Depuis le travail initial de M. Haïssaguerre et al 1 qui mettait en lumière l’intérêt de l’isolation des veines pulmonaires dans la fibrillation atriale paroxystique il y a maintenant près de 20 ans, l’ablation de la fibrillation atriale est devenue la pierre angulaire de la prise en charge de ce trouble fréquent du rythme atrial. Actuellement, l’ablation de FA persistante ou de longue durée reste cependant un challenge. L’approche hybride médicochirurgicale s’est developpée dans ce contexte. Au vu des premiers essais cliniques, elle pourrait apporter un bénéfice  même si ces résultats demandent à être confirmés.

La fibrillation atriale représente la principale arythmie cardiaque avec une prévalence qui augmente avec l’âge. Elle est associée à un risque multiplié d’un facteur 5 d’AVC, d’un facteur 3 d’insuffisance cardiaque et enfin d’un facteur 2 de démence et de mortalité. Son traitement est basé sur la prévention de l’événement thrombo-embolique et le maintien du rythme sinusal ou le contrôle de la fréquence cardiaque. L’approche ablative développée depuis près de trois décennies par les chirurgiens cardiaques et 20 ans par les électrophysiologistes s’est imposée (classe IA pour la Fibrillation Atriale paroxystique symptomatique) dans les dernières recommandations de 2016, 2017 2-3 comme une alternative au traitement anti-arythmique. Cependant la prise en charge ablative de la FA persistante ou de longue durée présente des résultats favorables à long terme de l’ordre de 50 à 60 % et cela malgré plusieurs procédures. Ce constat a conduit les chirurgiens et les électrophysiologistes à développer une approche hybride médico-chrurgicale afin d’améliorer les résultats tout en maintenant un profil bénéfice/ risque favorable.

« Le début de l’histoire de l’ablation » : l’ablation chirurgicale

C’est en 1987 que la Chirurgie de Cox (Maze) a été introduite par James Cox comme une alternative non pharmacologique au traitement de la FA3,4. Elle consistait dans un premier temps sous circulation extra corporelle à réaliser des incisions dans les deux oreillettes afin d’interrompre ou d’isoler les zones génératrices ou initiatrices de la FA. Cette technique a progressivement évolué de part l’avènement de nouvelles énergies (cryo ablation ou radiofréquence) vers une approche à cœur battant et mini invasive (Cox Maze IV, Figure 1), permettant de ne plus réaliser d’incision de l’oreillette. Une voie d’abord mini invasive s’est développée par thorascopie unilatérale ou bilatérale souvent préférée par le chirurgien pour éviter le passage dans le sinus transverse ou oblique lieu de complications.

Un travail rapporte près de 96% 4,5 de maintien du rythme sinusal à 5 ans de suivi en moyenne. Ces résultats doivent cependant être interprétés avec prudence du fait de la grande hétérogénéité de la population et de la qualité du suivi. La technique difficilement reproductible et le fort taux de complications (entre 10% et 23%) a permis de développer la technique d’ablation endo cavitaire ou hybride.

L’ablation hybride : qu’est ce que c’est ?

Elle consiste à réaliser une approche chirurgicale mini invasive combinée dans le même temps ou dans un second temps opératoire à un mapping electrophysiologique et une ablation complémentaire endocardique. Cette technique nécessite la coordination de l’expertise et des ressources des 2 équipes, chirugicales et d’électrophysiologie. Elle demande un temps opératoire de 3 à 6 heures. Enfin les durées d’hospitalisation sont allongées par rapport à l’approche endocavitaire entre 5 et 10 jours. L’intérêt principal de la procédure hybride est de confirmer les blocs de conduction au niveau des lignes avec si nécessaire un complément d’ablation ce qui n’est pas réalisé durant la procédure chirurgicale classique. Ainsi l’ablation hybride combine les avantages de la prise en charge chirurgicale et de l’approche endocavitaire detaillées dans la Figure 2.

Les différentes techniques

En France, essentiellement deux systèmes sont utilisés. Le premier consiste en un abord abdominal trans diaphramatique (nContact surgical®, Inc, Morrisville, NC) (Figure 3) avec fenêtre péricardique pour un accès direct au mur postérieur de l’oreillette gauche en évitant une déflation pulmonaire et une dissection des tissus cardiaques avoisinants.

