Au cours d’une session dédiée au futur des assistances circulatoires temporaires, le docteur Benjamin Seguy, Bordeaux, a fait le point sur les différents types d’assistances ventriculaires à court et moyen termes disponibles actuellement ou en développement.
Le ballon de contre-pulsion intra-aortique est une assistance introduite de façon rétrograde dans l’aorte, gonflé en diastole et dégonflé en systole. L’objectif théorique est de réduire la postcharge, d’augmenter le flux diastolique antérograde, améliorant la vascularisation et le flux rétrograde permettant d’améliorer la perfusion coronaire. Il n’apparait plus aujourd’hui comme un moyen d’assistance ventriculaire gauche efficace. En effet, dans l’étude parue en 2010 dans le New England Journal of Medicine, son utilisation dans l’infarctus avec choc cardiogénique n’était pas supérieure au placebo sur la durée de stabilisation hémodynamique, la durée ou la dose de catécholamines administrées, la durée du séjour en réanimation, le taux de lactate sanguin et la fonction rénale. Son utilisation semble limitée aujourd’hui à des situations très marginales notamment en association avec une ECMO dans le but de réduire la charge ventriculaire gauche, diminuer la pression artérielle pulmonaire systolique et la pression artérielle pulmonaire d’occlusion. Cela permet par ailleurs de maintenir une certaine pulsatilité même si les bénéfices restent discutés.
L’ECMO est une méthode d’assistance ventriculaire gauche ou droite ayant montré son intérêtdans les situations de sauvetage de nombreuses pathologies notamment dans le choc cardiogénique, l’embolie pulmonaire grave , la myocardite et le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). L’ECMO utilise une pompe centrifuge non occlusive, délivrant un débit continu de 4 à 5 l/min. Le sang est aspiré par un cathéter veineux le plus souvent fémoral et réinjecté de façon rétrograde dans l’aorte. Ce système peut être implanté par voie percutanée ou par voie chirurgicale avec la possibilité d’utiliser de nombreux abords artériels ou veineux. Son intérêt est de permettre un excellent support cardiaque, voire hémodynamique en cas de vasoplégie mais aussi respiratoire en ajoutant un oxygénateur dans le système. Il existe cependant très peu d’études randomisées de qualité publiées sur l’ECMO. L’étude CESAR rapportée en 2009 dans le Lancet a montré un bénéfice en termes de survie sans invalidité à 6 mois versus traitement standard dans le SDRA. On attend prochainement les résultats de l’étude randomisée EOLIA dans le SDRA dont l’investigateur principal est le Pr Combes. Cheu a publié dans une étude rétrospective parue en 2010, une diminution de la mortalité à 30 jours dans le choc cardiogénique post infarctus et une étude prospective est en préparation pour confirmer ces bénéfices.
Les Impella sont une famille d’assistances permettant, en utilisant le principe de la vis d’Archimède, la délivrance d’un flux antérograde. Elle est placée de façon rétrograde par voie artérielle dans le ventricule gauche (VG) à travers la valve aortique permettant d’aspirer le sang dans le VG et de le rejeter dans l’aorte ascendante. Il existe plusieurs modèles assurant des débits variables, de 2.5L/min à plus de 5L/min. L’implantation qui se fait de façon percutanée pour les modèles 2.5 et CP et par voie chirurgicale pour le modèle 5.0. Les principaux effets de l’Impella sont la diminution de la consommation en O2 du myocarde, l’augmentation de l’apport en O2 en périphérie et une augmentation de la puissance cardiaque. Les Impella sont approuvées par la FDA pour une utilisation dans le choc cardiogénique post-infarctus ou post-cardiotomie, pour une durée de 4 à 6 jours selon les modèles. Elles peuvent aussi être utilisées en cas de revascularisation percutanée à haut risque.
Un modèle dédié au ventricule droit s’appelant Impella RP a récemment été approuvé par la FDA. Il utilise aussi le principe de la vis d’Archimède. Il est introduit par voie percutanée veineuse fémorale. Le sang est aspiré dans l’oreillette droite, éjecté dans l’artère pulmonaire et délivre un débit de 4L/min pendant une durée maximale de 14 jours.
Le Heart Mate PHP de Thoratec a récemment obtenu le marquage CE comme assistance de courte durée en cas de revascularisation percutanée à haut risque, à l’instar de certains modèle Impella.
