Mise à jour 2016 des recommandations ESC 2012 sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque.

De nouvelles recommandations sur le diagnostic et le traitement de l’insuffisance cardiaque ont été publiées à l’occasion du Congrès Heart Failure 2016 (Florence) Une catégorie de patients à risque intermédiaire avec FEVG entre 40 et 50% a été créée pour tenir compte du manque d’essais cliniques dans ce contexte. Un nouveau concept, calqué sur la prise en charge des syndromes coronaires aigus est apparu : “le temps c’est du muscle”. Il souligne l’intérêt d’une prise en charge précoce pour maximiser les risques de récupération de la fonction myocardique et réduire les lésions des organes cibles. Un nouvel algorithme est proposé pour qu’en particulier les non-spécialistes puissent rapidement identifier les patients chez lesquels une insuffisance cardiaque peut être d’emblée éliminée ou, au contraire suspectée, justifiant la mise en route d’examens complémentaires.

Il semble que les participants au groupe de travail qui a produit ce texte aient eu de longues discussions pour savoir comment l’association valsartan + neprilysine (Entresto®) pouvait être préconisée. Ils sont finalement arrivés au calage, logique, sur le profil des patients inclus dans l’étude PARADIGM-HF (NYHA II-IV, BNP élevé, sous IEC ou ARA2 ≥ 4 sem + β-bloquants sauf intolérance ou contre-indication). La resynchronisation est désormais contre-indiquée pour un QRS < 130 ms en raison du risque de surmortalité constaté dans l’étude EchoCRT. La ventilation auto-asservie est désormais, elle aussi, contre-indiquée dans le syndrome des apnées du sommeil après les résultats négatifs de l’étude SERVE-HF.

L’utilisation des gliflozines (au moins empagliflozine pour l’instant) chez les diabétiques vient rejoindre les mesures générales de prévention (mais pas pour encore pour les formes déclarées) de l’insuffisance cardiaque, applicables à tous les patients (essentiellement prévention des risques hypertensifs et lipidiques).

Bien que les dernières recommandations ne datent que de 2012, on peut donc constater qu’il y a eu une importante accumulation d’avancées qui ont justifié cette mise à jour.

 

A l’issue d’une importante session consacrée à l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) du ventricule droit (VD) au congrès Heart Failure 2016, nous avons demandé au Pr A Mebazaa (Hôpital Lariboisière, Paris) de nous en donner les principaux enseignements.

Il faut déjà rappeler que l’ICA du VD est, du fait de sa méconnaissance, à la fois le parent pauvre et le maillon faible de l’ICA. Elle est rare dans sa forme purement droite (par exemple embolie pulmonaire) et le plus souvent la conséquence d’une ICA d’abord gauche (par exemple IDM).

Son expression clinique n’est pas toujours évidente et, en particulier, la fréquence cardiaque et la pression artérielle peuvent rester normales. Il faut donc s’employer à faire un examen clinique rigoureux et à rechercher de façon méticuleuse des signes comme ceux de l’augmentation de pression jugulaire. L’échocardiographie doit être systématique car c’est elle qui va permettre le diagnostic.

La PEC de ces ICA droites est très particulière et même à l’opposé de ce que l’on recommande pour les ICA gauches. Par exemple pour un OAP, on doit tendre à baisser la pression artérielle, instaurer une ventilation non invasive et, dans quelques cas particuliers, apporter de très petites quantités de fluides. A l’inverse dans l’ICA droite aiguë l’objectif est plutôt d’augmenter très vite la pression artérielle pour préserver et restaurer la perfusion des organes, non seulement le cœur (les coronaires), mais aussi, en amont, le rein et le foie. La marge de manœuvre est toutefois étroite et le remplissage doit être très prudent et sans excès, au risque de voir rapidement la fonction de ces organes se détériorer. Le contrôle de la taille de la VCI, est nécessaire en particulier pour des volumes > 500 mL.

En bref, en attendant les effets des traitements spécifiques, il s’agit d’un traitement symptomatique qui vise à remonter rapidement la pression artérielle mais sans compromettre le fonctionnement des organes par un remplissage excessif.

 

A l’occasion du congrès Heart Failure 2016, nous avons demandé au Pr F Zannad si la prise en charge des co-morbidités est une des voies thérapeutiques du futur, pour l’insuffisance cardiaque (IC).

