Pour vous, quelles ont été les 2 ou 3 principales avancées en cardiologie depuis l’an 2000 ?

Après les sagas des statines et des IEC, c’est au tour des AOD de proposer une avancée thérapeutique majeure en cardiologie au cours des deux dernières décennies. Les cardiologues ont rêvé de cet anticoagulant oral sans interaction avec l’alimentation et les thérapeutiques, avec des contrôles biologiques minimaux et une sécurité d’emploi affirmée. L’avènement a cependant été retardé après le retrait du Ximelagatran puis les réticences des autorités de santé face au coût et à l’absence d’antidote dans un premier temps… Mais jamais une molécule n’a été aussi évaluée surtout en regard du peu d’études concernant les AVK.

L’efficacité démontrée avec une non infériorité et même des résultats meilleurs en matière d’accidents neurologiques au prix, il est vrai, d’une discrète majoration des hémorragies digestives ont fini par imposer ces molécules dès lors que le respect des conditions d’utilisation en évite le mésusage. Les indications sont peut-être appelées à s’élargir dans les années à venir pour ne réserver aux AVK que des niches de prudence, actuellement dans le domaine des prothèses mécaniques et de l’oncologie.

Autre avancée majeure de ces 20 dernières années, le TAVI qui s’est imposé avec des indications progressivement élargies à la lumière des études
Partner 1 puis 2 puis 3.

Après les inquiétudes des premières valvuloplasties et les débuts prudents de l’équipe du Professeur Cribier, les progrès technologiques ont permis l’apparition de valves mieux adaptées et des voies d’introduction moins traumatisantes dans les mains d’équipes entrainées.

Reste à ce que les études en cours en précisent la durabilité pour accéder aux demandes des patients de pouvoir bénéficier de cette technique moins traumatisante avec des complications secondaires mieux contrôlées et des indications à bien préciser en fonction du terrain, de l’âge et surtout de gestes associés qui peuvent en limiter le recours.

Impossible de ne pas mentionner comme une avancée thérapeutique majeure les techniques ablatives de la fibrillation auriculaire inaugurées par le Professeur Haissaguerre qui ont changé notre regard, jadis passif et résigné en présence de ce trouble rythmique, pour proposer une attitude plus agressive certes, mais prometteuse d’une meilleure qualité de vie et d’un pronostic bonifié pour les patients sélectionnés sur les critères de réussite attendue.

 

Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?

Le meilleur de mon expérience professionnelle reste la proximité avec les patients générant la confiance gagnée sur le terrain et le plaisir d’avoir pu soigner jusque quatre générations d’une même famille.

Soucieux de la formation cardiologique, j’ai eu l’honneur de me voir confier par mes confrères et amis la Présidence de l’Association des Cardiologues de Côte d’Azur (ACCA) puis celle du Collège National des Cardiologues Français (CNCF) m’ouvrant la voie à des rencontres passionnantes lors de l’élaboration des programmes scientifiques des congrès nationaux ou de ma collaboration à des études ou des boards.

Quel serait votre principal regret ?

Pas vraiment un regret mais la constatation amère de la diminution de présence des cardiologues libéraux sur le terrain, résultat des options politiques des dernières décennies (numérus clausus, attribution des postes lors du classement national).

Cependant, si on peut regretter l’isolement du cardiologue libéral, en revanche l’exercice de groupe ouvre la possibilité de confrontations médicales, de faciliter la logistique et le partage des charges, c’est à dire une collégialité dans la pratique. Cette évolution inévitable permettra aux jeunes cardiologues libéraux de se préserver un temps familial sans affecter le fonctionnement du cabinet.

À noter cependant que pour rompre cet isolement en dehors de la pratique de groupe, le cardiologue peut se tourner vers des fonctions d’attachés hospitaliers et participer aux formations en particulier en région, lieu privilégié de rencontre avec ses collègues.

 

Comment voyez-vous le futur ?

Le futur de la cardiologie semble s’orienter vers une hyperspécialisation sans doute bénéfique pour le patient mais préfigurant peut-être une régression de l’abord humain de la profession supplanté par l’envahissement de la technique privilégiant le traitement de la maladie à celui du malade. Dans ce même esprit, le cardiologue libéral sera de plus en plus incorporé au sein de cabinets de groupe adossés à des plateaux techniques sinon à des unités de soins plus complexes. Dans ce contexte, on peut s’attendre à l’éclosion des difficultés médico-légales.

La télé cardiologie est appelée à prendre une place prépondérante évidente dans la surveillance des stimulateurs et défibrillateurs, peut-être plus difficile à cerner dans certaines applications liées à la surveillance des pathologies chroniques de plus en plus envahissantes à l’heure où le cardiologue
libéral déserte le terrain de la proximité.

Souhaitons cependant que soit préservée la liberté d’installation et que le salariat demeure une option personnelle dans ce système français qui reste, à mon sens, toujours un des meilleurs du monde par son accessibilité, sa qualité et la prise en charge des soins.

Jacques Gauthier,
Cannes

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