Dans un long article de 30 pages et 309 références, 28 auteurs réfutent de façon rigoureuse, transparente et scientifique les arguties qui ont généré la polémique médiatique autour des statines. L’éditorial qui accompagne la revue rappelle que cette polémique repose sur des données non fiables et a entraîné de façon documentée des arrêts de traitements. Pour un seul pays (UK) ces arrêts ont été responsables de plusieurs milliers d’accidents cardiovasculaires supplémentaires. Si on cumule les accidents indus dans les différents pays où ce type de polémique a eu lieu, l’addition devient particulièrement lourde.

L’article décrit en détail les points forts des grandes études randomisées dont la cohérence des résultats en termes de bénéfice cardiovasculaire ne permet pas le doute. Il montre quelle est la validité externe de ces résultats. Il passe aussi en revue les effets secondaires réels et supposés des statines. En particulier, ils critiquent l’idée que ces grands essais randomisés ont pu passer à côté des effets secondaires musculaires du fait de la sélection des patients. Ces résultats sont mis en perspective avec les grandes études de randomisation Mendélienne qui confirment le lien de causalité indiscutable qu’il y a entre LDL-cholestérol et maladies cardiovasculaires.

Un tableau chiffre précisément le bénéfice du traitement par statine en fonction du risque et de la diminution du LDL-cholestérol : en diminuant de 2 mmol/l (80 mg/dl) le LDL-cholestérol chez 10 000 personnes à très haut risque pendant une durée de 5 ans, on évite 1440 accidents cardiovasculaires majeurs. L’espérance de vie est également augmentée, avec une réduction de 9 % (très hautement significative) de la mortalité toute cause.

La polémique intense relayée par de nombreux médias en France a, comme ailleurs, un impact de Santé publique majeur : ainsi, l’étude réalisée par le groupe de Nicholas Moore à Bordeaux, à partir des données de la CNAM montre bien l’augmentation des abandons de traitement en 2013 par rapport aux années précédentes, à la suite de la parution d’un livre retentissant sur les statines, avec pour conséquence une augmentation de la mortalité. Sous couvert de servir des intérêts économiques nobles (éviter les dépenses pour des médicaments inutiles, voire dangereux), les polémistes nourrissent en fait leur besoin d’exister et leur ego. La polémique entretient aussi le business des médecines parallèles de prise en charge du cholestérol avec des thés, des tisanes, des pétales de fleurs vendus chers et prétendument anti cholestérol sont alimentées par ces polémiques. Il est à noter que l’homéopathie n’a jamais fait la preuve d’une quelconque utilité pour traiter l’hypercholestérolémie. Enfin la polémique sert directement les intérêts des médias. La santé fait vendre les émissions, encore plus si elle est présentée comme la traque de prétendus scandales. Les médias sont capables du meilleur et du pire : ils peuvent véhiculer une information rigoureuse, mais aussi montrer un patient en chaise roulante pour illustrer le danger des statines !!
Il nous faut probablement apprendre à vivre dans le monde étrange de l’information/désinformation omniprésente et donc apprendre à développer notre propre vision critique. La polémique sur les statines n’est en rien une alerte, lancée par quelques esprits purs et courageux, mais bien la remise en cause infondée de traitements validés internationalement. Il faut faire en sorte de rétablir la confiance entre les patients et leurs praticiens (médecin traitant, cardiologue, endocrinologue, néphrologue) pour éviter les arrêts injustifiés d’un traitement prescrit à bon escient. Tous les praticiens concernés devraient prendre un peu de temps pour lire cet article remarquable.

Proposition de modification
La polémique entretient ainsi le business des médecines parallèles de prise en charge du cholestérol ; des thés, des tisanes, des pétales de fleurs vendus chers et prétendument anti cholestérol sont les grands bénéficiaires de ces polémiques.

Eric BRUCKERT, Chef de service Endocrinologie métabolisme et prévention cardiovasculaire, Institut E3M et IHU cardiométabolique, Hôpital Pitié Salpêtrière (Paris)
Nicolas DANCHIN, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris

Eric Bruckert et Nicolas Danchin ont travaillé et travaillent régulièrement avec des laboratoires pharmaceutiques produisant des statines.

Collins R et al. Interpretation of the evidence for the efficacy and safety of statin therapy. Lancet 2016; http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(16)31357-5

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