La prise en charge de l’amylose cardiaque a été utilement clarifiée en 2021 avec la publication de deux consensus d’experts, l’un sur le diagnostic et le traitement de l’amylose1 , l’autre sur le suivi de l’amylose cardiaque à transthyrétine (TTR)2.

Article de positionnement du groupe de travail de l’ESC sur les maladies myocardiques et péricardiques : chapitre sur le traitement de l’amylose cardiaque

 

A – Traitement des complications cardiaques 

 

On sait aujourd’hui que la sténose aortique fait partie de ces complications. Un patient sur 8 adressé pour bilan de TAVI a une amylose cardiaque. Ces patients ont un plus mauvais pronostic, il s’agit souvent des formes à bas-gradient, ils ont un risque plus élevé de BAV péri-procédure, mais il ne faut pas les récuser au TAVI qui améliore leur pronostic.

L’insuffisance cardiaque ne doit pas être prise en charge comme une insuffisance cardiaque classique. Le traitement repose : avant tout sur le contrôle de la rétention hydrosodée par les diurétiques ; il faut arrêter les béta-bloquants et plus généralement les médicaments bradycardisants, responsables d’une baisse du débit cardiaque ; éviter les IEC/ARAII, peu utiles et pouvant aggraver une hypotension orthostatique fréquente en raison de la dysautonomie ; l’assistance mécanique n’est pas appropriée, il est démontré que la mortalité est beaucoup plus élevée que dans les autres types de cardiomyopathies ; la transplantation n’est généralement pas indiquée, notamment en raison de l’âge de la population concernée, sauf dans certains cas sélectionnés.

Le risque thrombo-embolique est très élevé, il faut anticoaguler bien sûr dès qu’il y a de la fibrillation atriale (FA), mais aussi dans certains cas même en rythme sinusal car il peut y avoir des dissociations électro-mécaniques de l’oreillette. La décision d’anticoaguler doit se prendre indépendamment du score CHADS VASC.

Pour traiter la FA, l’amiodarone peut être utilisée, la digoxine doit être évitée. La cardioversion électrique comporte plus de risque de complications que chez un patient sans amylose, la récidive est fréquente. Il faut faire systématiquement une ETO car il peut y avoir un thrombus même en cas d’anticoagulation efficace. Les données sur l’ablation sont insuffisantes pour émettre des recommandations. 

Les troubles conductifs sont fréquents et ont une valeur pronostique péjorative. Les indications de stimulation reposent sur les recommandations classiques, il faut privilégier la simulation biventriculaire si l’on s’attend à une charge de stimulation VD élevée, car elle est associée à une aggravation des symptômes, une altération de la FEVG, une majoration de l’insuffisance mitrale, et une baisse de la pression artérielle.

L’implantation d’un défibrillateur, si elle s’impose en prévention secondaire, n’est généralement pas recommandée en prévention primaire ; il faut préférer les dispositifs endocavitaires pour préserver la séquence atrio-ventriculaire en cas de bloc.

 

B – Traitement spécifique de l’amylose cardiaque TTR

 

Aujourd’hui le tafamidis est le seul médicament ayant montré une efficacité chez les patients ayant une cardiomyopathie amyloïde TTR. Une RTU a été mise en place en novembre 2018. Ce qui a changé en 2021, c’est la présentation des résultats de l’étude d’extension d’ATTR-ACT 3, comparant les effets de 2 doses différentes de Tafamidis, et qui démontre la supériorité de la dose 80 mg vs 20 mg, avec une diminution de 30% du risque de décès, ceci dans tous les sous-groupes. Puis le mode de prescription a changé, avec la mise à disposition du tafamidis 61 mg micronisé en monoprise, équivalent galénique de 4 capsules de tafamidis méglumine 20 mg. La commission de transparence de la HAS a publié un avis en octroyant au produit une ASMR importante de niveau II. Le tafamidis 61 mg est indiqué pour traiter l’amylose à TTR avec cardiomyopathie, qu’il s’agisse d’une forme sauvage ou mutée, avec ou sans neuropathie.

Consensus d’experts sur le monitoring de la cardiomyopathie amyloïde 

Pour suivre les patients il est proposé 3 catégories de critères pour évaluer la progression ou la stabilisation de la maladie.

Des critères cliniques et fonctionnels : réhospitalisations, classe NYHA, questionnaires de qualité de vie et test de marche de 6 minutes. 

Des critères biologiques : NT proBNP et troponine (une augmentation de 30% d’un de ces biomarqueurs étant considéré comme un signe de progression), ou la classification du NAC reposant sur le débit de filtration glomérulaire (seuil < 45 ml/min), et le NT proBNP (seuil > 3000 pg/ml) : stade I si les 2 paramètres sont inférieurs au seuil, stade II avec 1 paramètre, stade III avec les 2 paramètres positifs. 

Des critères écho- et électrocardiographiques : progression de l’épaisseur VG de 2 mm, augmentation du grade de dysfonction diastolique, 5% de baisse de la FEVG, diminution de 5 ml du volume d’éjection, baisse du strain de 1%, ou apparition d’un trouble conductif. Un suivi biannuel est souhaitable pour la plupart des paramètres. 

Enfin, en ce qui concerne la surveillance chez un porteur asymptomatique d’une mutation, l’article de positionnement de l’ESC recommande de commencer le suivi environ 10 ans avant l’âge d’apparition des symptômes dans la famille, ou l’âge prédit pour une mutation spécifique. Il convient de voir les patients de façon annuelle avec ECG, biologie, échocardiogramme et évaluation neurologique et ophtalmologique, et de faire un Holter tous les 2 ans. Une scintigraphie osseuse et une IRM sont préconisées dès lors qu’un des paramètres précédents s’avère anormal, et répétées tous les 3 ans. 

 

Voir la revue intégrale…

CORDIAM, Supplément digital, Nov 2021, N°1

 

Jean-Christophe Eicher
Centre de Compétences Cardiomyopathies du CHU de Dijon

 

Références 

  1. Garcia-Pavia P, Rapezzi C, Adler Y, Arad M, Basso C, Brucato A, Burazor I, Caforio ALP, Damy T, Eriksson U, Fontana M, Gillmore JD, Gonzalez-Lopez E, Grogan M, Heymans S, Imazio M, Kindermann I, Kristen AV, Maurer MS, Merlini G, Pantazis A, Pankuweit S, Rigopoulos AG, Linhart A. Diagnosis and treatment of cardiac amyloidosis: a position statement of the ESCWorking Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur Heart J 2021 ;42,1554–68 
  2. Garcia-Pavia P, Bengel F, Brito D, Damy T, Duca F, Dorbala S, Nativi-Nicolau J, Obici L, Rapezzi C, Sekijima Y, Elliott PM. Expert consensus on the monitoring of transthyretin amyloid cardiomyopathy. Eur J Heart Fail 2021;23:895-905 
  3. Damy T, Garcia-Pavia P, Hanna M, Judge DP, Merlini G, Gundapaneni B, Patterson TA, Riley S, Schwartz JH, Sultan MB, Witteles R. Efficacy and safety of tafamidis doses in the Tafamidis in Transthyretin Cardiomyopathy Clinical Trial (ATTR-ACT) and long-term extension study. Eur J Heart Fail 2021 23:277-85
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