été développées. Outre les solutions chirurgicales et bioniques, l’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) constitue la solution alternative de référence. En effet, si l’OAM est considérée moins efficace sur l’amélioration de l’index apnées/hypopnées (IAH) que la PPC, la meilleure observance des patients à l’OAM par rapport à celle de la PPC permet d’obtenir une efficacité comparable à court et long terme (1).

Physiopathologie et diagnostic du syndrome d’apnées hypopnées du sommeil

Le SAHOS est une affection fréquente qui toucherait 2 à 5 % de la population adulte. Il est défi ni par la survenue, durant le sommeil, d’épisodes anormalement fréquents d’obstruction complète ou partielle des voies aériennes supérieures, responsables d’interruptions (apnées) ou de réductions significatives (hypopnées) de la ventilation. Ce collapsus répété des voies aériennes supérieures au cours du sommeil, peut entraîner une hypoxie intermittente chronique et une fragmentation de sommeil.
Le SAHOS et la mauvaise qualité du sommeil associée sont à l’origine d’une dégradation de la qualité de vie et d’une somnolence diurne excessive (SDE). Cette SDE constitue un facteur de risque accidentel, en particulier au cours de la conduite automobile (2). Le Législateur a d’ailleurs conditionné la reprise de la conduite automobile pour tout patient SAHOS, qu’il soit professionnel de la route ou non, à la démonstration d’un retour à la normale de la vigilance, quel que soit le traitement choisi.

Le SAHOS constitue un facteur de risque indépendant pour certaines pathologies cardiovasculaires et/ou en aggrave le pronostic (athérosclérose, hypertension artérielle, coronaropathie, accidents cérébrovasculaires, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, hypertrophie myocardique) (3). Le SAHOS augmente le risque de développer un syndrome métabolique qui constitue à son tour un facteur de risque vasculaire (4).

Le diagnostic du SAHOS nécessite l’association de signes cliniques et d’un index apnées/hypopnées (IAH) élevé en polygraphie ventilatoire (PV) ou polysomnographie (PSG) cf. Figure 1 (5).
Une fois le diagnostic posé, les choix thérapeutiques vont être orientés selon la sévérité du SAHOS, qui est évaluée en prenant en compte les 2 composantes suivantes : l’IAH et la SDE. La sévérité du SAHOS de l’adulte est définie par la composante la plus sévère :

• IAH

     • Léger : 5 à 15 événements par heure

     • Modéré : 15 à 30 événements par heure

     • Sévère : plus de 30 événements par heure.

• Somnolence diurne

     • Légère : somnolence ayant peu de répercussion sur la vie sociale ou professionnelle et apparaissant pendant des activités nécessitant peu d’attention (regarder la télévision, lire, être passager d’une voiture).

       • Modérée : somnolence ayant une répercussion modérée sur la vie sociale ou professionnelle et apparaissant pendant des activités nécessitant plus d’attention (concert, réunion).

    • Sévère : somnolence perturbant de façon importante la vie sociale ou professionnelle et apparaissant lors d’activités de la vie quotidienne (manger, tenir une conversation, marcher, conduire).

Ainsi, le SAHOS sévère est défini par un IAH > 30 ou par 5 ≤ IAH ≤ 30 associé à une somnolence sévère.

fig 1

Options thérapeutiques

Chez tout patient porteur d’un SAHOS, il est recommandé de donner des conseils alimentaires pour obtenir une réduction pondérale, de donner une information sur les médicaments et substances à éviter, de dépister et traiter les comorbidités et de traiter une obstruction nasale. La chirurgie (ORL, maxillofaciale, bariatrique) et la stimulation de l’hypoglosse font partie de l’arsenal thérapeutique mais ne seront pas abordées.

Pression positive continue
La pression positive continue (PPC) par voie nasale reste le traitement de première intention, efficace dans la majorité des cas si elle est bien tolérée. Elle s’oppose à la fermeture des voies aériennes supérieures en agissant comme une attelle pneumatique (6).

L’orthèse d’avancée mandibulaire
L’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) est un appareillage amovible qui est destiné à être porté au cours du sommeil. Elle maintient la mandibule en position avancée par une propulsion mandibulaire qui produit une augmentation du calibre des voies aériennes supérieures, notamment au niveau de l’oropharynx, et une diminution de la collapsibilité des voies aériennes supérieures (6).

Les OAM peuvent être soit préfabriquées et adaptées par thermoformage par le patient lui-même, soit fabriquées sur mesure. Les OAM sur mesure nécessitent la réalisation d’empreintes dentaires, qui sont adressées à un fabricant de prothèses. L’OAM sur mesure est ensuite ajustée par le spécialiste de l’appareil manducateur : dentiste, stomatologue ou encore ORL. On distingue également les OAM selon qu’elles sont monobloc ou en deux parties articulées. Ces dernières permettent une titration, c’est-à-dire un réglage progressif de l’avancée mandibulaire.

