Le symposium soutenu par la société Zoll a porté sur l’intérêt du gilet défibrillateur portable dans la prévention de la mort subite. Il était présidé par Nicolas Lamblin (Lille) et Pierre Troisfontaines (Liège). 

Dans la première partie du symposium, François Roubille (Montpellier) a rappelé quelques données épidémiologiques, montrant l’importance du risque rythmique, cause majeure de mortalité cardiovasculaire en France et la gravité de la survenue des arrêts cardiaques extra-hospitaliers dont 5 % environ seulement seront sauvés. 

Le risque de mort subite est beaucoup plus élevé en cas de mauvaise fonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection du ventricule gauche < 35 %), aussi bien dans les cardiopathies ischémiques que dans les cardiomyopathies dilatées non ischémiques. Lors d’un infarctus, le risque de fibrillation est maximal dans les premiers jours et reste assez important pendant les 3 premiers mois, même s’il peut persister au-delà, et cela de façon assez imprévisible. En un mot, au sein de ces populations à risque de base élevé, il paraît quasi-impossible actuellement de prédire le risque individuel d’un patient.

C’est dans ce contexte qu’un dispositif transitoire, tel que le gilet défibrillateur portable (LifeVest) peut s’avérer particulièrement intéressant.  

Schématiquement, la LifeVest peut rendre service dans deux grands types de situations cliniques : 

– Lorsqu’il existe un risque rythmique limité dans le temps : par exemple chez des patients en attente de transplantation ou encore dans les suites d’une myocardite. 

– Lorsqu’on se trouve dans une situation où pourra exister un risque à long terme justifiant alors l’implantation définitive d’un défibrillateur, mais où la fonction ventriculaire gauche peut évoluer favorablement en quelques mois et nécessite donc une réévaluation secondaire du risque. Il s’agit typiquement de patients à fraction d’éjection basse à la suite d’un infarctus, où à l’occasion d’une première décompensation cardiaque, chez lesquels il n’est pas rare d’assister, généralement dans les trois premiers mois, à une assez bonne récupération de la fonction ventriculaire gauche, qui va rendre l’implantation définitive d’un défibrillateur inutile.

En France, le gilet défibrillateur a obtenu un remboursement dans cinq situations : 

– Après extraction d’un défibrillateur automatique implantable infecté, où il est nécessaire d’attendre quelques semaines avant d’implanter un nouveau dispositif ; 

– Dans la situation d’attente d’une transplantation cardiaque, avec une réévaluation trimestrielle ; 

– Après un infarctus du myocarde (revascularisé ou non) à fraction d’éjection < 35 %, avec une réévaluation de la fonction ventriculaire à 1 et 3 mois ; 

– Après revascularisation myocardique avec une FEVG initiale < 35 %, avec une réévaluation à 1 et 3 mois de la fonction ventriculaire gauche ; 

– Dans les cardiomyopathies ischémiques avec fraction d’éjection < 35 % jusqu’à ce que l’indication d’un défibrillateur implantable soit clairement établie ou écartée en raison d’une amélioration nette de la fonction ventriculaire gauche. 

On voit donc que restent hors du champ du remboursement des tableaux tels que les cardiomyopathies non ischémiques sévères, l’atteinte myocardique du post-partum ou encore les myocardites avec fonction ventriculaire gauche altérée, mais susceptibles de récupérer.  

Serge Boveda (Toulouse) a présenté les données disponibles sur l’expérience acquise avec la LifeVest. L’étude pivot randomisée VEST a inclus 2 302 patients ayant fait un infarctus avec une FEVG < 35 % ; 1 524 ont été équipés d’une LifeVest, tout en recevant un traitement médical optimal et 778 patients ont eu uniquement le traitement médical optimal. Le critère d’évaluation principal, la survenue d’un décès par trouble du rythme, a été réduit mais de façon non significative dans le groupe ayant reçu une LifeVest (Hazard Ratio 0,66 ; IC 95 % 0,37-1,21), et la mortalité toute cause a été réduite de 36 % (Hazard Ratio 0,64 ; IC 95 % 0,42-0,97). Ces résultats globalement favorables ont très probablement été atténués par le fait que la durée moyenne de port du gilet n’a été que de 14 heures par jour (délai médian 18 heures). Une analyse secondaire réalisée en ne prenant dans le groupe traité que les patients ayant effectivement porté le gilet, au moins un peu, pendant toute la période de port du gilet (analyse « per protocol »), montre en réalité des résultats beaucoup plus impressionnants, avec une réduction de 62 % de la mortalité d’origine rythmique (Hazard Ratio 0,38 ; IC 95 % 0,17-0,86) et une réduction de 75 % de la mortalité globale (Hazard Ratio 0,25 ; IC 95 % 0,13-0,48). 

 

 

Ces résultats ont été confrontés aux données des principaux registres. Dans le registre WEARIT-France (1 157 patients, âge moyen 60 ans, 74 % d’hommes, FEVG médiane 27 %, suivi médian de 2 mois), la durée médiane de port de la LifeVest est de 23 heures. Le seul facteur corrélé à une moindre utilisation du dispositif est le plus jeune âge des patients. L’acceptabilité psychologique a été très satisfaisante, le port de la LifeVest étant généralement considéré comme un élément « rassurant ». En termes de résultats cliniques, 3 % des patients ont présenté des arythmies ventriculaires soutenues, aboutissant à un choc dans 50 % des cas ; dans 36 % des cas, les chocs n’ont pas été délivrés à la demande du patient. Près de la moitié des événements rythmiques (47 %) sont survenus au-delà de 30 jours ; moins de 1 % des patients ont reçu des chocs inappropriés et 2 % sont décédés, de mortalité non rythmique ou liée à des orages rythmiques intraitables ; dans 51 % des cas un défibrillateur a été implanté et dans environ un tiers des cas, la FEVG a récupéré. Ces données françaises sont dans l’ensemble proches de celles d’autres registres, qui rapportent des taux de chocs appropriés entre 1,1 % et 1,6 % et entre 0 et 0,7 % de chocs inappropriés, avec une compliance de 22 heures par jour ou plus. La différences principale entre le registre français et ceux des autres pays se situe dans le type de pathologie où le gilet défibrillateur est utilisé, reflétant les indications remboursées en France : 82 % de cardiopathies ischémiques pour le registre français, en comparaison de 40 % aux USA, 27 % en Allemagne et 45 % en Suisse. 

On constate donc une divergence considérable sur l’acceptabilité du dispositif entre l’étude VEST et les registres de vraie vie, s’expliquant très vraisemblablement par les efforts d’éducation thérapeutique dans l’utilisation clinique « de routine » du gilet défibrillateur. Ainsi, le gilet défibrillateur portable paraît constituer une aide précieuse dans les situations à risque rythmique élevé, en attendant une nouvelle évaluation du risque, essentiellement par le monitoring de la fonction ventriculaire gauche, permettant d’éviter dans environ 50 % des cas l’implantation d’un défibrillateur permanent, tout en protégeant les patients d’une complication rythmique grave.

 

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CORDIAM, Supplément digital, Nov 2021, N°1

 

Nicolas Danchin,
HEGP, Paris

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