Pour vous, quelles ont été les 2 ou 3 principales avancées en cardiologie depuis l’an 2000 ?
En tant que rythmologue, j’ai eu la chance d’avoir pu suivre et accompagner de près pendant ces 20 dernières années des évolutions majeures dans notre discipline, qui jusque-là était dans bien des domaines, encore contemplative. La fin du siècle dernier et le début de celui-ci ont vu la consécration de deux nouvelles voies de traitements interventionnels qui n’ont cessé de progresser pour devenir aujourd’hui des procédures effectuées en routine dans la plupart des centres de rythmologie interventionnelle.
Tout d’abord, le traitement par resynchronisation chez les patients insuffisants cardiaques présentant un trouble conductif intraventriculaire, symptomatiques, malgré l’optimisation du traitement médical. Ce traitement a permis d’apporter une amélioration clinique et de la survie chez des patients en « impasse pharmacologique » : il s’agit dans ce sens d’une avancée majeure. Par ailleurs, la resynchronisation cardiaque reste un champ de prédilection de la recherche clinique et fondamentale : elle a permis, entre autres, de mieux comprendre le lien majeur entre l’activation « électrique » et « mécanique » des deux ventricules.
L’ablation de la fibrillation atriale est également une procédure qui a révolutionné, non seulement la prise en charge des patients sur le plan thérapeutique, mais aussi l’organisation et l’activité de la plupart des plateaux de rythmologie interventionnelle à travers le monde. Là aussi, le concept même d’ablation s’est accompagné et s’accompagnera, de la découverte de mécanismes permettant de mieux comprendre cette arythmie particulièrement complexe. Il existe encore de nombreuses inconnues dans le déterminisme et le maintien des formes les plus persistantes, mais il s’agit là d’un domaine de recherche passionnant et il ne fait aucun doute que des progrès majeurs sont encore à venir.
Enfin, plus récemment, nous assistons à l’avènement d’une nouvelle catégorie de prothèses implantables permettant de stimuler le myocarde in-situ : les stimulateurs cardiaques « sans sondes » qui correspondent à des microcapsules délivrées directement au contact du myocarde. Il s’agit là d’une authentique rupture technologique, à la frontière des nanotechnologies, nécessitant de relever non seulement le défi de la miniaturisation, mais également de la source d’énergie nécessaire à la consommation de ces nouveaux dispositifs, véritables concentrés de haute technicité. Il est probable que dans un futur proche, la gestion de la stimulation et possiblement aussi de la défibrillation cardiaque passera par ce type de prothèses, évitant ainsi les risques liés à l’implantation de sondes par voie endovasculaire source de multiples complications, infectieuses, mécaniques et thrombogènes.
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
La découverte de la rythmologie interventionnelle à l’Hospital Sant Pau de Barcelona (1993-1994) auprès du Professeur Antoni Bayés de Luna et de son extraordinaire équipe a été indiscutablement un moment décisif et charnière dans ma carrière. Cela m’a apporté non seulement la passion et la soif d’apprendre, la découverte d’un nouveau système sanitaire permettant de mieux comprendre les faiblesses et les forces du nôtre, mais aussi une plus grande ouverture d’esprit permettant une auto-critique et une remise en question plus faciles. Enfin, les catalans m’ont transmis un goût immodéré de l’enseignement par compagnonnage, aboutissant entre autres à la création du RETAC (Réseau Européen pour le Traitement des Arythmies Cardiaques), ainsi que pour la recherche clinique.
Quel serait votre principal regret ?
Ne pas être « parti travailler et apprendre plus longtemps », cette fois-ci sur un autre continent. Probablement par manque de temps et de courage, mais toutes les excuses sont mauvaises… À tous les jeunes : foncez ! Vous aurez tout votre temps pour vieillir…
Comment voyez-vous le futur ?
Passionnant ! Tout doit passer par davantage d’écoute et de coopération. Les outils sont là : sachons-nous en servir pour progresser et avancer collectivement. Les exploits individuels ne sont rien s’ils n’aspirent pas à améliorer le bien-être collectif…
Serge Boveda,
Toulouse