LE FORUM CODIA

L’édition 2015 de CODIA, Forum co-présidé par les Professeurs Bernard Charbonnel et Michel Komajda, a une nouvelle fois tenu ses promesses avec des communications intéressant à la fois les diabétologues et les cardiologues autour de la prise en charge du patient diabétique et de ses facteurs de risque. Nous présentons à nos lecteurs une sélection de quatre des thèmes abordés durant ce Forum.

Les problèmes de sécurité cardiovasculaire rencontrés avec les glitazones ont conduit la FDA à demander des études de morbi-mortalité pour tous les nouveaux antidiabétiques. C’est ainsi qu’ont été conçues les études SAVOR et EXAMINE avec une méthodologie rigoureuse destinées à évaluer la tolérance cardiovasculaire de 2 inhibiteurs de DPP4 (respectivement, versus placebo, saxagliptine et alogliptine). Les résultats ont été rappelés par Patrick Henry. Ils reposent, avec une méthodologie rigoureuse sur un critère composite « solide » : décès cardiovasculaire + IDM non mortel + AVC non mortel. Dans SAVOR, les 16500 patients devaient, pour être inclus avoir un antécédent de syndrome coronaire aigu (SCA) > 3 mois ou, à défaut, être à haut risque cardiovasculaire. Dans EXAMINE, les 5 380 patients étaient inclus au décours d’un SCA. Comparés à la population d’EXAMINE, les patients de SAVOR étaient plus âgés, avaient un diabète plus ancien et étaient plus souvent sous insuline.

En dépit des profils différents des patients dans ces 2 études, leurs résultats ont été comparables avec, au terme d’un recul de deux ans, une superposition parfaite des courbes de survenue d’événements. Aucune différence n’a été notée dans les 2 études sur l’une ou l’autre des composantes du critère combiné. Des symptômes d’insuffisance cardiaque (IC) sont toutefois apparus plus souvent chez les patients de SAVOR (3,5% vs 2,8%) avec une tendance non significative pour ceux d’EXAMINE.

Au total, les résultats des 2 études sont cohérents. Dans les 2 cas la possibilité d’ajustement des traitements antidiabétiques sur les taux d’HbA1c a pu jouer en la défaveur des traitements expérimentaux.

On peut aussi se demander si les taux d’HbA1c < 7% n’ont pas faussé la comparaison des groupes par rapport aux recommandations moins drastiques actuellement en vigueur.

Il est aussi possible que leur durée relativement courte n’ait pas permis l’expression de complications observées dans d’autres études après 5 à 6 ans de suivi.

Le but de l’étude n’était pas de démontrer la supériorité de ces traitements sur les traitements conventionnels et l’objectif de sécurité d’emploi a été atteint.

Il faut toutefois garder en mémoire le risque d’insuffisance cardiaque dont on a pu identifier des facteurs favorisants : antécédent de cette pathologie ou d’IM, âge, dysfonction rénale ou encore taux élevés de peptides natriurétiques (à doser qu’en cas de suspicion d’IC).

Comme l’a indiqué Paul Valensi, d’autres études de sécurité d’emploi sont en cours, pour les agonistes du GLP-1 (LEADER, EXSEL, ELIX), pour lesquels les résultats précliniques sont jugés très encourageants.

L’expérience des développements précédents incite naturellement à la plus grande prudence pour toutes les molécules non encore évaluées dans un contexte identique à celui de SAVOR ou EXAMINE.


Pour Xavier Girerd il est difficile de définir l’HTA du sujet âgé uniquement sur le critère de l’âge. Il préfère prendre en compte les types d’HTA les plus fréquents dans cette population : hypertension systolo-diastolique (≥ 160/110 mm Hg) dite pression « pincée » et HTA systolique isolée (≥ 170/90 mm Hg) qu’il suggère d’appeler pression « élargie ».

Les données récentes de l’enquête FLAHS 2014 montrent qu’il y a actuellement en France 11,6 millions d’hypertendus traités ou non, contre 11,2 millions en 2010. A partir de la tranche d’âge 55/64 ans, les hypertendus occupent une place croissante pour devenir progressivement majoritaires (> 50% au-delà de 75 ans). Ces hypertendus de plus de 75 ans ont pour 27% d’entre eux une pathologie coronaire, pour 13% une insuffisance cardiaque et pour 8% des troubles du rythme. Ils font moins souvent d’AVC que les plus jeunes, reflet possible d’une sélection naturelle. Ils se situent donc pour beaucoup dans le champ de la prévention secondaire.

