Cinq ans après l’édition précédente, les recommandations STEMI de l’ESC nous reviennent, avec leur lot de nouveautés et un certain nombre de changements, parfois importants, dans les recommandations de pratique.

Les concepts généraux

La définition de l’infarctus STEMI ne change pas et elle s’appuie sur la définition universelle de l’infarctus, qui nécessite une preuve de nécrose myocardique, généralement établie par une ascension des troponines, dans un contexte compatible avec une ischémie myocardique. Le sus-décalage du segment ST doit être persistant et présent dans au moins deux dérivations contiguës. Le STEMI peut s’accompagner ou non de l’apparition d’ondes Q.
Sur le plan épidémiologique, les recommandations constatent la diminution de l’incidence du STEMI, qui touche des patients plus jeunes que le NSTEMI, et plus souvent des hommes, bien que les femmes en soient souvent aussi victimes. La mortalité précoce est en forte baisse.

Diagnostic et prise en charge immédiate

Le premier contact médical est défi ni comme le premier contact physique avec un intervenant (médecin ou non) susceptible d’obtenir et interpréter l’ECG et de mettre en oeuvre les premières mesures de prise en charge. Il ne s’agit donc pas de l’horaire du premier appel, ni même du premier contact avec un médecin qui n’aurait pas la possibilité de faire un ECG. Sans surprise, le diagnostic repose sur l’ECG initial. Le délai pour la réalisation de l’ECG après le premier contact médical doit être inférieur à 10 minutes. Dès que le diagnostic est établi, un monitoring ECG permanent est recommandé.
L’administration systématique d’oxygène est déconseillée et doit être réservée aux patients avec Sa02 < 90 % ou Pa02 < 60 mmHg. L’utilisation antalgique d’opioïdes reçoit une recommandation IIa. Les délais de prise en charge doivent être notés pour pouvoir être utilisés comme indices de qualité. La mise en place de mesures d’information du public sur les symptômes de l’infarctus sont recommandées. L’horaire de départ utilisé pour gérer les délais système est l’horaire de l’ECG diagnostique. Si le temps estimé pour réaliser une angioplastie est ≤ 120 minutes, l’angioplastie primaire est la stratégie recommandée.
Dans le cas contraire, en l’absence de contre indication, la fibrinolyse doit être utilisée, avec une administration intraveineuse du fibrinolytique dans les 10 minutes suivant l’ECG. Le patient doit alors être systématiquement adressé dans un centre interventionnel ; en l’absence de critères de reperfusion après 60-90 minutes, une coronarographie doit être pratiquée pour une angioplastie de sauvetage ; s’il y a des critères de reperfusion, une coronarographie sera réalisée ≥ 120 minutes après l’injection du fibrinolytique, en vue d’une angioplastie systématique.

Les délais recommandés

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Angioplastie primaire et fibrinolyse

L’utilisation de stents actifs récents est recommandée sans ambiguïté, de même que l’abord radial. En revanche, la thromboaspiration systématique est dorénavant déconseillée, de même que le stenting différé après désobstruction de l’artère coupable. Pour ce qui est des patients multitronculaires, la revascularisation de l’ensemble des vaisseaux sténosés avant que le patient ne quitte l’hôpital doit être envisagée.
Chez les patients en choc cardiogénique, une mesure invasive de la pression artérielle et une surveillance échographique sont recommandées ; l’oxygénothérapie et la ventilation assistées sont recommandées en fonction de l’oxymétrie. Une revascularisation complète des patients multitronculaires doit être envisagée, comme l’utilisation de la contre pulsion aortique en cas de complication mécanique. Les niveaux de recommandations sont plus faibles (IIb) pour le monitoring invasif des pressions pulmonaires, l’ultrafiltration, l’utilisation d’amines, ou celle de techniques d’assistance autres que la contre pulsion, qui n’est pas recommandée de façon systématique. Pour le choix du fibrinolytique, il est recommandé d’utiliser un agent fibrino-spécifique (ténécteplase, altéplase ou rétéplase). Une demi-dose de ténécteplase doit être envisagée chez les patients ≥ 75 ans.