Ce système est introduit de façon percutanée par voie artérielle fémorale et est placé de façon rétrograde dans le VG et l’aorte à travers la valve aortique. Une fois en position, il peut s’expandre de 14 à 24 Fr pour réduire les forces de cisaillement et limiter l’hémolyse. Le débit théorique de 4L/min.
D’autres modèles sont actuellement en phase préclinique, comme l’Impella 5.5 qui remplacerait la 5.0 avec une durabilité allant de quelques semaines à quelques mois et une version « longue durée » appelée BTR (Bridge To Recovery) dont la durabilité serait de quelques mois à quelques années, permettant ainsi un retour à domicile.
Le docteur M. Dandel, Berlin a évoqué la place des assistances circulatoires temporaires pour la défaillance ventriculaire droite.
La défaillance ventriculaire droite est le plus souvent secondaire à une ischémie du ventricule droit (VD) qui peut être directe comme dans l’infarctus du myocarde avec extension au VD ou en post opératoire de chirurgie cardiaque ou plus indirecte en raison d’une augmentation de la tension pariétale. Cette augmentation pariétale s’explique par une augmentation de pré charge ou de post charge du ventricule droit. L’augmentation des pressions ventriculaires gauches, des résistances pulmonaires et la chirurgie cardiaque à cœur ouvert constituent les causes les plus fréquentes d’augmentation de la post charge VD. L’augmentation de la précharge se voit après expansion volémique et en cas de modification de la géométrie du VD avec régurgitation tricuspide importante. La défaillance est le plus souvent initialement réversible, notamment dans les formes indirectes mais une évolution prolongée peut entrainer un remodelage et une fibrose irréversible.
L’objectif des assistances du ventricule droit est de réduire la pré et postcharge et ainsi limiter la tension pariétale et l’ischémie, permettant une récupération fonctionnelle. Ce traitement ne se conçoit qu’en association au traitement étiologique s’il est possible (anticoagulation d’une embolie pulmonaire ou correction d’une défaillance ventriculaire gauche par exemple).
La mortalité hospitalière reste très élevée en cas de dysfonction ventriculaire droite majeure et secondaire le plus souvent à une défaillance multi viscérale dont l’étiologie causale est celle de la défaillance droite (myocardite, transplantation, chirurgie cardiaque).
Cette mortalité est variable selon l’étiologie, pratiquement 100% dans la myocardite, 85% en cas de chirurgie valvulaire, 65% après pontage coronaire et « seulement » 40 % et 25% après transplantation et après implantation d’assistance ventriculaire gauche, respectivement.
Concernant la défaillance VD après implantation d’une assistance ventriculaire gauche (left ventricular assist device LVAD), bien que l’implantation d’une assistance bi ventriculaire soit associée à plus de complications et une qualité de vie inférieure à une assistance ventriculaire gauche isolée, les patients présentant une dysfonction ventriculaire droite en post-opératoire de LVAD ont une mortalité importante.
L’implantation différée de l’assistance droite est par ailleurs associée à un sur –risque par rapport aux assistances bi ventriculaires implantées d’emblée, d’où la nécessité de bien sélectionner les patients.
Il est important de faire une évaluation précise préopératoire du ventricule droit avec des marqueurs fonctionnels (TAPSE, FEVD, etc.) mais aussi morphologiques (dilatation VD et fuite tricuspide) en prenant toujours en compte la pré et postcharge VD. L’utilisation d’une assistance ventriculaire droite temporaire pourrait être intéressante pour mieux sélectionner les patients nécessitant une assistance ventriculaire droite à long terme.
Les techniques d’assistances disponibles sont les assistances intracorporelles comme l’Impella RP décrite plus haut avec aspiration du sang dans l’OD et réinjection dans l’AP ou les assistances extracorporelles composées d’une pompe centrifuge avec une canule d’admission introduite en percutanée par une voie d’abord veineuse dans l’oreillette droite (OD) et la canule d’éjection se trouve dans l’artère pulmonaire (AP). C’est un système comparable à l’ECMO mais la réinjection se fait en antérograde par une voie d’abord veineuse. Il existe aussi des systèmes avec une seule canule à deux lumières utilisant le même principe.
Guillaume Baudry