On pense souvent, à tort, que les comorbidités de l’IC sont des associations fortuites qui peuvent apparaître en même temps qu’elle alors qu’elles figurent souvent parmi les causes de l’IC ou de ses décompensations. Il en existe de multiples qui ont donné lieu, à des essais thérapeutiques qui n’ont le plus souvent pas donné les résultats escomptés sur le pronostic de l’IC.

C’est par exemple le cas de l’anémie et du déficit martial. On a pu démontrer l’inefficacité des traitements par l’érythropoïétine alors que la correction du déficit en fer a un effet favorable. On sait que les apnées du sommeil sont un facteur d’aggravation de l’IC mais, contre toute attente, le traitement des apnées centrales tend plutôt à en aggraver la mortalité.

 

On déplorait plutôt, jusqu’à présent, l’effet délétère de certains antidiabétiques sur l’IC mais récemment d’autres ont, au contraire, fait la preuve d’un effet favorable. C’est ce que semblent montrer les essais récents d’évaluation des inhibiteurs du co-transporteur sodium/glucose (gliflozines) avec leur pseudo-effet diurétique, indépendant du traitement du diabète lui-même, et qui s’est avéré bénéfique sur le pronostic de l’IC. La cachexie est souvent induite par des causes communes comme l’alcoolisme ou la dénutrition mais bien qu’elle fasse partie d’un syndrome inflammatoire général, l’essai d’un anti-inflammatoire puissant comme l’etanercept (Enbrel®) a échoué à démontrer son efficacité dans cette indication.

L’insuffisance rénale associée à l’IC joue souvent comme un véritable frein thérapeutique car elle effraie les médecins et les empêche d’atteindre les doses optimales des traitements, en particulier des antagonistes du SRAA.  Il n’y a pas de médicaments “protecteurs de l’insuffisance rénale” parmi ceux de l’insuffisance cardiaque mais des précautions sont à prendre pour éviter que les augmentations de la créatinine ne soient une limite à l’augmentation prudente des doses de ces traitements qui ont largement fait la preuve de leur efficacité.

En bref, les comorbidités de l’IC sont multiples mais leurs traitements n’améliorent pas systématiquement son pronostic et il y a donc encore beaucoup à travailler dans ce domaine.

 

A l’issue d’une session consacrée à la réparation percutanée de l’insuffisance mitrale (IM) fonctionnelle au congrès Heart Failure 2016, nous avons demandé au Pr JN Trochu (Institut du Thorax, Nantes) si l’engouement suscité par cette procédure a déjà sa place parmi les thérapeutiques de l’insuffisance cardiaque.

Cette approche, surtout permise par le développement du MitraClip®, a d’abord bénéficié aux patients porteurs d’une IM dégénérative comme ceux de l’étude EVEREST, mais les IM fonctionnelles représentent aujourd’hui 70% des implantations dans les registres allemands sur ce dispositif. Cette “dérive spontanée” tient en particulier au fait que les patients ayant une FEVG < 40% sont considérés comme à haut risque chirurgical, ce qui n’incite guère à leur proposer cette dernière option. Inversement l’option “clip”, par voie percutanée donne de bons résultats avec un risque faible.

On ne dispose pas encore de données de mortalité dans cette indication mais trois études importantes chez des patients avec IC sévère et IM fonctionnelle sont en cours dans le monde : RESHAPE-HF (mortalité toutes causes et réhospitalisations pour IC), COAPT (réhospitalisations pour IC) et MITRA-FR (mortalité toutes causes et réhospitalisations pour IC).

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La prise en charge de cette procédure est déjà accordée en France pour des IM dégénératives et les résultats de MITRA-FR seront déterminants pour les IM fonctionnelles. L’histoire est donc en train de s’écrire progressivement et il faudra encore un peu de temps pour que cette procédure, relativement coûteuse, puisse bénéficier aux patients qui en ont le plus besoin.

On est aujourd’hui avec le Mitraclip® au stade de développement auquel nous en étions il y a une dizaine d’années avec la resynchronisation. Avec cette limite temporelle, et en l’absence de résultats sur la mortalité, les données disponibles avec le Mitraclip® sont très encourageants mais il n’est pas question pour l’instant de mettre ces deux approches en situation d’alternative. Il semble toutefois qu’après implantation d’un défibrillateur il y ait moins d’arythmies ventriculaires chez les insuffisants cardiaques chez lesquels on a posé un Mitraclip® ce qui suggère un effet favorable sur le remodelage.

On est donc actuellement sur des résultats très encourageants pour la réparation percutanée des IM fonctionnelles mais il faudra attendre la fin 2017 pour disposer des données de morbi-mortalité qu’on attend des études en cours.

 

JLG

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