GAUSS 3
The Goal Achievement after Utilizing an anti-PCSK9 Antibody in Statin-Intolerant Subjects 3
Contexte et hypothèse
L’intolérance aux statines, réelle ou supposée, est un problème clinique fréquent. GAUSS 3 a eu pour objectif de comparer l’efficacité biologique et la tolérance de deux traitements hypolipémiants alternatifs aux statines (l’ézétimibe et l’anti-PCSK9 évolocumab) chez des patients ayant une véritable intolérance aux inhibiteurs de l’HMG CoA réductase, documentée par une réintroduction de statine en double aveugle.
L’étude s’est donc déroulée en deux phases : la phase A, destinée à vérifier de façon objective l’intolérance aux statines, et la phase B où les deux traitements alternatifs ont été comparés chez les patients objectivement intolérants au traitement initial.
Critères d’inclusion et exclusion
PHASE A
CRITÈRES D’INCLUSION :
• Age 18-80 ans
• Critère lipidique :
– Pour les patients avec maladie coronaire documentée ou risque équivalent : LDL-c ≥ 1,00 g/L
– Pour les patients sans maladie coronaire connue :
LDL-c ≥ 1,30 g/l, avec au moins deux facteurs de risque associés, ≥ 1,6 g/l avec un facteur de risque associé, ou ≥ 1,90 g/l.
Et
• Intolérance musculaire à l’atorvastatine 10 mg, et à toute autre statine quelle qu’en soit la dose,
Ou bien
• intolérance musculaire à au moins 3 statines, dont une au moins à la posologie quotidienne minimale
CRITÈRES D’EXCLUSION PRINCIPAUX :
• Accident aigu (infarctus, AVC, angor instable, revascularisation myocardique), ou arythmie sévère dans les 3 mois précédents.
• AVC hémorragique
• Dyspnée NYHA III ou IV, FEVG ≤ 30%
• Maladies musculaires personnelle ou familiale
• Diabète découvert depuis moins de 6 mois, diabète de type 1, diabète de type 2 mal contrôlé
• Hypertension artérielle non contrôlée
• Insuffisance rénale sévère
• Hyper- ou hypothyroïdie
PHASE B
CRITÈRES D’INCLUSION
• Patients présentant une intolérance à l’atorvastatine et pas d’intolérance au placebo lors de la phase A
• Tout patient ayant eu des symptômes musculaires avec des taux de CPK > 10 fois la normale sous statine, avec disparition des symptômes et normalisation des CPK à l’arrêt de la statine.
Plan d’étude et traitements étudiés
Étude randomisée en double aveugle en 2 phases :
PHASE A
Atorvastatine 20 mg vs Placebo en cross-over ; 2 périodes de 10 semaines séparées et suivies d’une période de 2 semaines de wash-out
PHASE B : randomisation 2:1
Evolocumab SC (420 mg/mois) vs ézétimibe 10 mg par jour pendant 24 semaines, débutant immédiatement après la phase A
Critères de jugement
• Critère principal 1 : pourcentage de variation du LDL-c entre la randomisation et la moyenne des mesures aux semaines 22 et 24
• Critère principal 2 : pourcentage de variation du LDL-c entre la randomisation et la semaine 24 (4 semaines après la dernière dose sous-cutanée)
• Critères secondaires 1 :
– variation absolue du LDL-c entre la randomisation et la moyenne des mesures aux semaines 22 et 24
– pourcentage de variation du cholestérol total, non-HDL-c, et apoB
– pourcentage de variation du rapport cholestérol total/HDL-c et apo B/apoA1
– pourcentage de patients atteignant un niveau de LDL-c < 0,70 g/dl
• Critères secondaires 2 : pourcentage de variation de Lp(a), triglycérides, HDL-c et VLDL-c
• Critères de tolérance et de sécurité :
– recueil des évènements indésirables et des événements indésirables graves
– incidence des effets secondaires musculaires pendant la phase A
– mesure des taux d’anticorps anti-évolocumab
Taille de l’échantillon et hypothèses statistiques
La taille de l’échantillon était de 500 patients pour la phase A, avec l’espoir de fournir 100 patients randomisables en phase B. La différence moyenne de LDL-c attendue entre les deux groupes de la phase B était de 35,9%.
Un échantillon de 100 patients fournit une puissance statistique de 96% de positivité des 2 critères principaux (hypothèse statistique principale, pour un test bilatéral au seuil de 0,05).
Population
Recrutement entre décembre 2013 et novembre 2014 : 492 patients pour la phase A, dont 491 ayant pris au moins une dose du traitement d’étude, avec 199 patients présentant des symptômes et participant à la phase B ; 19 patients présentant une augmentation de CPK > 10 fois la normale sous statine directement inclus dans la phase B.
Résultats
Phase A :
Phase B :
Évolution du LDL-cholestérol lors de la phase B
Conclusion
Chez des patients présentant une intolérance musculaire aux statines, l’évolocumab permet une réduction du LDL-cholestérol plus prononcée que l’ézétimibe. Des études ultérieures permettront d’évaluer l’efficacité et la sécurité au long cours de l’évolocumab dans ce type de population.
Références
Nissen SE, et al. Efficacy and Tolerability of Evolocumab vs Ezetimibe in Patients With Muscle-Related Statin Intolerance. The GAUSS-3 Randomized Clinical Trial. JAMA 2016; doi:10.1001/jama.2016.3608
RÉACTION
L’intolérance aux statines est un phénomène que les cardiologues et diabétologues connaissent bien ; s’il n’est pas douteux qu’existent de réelles intolérances musculaires, la symptomatologie est très certainement majorée (ou même créée) par « l’effet notice » et sans doute plus encore par les campagnes médiatiques négatives à l’encontre des statines.
La phase A de l’étude GAUSS 3 est, à cet égard, riche d’enseignements, car elle a été réalisée avec une méthodologie indiscutable (double aveugle, cross-over) : parmi les patients dits intolérants aux statines (ayant essayé au moins 2 et souvent même 3 statines ou plus avec à chaque fois des symptômes musculaires invalidants), 36% décrivent des douleurs invalidantes sous placebo, tandis que 43% seulement ont bien une intolérance musculaire uniquement sous la satine donnée en aveugle (avec un effet net de la séquence d’administration : quand la statine est administrée en premier, 51% ont des symptômes, tandis que ce pourcentage baisse à 34% seulement quand la statine est administrée en second, après la phase de placebo).
On voit ainsi que l’intolérance aux statines est un symptôme éminemment subjectif et que l’effet nocebo dans ce domaine est considérable. Il serait temps que les notices insistent plus sur l’intérêt thérapeutique des médicaments que sur leurs effets secondaires, même si l’intérêt de signaler ces derniers n’est guère discutable ; il serait temps aussi que les médias réfléchissent plus aux conséquences que peuvent avoir des campagnes « d’information » non étayées par de vraies données scientifiques.
La seconde partie de l’étude n’est pas une surprise : les anti-PCSK9 sont les plus puissants des médicaments hypolipémiants actuellement utilisables et l’évolocumab fait beaucoup mieux que l’ézétimibe sur le LDL-cholestérol ; l’élément le plus nouveau est que les effets secondaires du traitement, au sein d’une population présentant une authentique intolérance aux statines, paraissent tout à fait limités, du moins pendant la période de 6 mois qu’a duré l’étude.
Nicolas Danchin
Article paru dans le CORDIAM N°11 (Avril 2016)
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