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En somme, pas de grands changements pour ce qui est du traitement antithrombotique en phase aiguë. Les doses de charge recommandées sont de 150-300 mg pour l’aspirine per os, de 75-250 mg pour l’aspirine IV, puis 75-100 mg/j. Pour le clopidogrel, les doses respectives sont de 600 mg et 75 mg ; pour le prasugrel 60 mg puis 10 mg (quand le poids est ≤ 60 Kg, une dose d’entretien de 5 mg est recommandée et peut être proposée aussi chez les patients de 75 et plus (bien que le prasugrel ne soit généralement pas recommandé chez ces patients) ; pour le ticagrelor, la dose de charge est de 180 mg, suivie par une dose d’entretien de 90 mg deux fois par jour. En association avec la fibrinolyse, le clopidogrel est l’inhibiteur de P2Y12 privilégié et l’enoxaparine l’anticoagulant recommandé. En l’absence de traitement de reperfusion, une dose de charge de 300 mg est recommandée pour le clopidogrel.

Durée d’hospitalisation et sous-groupes spécifiques
Les patients hospitalisés pour STEMI doivent être hospitalisés en soins intensifs. Les patients stables ayant eu une revascularisation complète peuvent être transférés immédiatement vers un hôpital sans angioplastie (IIa). Il est recommandé d’autoriser le lever de la plupart des patients dès J1. La durée minimale de séjour en soins intensifs doit être d’une journée, après quoi un passage de 24-48 heures dans une unité de surveillance peut être proposé (IC). Il est licite d’envisager une sortie entre 48 et 72 heures chez les patients à faible risque, si une réadaptation précoce et un suivi adéquat sont organisés (IIa).

♦ Patients sous anticoagulants :
La stratégie de reperfusion doit reposer sur l’angioplastie primaire car les anticoagulants constituent une contre indication relative à la fibrinolyse. Un traitement anticoagulant parentéral est recommandé, quelle que soit l’horaire de la dernière prise de l’anticoagulant oral. Les anti GPIIb/IIIa ne sont pas recommandés et le clopidogrel (dose de charge de 600 mg) est l’inhibiteur de P2Y12 qui doit être privilégié. La prescription d’un inhibiteur de la pompe à protons est recommandée. La durée de la triple association antithrombotique est le plus souvent de 6 mois, pouvant être réduite en cas de risque hémorragique ; au-delà de 6 mois, le traitement repose généralement sur l’association anticoagulant oral + clopidogrel ou aspirine. Après un an, seul le traitement anticoagulant est maintenu.

♦ Patients âgés :
Il n’y a pas de limite d’âge supérieure pour l’utilisation des traitements de reperfusion, et en particulier de l’angioplastie primaire. En revanche, la présentation des patients est souvent plus tardive et les patients âgés ont plus de risque de comorbidités et un risque hémorragique plus élevé. Ces différents éléments doivent être pris en compte pour l’individualisation du traitement.

♦ Insuffisance rénale
L’insuffisance rénale est fréquente chez les patients hospitalisés pour syndrome coronaire aigu et il est important d’en tenir compte pour choisir et adapter les doses des différents traitements. Il est important de
réduire les doses de produits de contraste utilisées lors de l’angioplastie et de surveiller la fonction rénale par la suite.

♦ Patients non reperfusés
Lorsque les patients sont vus entre 12 et 48 heures, en l’absence de douleur persistante, ou d’instabilité hémodynamique ou rythmique, l’angioplastie primaire est une option à considérer (IIa), alors qu’elle n’est pas recommandée en cas d’artère occluse au-delà de 48 heures. Par consensus d’experts, l’angioplastie est recommandée (IC) au-delà de 12 heures en cas de douleur persistante ou d’instabilité.

♦ Patients diabétiques
Les symptômes sont souvent plus atypiques et la maladie coronaire plus étendue, si bien que les diabétiques sont à plus haut risque que les non-diabétiques. Leur traitement est cependant identique à celui des patients n’ayant pas de diabète connu. Par ailleurs, il est recommandé de vérifier le statut glycémique de tous les patients, diabétiques connus ou non, dès l’admission et de faire des contrôles fréquents quand la glycémie est élevée. Il est souhaitable de maintenir une glycémie < 2,00 g/l, tout en évitant les hypoglycémies. Chez les patients initialement sous metformine ou inhibiteurs de SGLT2, il faut porter une attention particulière à la fonction rénale, avec des mesures répétées pendant au moins 3 jours après l’admission.

♦ Insuffisance cardiaque aiguë
D’autres recommandations sont proposées pour les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche et une insuffisance cardiaque aiguë.