Chez ces patients, les valeurs ambulatoires (MAPA) sont notablement inférieures aux valeurs de consultation. L’ effet blouse blanche s’accentue donc avec l’âge, ce qui souligne les avantages des mesures électroniques. Tous les appareils donnent une précision à 3 chiffres (mm Hg) que Xavier Girerd souhaiterait voir adoptée par l’ensemble des médecins dans leur pratique. La CNAM propose la mise à disposition d’un appareil de mesure à tous les médecins généralistes pour porter le diagnostic initial d’HTA. Il y a actuellement 7,5 millions d’appareils de mesure automatique en circulation (FLAHS 2014), avec une majorité d’appareils de poignet alors que les mesures au bras devraient avoir la préférence des utilisateurs.

Les bénéfices du traitement de l’HTA des sujets âgés sont clairement démontrés et au moins aussi importants que pour les plus jeunes. Le traitement est nécessaire pour toute PAS ≥ 160 mm Hg avec un objectif de 140/150 mm Hg. Tous les antihypertenseurs peuvent être utilisés chez les sujets âgés et la meilleure efficacité des bloqueurs du SRAA n’empêche pas d’utiliser les autres classes si elles sont par ailleurs indiquées, notamment en cas de pathologies associées. Il faut rappeler l’excès de risque d’angioœdème lié aux IEC et les premiers signes d’alerte avant une réaction plus grave (érythème, gonflement des lèvres…).

Comme chez les jeunes, il est recommandé de commencer par une monothérapie en évitant les bêtabloquants en instauration de traitement (moins efficaces sur le risque d’AVC).

Après 4 semaines si le traitement est insuffisamment efficace, le passage à une bithérapie est justifié.

La trithérapie est moins recommandée après 80 ans.

L’hyponatrémie est plus souvent liée à un excès d’absorption d’eau (lutte contre la déshydratation) qu’à une déplétion sodée.

Spécifiquement chez les diabétiques, le blocage du SRAA est légitime dès qu’il existe une

microalbuminurie et a fortiori une protéinurie franche ou une insuffisance rénale.

Les hypertendus âgés représentent donc une catégorie de patients très fréquente et doivent bénéficier des mêmes traitements que les plus jeunes pour un bénéfice largement démontré.


Bruno Detournay a rappelé la fréquence du diabète et sa charge financière pour la communauté.

Cette affection frappe 4,7% de la population, dont 3 millions pour le seul diabète de type 2, mais avec de très grandes disparités régionales. Cette prévalence (données de la CNAM-TS) est en progression régulière mais lente (+2,5% en 2006 vs +2,8% en 2012).

Par comparaison les prévalences au Royaume-Uni et aux USA sont respectivement de 6% et 5,7% avec des taux de progression de 3 à 7% et de 5,7% par an. Vingt pour cent des diabétiques de type 2 sont mis sous insuline et la moitié d’entre eux sous insuline basale.

Le marché des médicaments du diabète est estimé à plus d’un milliard d’euros. La metformine reste le premier antidiabétique vendu mais elle cède largement le pas à l’insuline en termes de coûts, avec une progression régulière, comme les agonistes du GLP-1 et les inhibiteurs de DPP4 mais, pour ces derniers, avec un niveau de départ nettement plus bas. Les soins d’un diabétique coûtent environ 8 700 €/an. Les médicaments ne représentent que 1,4% de ces coûts, loin derrière les hospitalisations (30%) que ce soit pour des hypoglycémies ou un plan d’éducation thérapeutique et loin encore derrière les soins infirmiers (9%). L’utilisation des ressources de santé pourrait encore être optimisée.

Les résultats décevants des études sur la prévention des événements macrovasculaires ont pu contribuer à une certaine démotivation des médecins traitants au prétexte que les objectifs stricts d’HbA1c n’ont pas donnés les résultats escomptés.

Ronan Roussel a tout au contraire fait la démonstration que le passage à l’insuline est une étape essentielle à quelque stade que ce soit.

Les recommandations récentes de l’ ADA/EASD 2013 préconisent son introduction dès le 2ème niveau de renforcement du traitement alors qu’elle n’apparaissait qu’au 3ème niveau dans les précédentes.

Pour Ronan Roussel, cette initiation précoce du traitement est justifiée.

Les données disponibles, montrent que le bénéfice cardiovasculaire s’exprime de façon relativement rapide lorsque le traitement est instauré assez tôt.

Inversement, en cas d’instauration tardive du traitement, il est probable que cet effet ne peut s’exprimer que dans un délai au moins égal à celui durant lequel le traitement optimal a été différé sans atteindre l’objectif.

En bref, l’instauration précoce du traitement insulinique est donc justifiée mais … il n’est jamais trop tard !

Jean-Louis Gayet

Article paru dans le CORDIAM N°4 (Mars 2015)
Télécharger l’article

Commentaire(0)