Les résultats de l’étude LEADER, présentés au récent congrès de la société américaine de diabète et publiés en parallèle dans le New England Journal of Medicine, sont d’un extrême intérêt car l’étude est positive, en ce sens qu’il y a une réduction des événements cardio-vasculaires sous liraglutide comparé à un placebo, en add-on des autres traitements antidiabétiques et des divers traitements à visée vasculaire, intensifiés au mieux.

 

On ne met pourtant pas toutes les chances du côté de la molécule évaluée dans ces études dites de sécurité cardio-vasculaire exigées par les agences depuis plusieurs années : le dessin de ces études compare en l’occurrence le liraglutide à un placebo, mais en add-on de tous les autres traitements (y compris l’insuline dans plus de 40 % des cas de l’étude LEADER) qui doivent être intensifiés au mieux des recommandations. Il y a donc logiquement, dans toutes ces études, une intensification plus importante des traitements antidiabétiques dans le bras placebo de manière à compenser l’effet  hypoglycémiant de la molécule évaluée. D’où une faible différence d’HbA1c entre les deux bras, en l’occurrence 0,4 % dans l’étude LEADER.

  • Il faut bien comprendre que ces études de sécurité cardio-vasculaire demandées par les agences ne répondent pas à la question clinique : est-ce que faire baisser la glycémie avec en l’occurrence le liraglutide prévient les événements cardio-vasculaires.
  • Il faut comprendre que, si neutralité cardio-vasculaire il y a, ce qui était le cas dans les études des DPP4 inhibiteurs, cela veut dire sécurité cardio-vasculaire (placebo-like), sans préjuger d’un éventuel effet positif du médicament lié à la diminution glycémique (qui n’est pas évaluée du fait du dessin de l’étude).
  • Il faut également comprendre que, si bénéfice cardio-vasculaire il y a, ce qui est le cas du liraglutide, ce bénéfice n’est pas lié (ou à la marge) à l’action hypoglycémiante du produit, mais à d’autres propriétés « au-delà de la glycémie », ce qui est un peu paradoxal, puisque la raison principale de prescription des antidiabétiques en pratique clinique est de diminuer l’HbA1c.

 

Ces remarques méthodologiques étant faites, et elles sont essentielles (elles expliquent pourquoi il ne faut pas comparer ces études de sécurité aux études comme ACCORD où la question posée était de savoir si baisser la glycémie, quels que soient les traitements utilisés, prévenait les complications), il y a donc une réduction significative de 13 % sous liraglutide du composite cardio-vasculaire habituel, le MACE, alors même que les patients étaient traités au mieux, notamment vis-à-vis de la pression artérielle et des lipides. Les patients étaient à haut risque cardio-vasculaire, 80 % en prévention cardio-vasculaire secondaire, 20 % en prévention cardio vasculaire primaire avec de nombreux facteurs de risque.

 

Lorsqu’on regarde les composants individuels du critère primaire, on voit qu’ils sont tous dans la bonne direction et contribuent donc chacun à la significativité du composite. La réduction de la mortalité cardio-vasculaire est de 22 % et significative, ce qui est un résultat assez impressionnant, les réductions du risque d’infarctus du myocarde ou d’AVC non mortels, de 12 %, ne sont pas significatives mais contribuent au résultat global.

 

Dans les critères secondaires, il importe de souligner une tendance à un moindre risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, ce qui est devenu un critère cardio-vasculaire majeur des études en diabétologie.

 

Il n’y a rien de particulier dans les sous-groupes, dont on sait qu’il faut se méfier du point de vue méthodologique, sauf le plus grand bénéfice chez les obèses et chez les insuffisants rénaux. Les patients en prévention primaire ne font pas mieux que les patients en prévention secondaire.

 

Rien qui ne soit déjà connu en matière d’effets secondaires (nausées, calculs biliaires…).

 

Un mot de perspective par rapport aux autres études, au dessin similaire, publiées ces dernières années, avec différents agents antidiabétiques :

 

  • Dans la même classe thérapeutique, celle des agonistes du récepteur du GLP1, l’étude ELIXA avec le lixisenatide n’avait pas montré de bénéfice cardio-vasculaire mais simplement une neutralité. La comparaison est difficile car les patients ne sont pas les mêmes, en post-syndrome coronarien aigu dans l’étude ELIXA. D’autre part, même appartenant à la même classe, il s’agit de molécules assez différentes, le liraglutide ayant une durée d’action de 24 heures alors que le lixisenatide n’a une durée d’action que de quelques heures. Ceci étant dit, les résultats positifs de l’étude LEADER sont un argument en faveur des agonistes longs par rapport aux agonistes courts.
  • Les trois études de sécurité cardio-vasculaire avec les inhibiteurs DPP4 avaient toutes montré une neutralité, ce qui veut dire que, si bénéfice cardio-vasculaire il y a sur le moyen-long terme sous DPP4 inhibiteurs, ce bénéfice, qui reste à démontrer, serait exclusivement lié à la baisse glycémique, et non pas à d’autres propriétés. Alors que les résultats de l’étude LEADER suggèrent des mécanismes de réduction du risque vasculaire au-delà de la glycémie, mécanismes qui restent à identifier, peut-être simplement le fait que différents facteurs de risque classique sont significativement améliorés sous liraglutide, en particulier une baisse de la pression artérielle et une perte de poids
  • Il existe une autre étude de sécurité cardio-vasculaire avec un agent antidiabétique qui a montré un bénéfice, l’étude EMPAREG avec l’Empagliflozine, un inhibiteur SGLT2. La réduction du MACE est similaire dans les deux études mais, lorsqu’on analyse les composants individuels du MACE, il y a une grosse différence : les 3 composants du MACE contribuent à la réduction du composite sous liraglutide, tandis que, sous Empagliflozine, il n’y a aucune réduction du risque d’infarctus du myocarde ou d’AVC mais une réduction impressionnante, de plus de 40 %, du risque de mortalité cardio-vasculaire et toutes causes, qui est le seul contributeur à la réduction du MACE. Ceci suggère des mécanismes de protection différents, l’effet de diurèse osmotique et de natriurèse des SGLT2-inhibiteurs est peut-être un mécanisme important.

 

Le message pour la communauté cardio-diabétologique est clair : contrairement à un certain scepticisme ambiant au sujet des médications antidiabétiques, il se confirme que au moins certaines d’entre elles préviennent non seulement le risque microvasculaire, lié au niveau d’HbA1c, mais aussi le risque cardio-vasculaire lié, au-delà du niveau glycémique, à tous les composants du syndrome métabolique. C’est un argument supplémentaire pour traiter le diabète de manière intensive en utilisant les molécules qui ont fait la preuve au minimum de leur sécurité cardio-vasculaire et, mieux, de leur bénéfice. C’est le cas du liraglutide.

Bernard Charbonnel, Département d’Endocrinologie,Université de Nantes

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