Seules les OAM sur mesure ont fait l’objet d’études comparatives randomisées et jugées dignes d’intérêt thérapeutique par la Haute Autorité de Santé et sont remboursées par l’Assurance Maladie.

Indications des OAM

Les indications des OAM sont strictement codifiées. L’arrêté du 20 octobre 2016 sur les modalités de prise en charge des orthèses d’avancée mandibulaire au chapitre 4 du titre II de la liste des produits et prestations prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, a récemment modifié les indications de la prise en charge. La prise en charge des OAM est assurée pour des patients ayant des apnées/hypopnées obstructives du sommeil et au moins trois des symptômes suivants : somnolence diurne, ronflements sévères et quotidiens, sensations d’étouffements ou de suffocation pendant le sommeil, fatigue diurne, nycturie, céphalées matinales.

Les OAM peuvent être prescrites :

• en première intention lorsque que l’indice d’apnées hypopnées est compris entre 15 et 30 événements par heure, en l’absence de signe de gravité associée (i.e. présence d’au moins 10 micro-éveils par heure de sommeil ou d’une comorbidité cardio-vasculaire grave) ;

• en cas de refus ou d’intolérance, en alternative à la PPC, qui est le traitement de première intention, dans les situations cliniques suivantes:

       • indice d’apnées hypopnées supérieur à 30 événements par heure ;

     • indice d’apnées hypopnées compris entre 15 et 30 événements par heure chez les patients ayant au moins 10 micro-éveils par heure de sommeil, évocateurs d’un sommeil de mauvaise qualité ;

     • indice d’apnées hypopnées compris entre 15 et 30 chez les patients ayant une comorbidité cardio-vasculaire grave (hypertension artérielle résistante, fibrillation auriculaire récidivante, insuffisance ventriculaire gauche sévère ou maladie coronaire mal contrôlée, antécédent d’accident vasculaire cérébral), susceptible d’être aggravée par le SAHOS.

Modalités de prescription des OAM

Avant la réalisation de l’OAM, un spécialiste de l’appareil manducateur réalise un bilan pour vérifier l’absence de contre-indication à la pose d’une OAM. Il vérifie ainsi la faisabilité d’une OAM en fonction de l’état dentaire, parodontal, articulaire, occlusal, musculaire, tégumentaire et radiologique de la cavité orale. La qualité et la régularité du brossage dentaire sont également prises en compte. En cas de pose de l’OAM, selon le modèle choisi cf. Figure 2, la tolérance du patient et les pratiques du spécialiste de l’appareil manducateur, une première avancée de 70 à 80% de la propulsion active est proposée. L’efficacité de l’OAM doit ensuite être contrôlée (titration) dans un délai maximal de trois mois par une PV ou une PSG par le médecin prescripteur. Une OAM est considérée comme efficace dès lors qu’il y a amélioration des symptômes diurnes et nocturnes et diminution d’au moins 50 % de l’IAH (efficacité partielle) ou un IAH < 5/h (efficacité totale). Si ce n’est pas le cas, le spécialiste de l’appareil manducateur peut augmenter l’avancée mandibulaire jusqu’à l’amélioration des symptômes, à condition que la propulsion soit tolérée. Un nouveau contrôle PV ou PSG doit alors être effectué. Un suivi rigoureux doit être effectué au long cours par un spécialiste du sommeil pour s’assurer de la pérennité de l’efficacité de l’OAM sur la qualité du sommeil et l’IAH. Un suivi tous les six mois par un spécialiste de l’appareil manducateur doit être effectué pour évaluer l’apparition d’effets secondaires liés à l’OAM (modifications occlusales ou articulaires pour l’essentiel) qui pourraient conduire à l’arrêt de l’utilisation de l’OAM. L’évaluation des effets secondaires se fait par l’examen clinique, des empreintes et des radiographies. Le panoramique dentaire permet de suivre l’état dentaire et parodontal, la céphalométrie de profil permet de suivre l’articulation temporo-mandibulaire, et les modifications dento-alvéolaires et squelettiques.

Modalités de remboursement

Pour le remboursement de ce traitement, il faut distinguer l’OAM elle-même et l’acte de pose de l’OAM. L’OAM sur mesure est inscrite sur la liste des produits et prestations (LPP). L’Assurance Maladie ne prend en charge que les OAM référencées dans la LPP cf. Tableau 1, charge que les OAM référencées dans la LPP cf. Tableau 1, et que sur entente préalable d’une première prescription ou d’un renouvellement. Si les critères cliniques et d’enregistrement sont réunis, l’Assurance Maladie prend en charge l’OAM soit à 60% si le SAHOS est isolé, soit à 100% si le SAHOS s’inscrit dans la cadre d’une ALD au titre de polypathologie à la demande du médecin traitant. L’assurance complémentaire éventuellement souscrite par le patient peut rembourser le ticket modérateur selon l’offre contractuelle choisie.