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Évaluation du risque et examens d’imagerie

Il est recommandé de faire une évaluation du risque ischémique au moyen d’un score tel que le score GRACE dès l’admission, puis d’évaluer le risque en fonction des résultats du traitement de reperfusion, de la fonction ventriculaire gauche et de l’étendue de l’infarctus, du degré de la revascularisation myocardique, des complications éventuelles et des marqueurs métaboliques. Le LDL-c doit être mesuré aussi tôt que possible après l’admission. La réalisation d’une échographie cardiaque est recommandée pour tous les patients. L’IRM est parfois utile, de même que les techniques d’imagerie pour rechercher une ischémie et/ou viabilité résiduelle. Chez les patients ayant une FEVG ≤ 40 % avant la sortie, il est recommandé de répéter l’examen 6 à 12 semaines plus tard, pour juger de l’intérêt de l’implantation d’un défibrillateur.

Prise en charge au long cours

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Infarctus sans sténose coronaire serrée (MINOCA)

Il s‘agit d’un nouveau chapitre des recommandations, consacré aux patients n’ayant pas de sténose > 50 % à la coronarographie (« Myocardial Infarction with Non- Obstructive Coronary Arteries : MINOCA).
Le diagnostic repose sur la triade : critères répondant à la définition universelle de l’infarctus ; pas de sténose ≥ 50 % à la coronarographie ; pas d’autre cause évidente. Il peut s’agir de ruptures ou érosions de plaques peu serrées, ou de dissection coronaire, d’embolie coronaire ou de spasme. L’utilisation diagnostique de l’IRM est encouragée, en complément de la réalisation d’une échographie cardiaque à la recherche de troubles de la cinétique segmentaires.

Démarche de qualité

Les recommandations insistent également sur l’importance des indicateurs de qualité, qui sont résumés ci-dessous.

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Les principaux changements par rapport aux recommandations de 2012

Par rapport aux précédentes recommandations, les recommandations 2017 apportent ainsi plusieurs nouveautés ou des changements de concepts :
♦ Les indicateurs de qualité et les MINOCA
♦ Les délais pour la réouverture de l’artère coupable (0-12 h : classe I ; 12-48 h : classe IIa ; > 48 heures : classe III)
♦ Défi nition du premier contact médical (personne physique à même de faire et interpréter un ECG et de mettre en oeuvre les premières mesures thérapeutiques)
♦ Définition de l’ECG comme horaire initial pour évaluer les délais de reperfusion
♦ BBD et BBG considérés comme équivalents pour justifier la coronarographie en urgence devant des symptômes ischémiques
♦ Choix de l’angioplastie primaire par rapport à la fibrinolyse (≤ 120 minutes) ; délai d’injection du fibrinolytique < 10 minutes
♦ Coronarographie systématique après fibrinolyse : entre 2 et 24 heures après l’administration du fibrinolytique
♦ Chapitre spécifique sur les patients prenant des anticoagulants
♦ L’abord radial et l’utilisation de stents actifs récents reçoivent une recommandation de classe I.
♦ La revascularisation complète reçoit une classe de recommandation IIa (au lieu de III)
♦ L’énoxaparine et la sortie précoce ont maintenant des niveaux IIa (au lieu de IIb)

A l’inverse, le niveau de recommandation baisse pour :

  • La thromboaspiration systématique (classe III)
  • La bivalirudine (IIa)
  • L’oxygénothérapie a une classe I quand la SaO2 est < 90 % (précédemment 95 %)

Parmi les nouvelles recommandations :

  • Switch possible du clopidogrel vers un inhibiteur de P2Y12 plus puissant 48 heures après fi brinolyse (IIb)
  • Cangrelor IV chez les patients n’ayant pas reçu d’inhibiteur de P2Y12 oral avant l’angioplastie primaire (IIb)
  • Extension du ticagrelor jusqu’à 36 mois chez les patients à haut risque (IIb)
  • Utilisation de la polypill (IIb)
  • Revascularisation complète pendant l’angioplastie initiale chez les patients multitronculaires en choc cardiogénique (IIa)
  • Traitement hypolipémiant complémentaire si le LDL reste trop élevé sous statines à la dose maximale tolérée (IIa)
  • Stenting différé après l’angioplastie primaire non recommandé (classe III)

Nicolas DANCHIN, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
Liens d’intérêt de l’auteur

Subventions de recherche : Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, Daiichi Sankyo, Eli-Lilly, MSD, Pfi zer, Sanofi
Honoraires pour conférences/consultance : Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, BMS, Boehringer-Ingelheim, Lilly, MSD, Novo-Nordisk, Pfi zer, Sanofi , Servier

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