fig2

fig3

L’acte de pose de l’OAM est inscrit à la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) depuis le 28 octobre 2016. Cet acte de pose se décompose en deux parties :

  • Pose d’un appareillage en propulsion mandibulaire (code CCAM : LBLD017 de 150 euros) ;
  • Supplément pour examen spécifique préalable et postérieur à l’acte de pose d’un appareillage en propulsion mandibulaire dans le traitement du syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (code CCAM : YYYY465 de 70 euros). Ce supplément inclut : interrogatoire, évaluation de la cinétique mandibulaire, examen de l’état buccal, séances multiples d’adaptation et de réglages complémentaires). Il a été convenu entre l’Union Nationale des Caisses d’Assurance maladie (UNCAM) et les représentants des spécialistes de l’appareil manducateur qu’ils peuvent percevoir un supplément d’honoraire non remboursable plafonné à 130 euros. Le montant maximum de l’acte de pose de l’OAM susceptible d’être facturé au patient s’élève donc à 350 euros.

La prise en charge d’une OAM exclut la prise en charge concomitante d’un traitement par PPC.

Le renouvellement de l’OAM, soumis à entente préalable, n’est pris en charge qu’à l’issue d’une période de deux ans après l’appareillage précèdent et est conditionné à :

• la démonstration de l’efficacité (amélioration des symptômes et diminution d’au moins 50 % de l’IAH sur la polygraphie de contrôle sous orthèse d’avancée mandibulaire) ;

• au respect du suivi odontologique.

Conclusion

L’intérêt pour les OAM peut être perçu d’après les publications internationales dont le rythme a été multiplié par 10 de 2000 à 2016, et dont le niveau de qualité est passé d’études de cas-témoins à des études comparatives randomisées. L’OAM a démontré son efficacité dans le traitement du SAHOS, tant sur la fragmentation de sommeil que sur l’hypoxie intermittente chronique et leurs conséquences physiopathologiques. Si l’OAM ne fait pas aussi bien que la PPC dans la correction de l’IAH, elle offre au patient un traitement beaucoup mieux toléré et mieux observé. Si l’on combine les deux critères « efficacité sur IAH » et « observance au traitement » en un seul critère composite appelé « atténuation moyenne de la maladie », le score de la PPC est de 50,4% et celui de l’OAM est de 51,1% sans différence significative (7).

Le succès du traitement par OAM dépend étroitement de la collaboration entre le spécialiste du sommeil et le spécialiste de l’appareil manducateur. C’est pourquoi l’Assurance Maladie conditionne la prise en charge de l’OAM à cette collaboration.

Mais ce qui fait le vrai succès de l’OAM pour le traitement du SAHOS, c’est d’y penser.

Carole de Picciotto (1), Hauria Khemliche (2), Michel-Christian Ouayoun (3), Marcel Bonay (1)

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt avec le sujet traité.

1 Service de Physiologie – Explorations Fonctionnelles, Hôpital Ambroise Paré, 92104 Boulogne ;
2 Unité Sommeil, Groupe Hospitalier Public du Sud de l’Oise

RÉFÉRENCES
1. Sutherland K, Vanderveken OM, Tsuda H, Marklund M, Gagnadoux F, Kushida CA, Cistulli PA. Oral appliance treatment for obstructive sleep apnea: an update. J Clin Sleep Med 2014; 10: 215-27.
2. Teran-Santos J, Jimenez-Gomez A, Cordero-Guevara J. The association between sleep apnea and the risk of traffi c accidents. Cooperative Group Burgos-Santander. N Engl J Med 1999; 340: 847-51.
3. Cowie MR. Sleep apnea: State of the art. Trends Cardiovasc Med 2017; 27: 280-9.
4. Balk EM, Chung M, Chan JA, Moorthy D, Patel K, Concannon TW, Ratichek SJ, Chang LKW. Future Research Needs for Treatment of Obstructive Sleep Apnea: Identifi cation of Future Research Needs From Comparative Effectiveness Review No 32. AHRQ Comparative Effectiveness Reviews. Rockville (MD)2012.
5. Escourrou P, Meslier N, Raffestin B, Clavel R, Gomes J, Hazouard E, Paquereau J, Simon I, Orvoen Frija E. [Recommendations for clinical practice in the management of obstructive sleep apnea syndrome in adults]. Rev Mal Respir 2010; 27 Suppl 3: S115-S23.
6. Ouayoun M-C. Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil de l’adulte. Montrouge, France: John Libbey Eurotext; 2014. 128 p.
7. Vanderveken OM, Braem MJ, Dieltjens M, De Backer WA, Van de Heyning PH. Objective measurement of the therapeutic effectiveness of continuous positive airway pressure versus oral appliance therapy for the treatment of obstructive sleep apnea. Am J Respir Crit Care Med 2013; 188: 1162.

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