Une canule endoscopique permet de délivrer une énergie de radiofréquence unipolaire et d’ablater les antrums des veines pulmonaires (pierre angulaire de l’ablation de FA) qui seront complétés par des lésions épicardiques du mur postérieur de l’oreillette gauche. Le deuxième système s’effectue par abord bilatéral ou uni latéral thorascopique avec mise en place de clamp à énergie bipolaire autour des veines pulmonaires réalisant alors l’isolation antrale (système Atricure®, West Chester, OH, USA). La seconde étape de cette technique est l’isolation du mur postérieur par deux lignes de radiofréquence au niveau du toit et du plancher de l’oreillette gauche. Enfin l’auricule est isolée hémodynamiquement et électriquement dans la dernière étape par un clip dédié (Figure 4).

nContact surgical®

La partie électrophysiologique dans le même ou dans un deuxième temps est commune aux deux approches. Elle est menée par voie d’abord veineux fémoral avec réalisation d’une ponction trans-septale.

Les lignes de bloc réalisées chirurgicalement sont vérifiées par la stimulation et par la réalisation de carte de voltage (Figure 5).

Si nécessaire, elles sont complétées par voie endocardique à l’aide d’un cathéter de radiofréquence souvent muni d’un capteur de pression à son extrémité distale. La procédure peut se poursuivre par une ablation ciblée des oreillettes gauche et droite.

Les résultats des principales études 

De nombreux travaux se sont intéressés au potentiel bénéfice de l’approche hybride épicardique et endocardique dans la prise en charge de la fibrillation atriale symptomatique.

Cependant, ils ne regroupent que de faibles effectifs (entre 15 et 104 patients), et comparent des systèmes d’ablation et des types de lésions très différents.

Nous nous concentrerons ici sur les principaux travaux sur les 2 systèmes actuellement disponibles en France.

La première expérience publiée de l’approche thoracoscopique a été faite par Mahapatra et al 6 en 2011 sur 15 patients qui présentaient une fibrillation persistante malgré une première ablation par voie endocardique. Après un suivi moyen de 20 mois, les résultats étaient encourageants comparés à une série de patients bénéficiant d’une reprise ablative par voie endocardique (87% de rythme sinusal sans traitement anti arythmique vs 53%, p= 0,04). Par la suite, en 2017, Zembala M et al 7 rapporte dans une étude monocentrique prospective de 2009 à 2014 sur une série de 90 patients en FA persistante ou de longue durée, un taux de rythme sinusal à un an de 86% dont 62,3 % sans traitement anti arythmique. Il faut noter que la durée moyenne des FA était de 4,5 ans et l’âge moyen de 54,8 ans. Il s’agissait du système nContact® par abord sous xyphoidien. Toujours la même année, De Asmundis et al 8 publie un travail mono-centrique prospectif sur l’approche ablative concomittante par thoracoscopie et ablation endocavitaire. Elle portait sur 65 patients en fibrillation persistante ou de longue durée, avec un suivi moyen de 23 mois. le taux de succès moyen sans anti arythmique à la fin du suivi était de 67,2%.

Au total, 275 patients ont été inclus dans 7 études non randomisées. Le taux de succès dans l’ablation de FA persistante varie entre 56 à 91% de rythme sinusal pour un suivi moyen de 20 mois avec un taux de complication entre 0 et 17%.

Si on se réfère aux études menées sur l’ablation endocavitaire de la fibrillation atriale persistante, le taux de succès varie de 40 à 60 % après une procédure. Ce taux augmente cependant significativement après plusieurs procédures. L’ablation hybride semble ainsi avoir de meilleurs résultats au prix d’un taux de complications plus élevé mais aucune étude comparant les deux techniques n’a été publiée à ce jour, il faut donc rester prudent.

Les indications

Elles reposent sur les dernières recommandations de la société européenne de cardiologie confirmées récemment par un consensus internationnal paru en 2017 2. On peut remarquer ainsi que la prise en charge hybride relève d’un niveau de recommandation IIa pour les patients symptomatiques en fibrillation atriale persistante ou de longue durée après échec du traitement médicamenteux (Figure 6). De plus c’est la première fois qu’il est mis l’accent sur l’importance d’une équipe dédiée multidiciplinaire de la fi brillation atriale comprenant le cardiologue, l’électrophysiologiste et le chirurgien cardio-thoracique. En effet ces recommandations insistent sur l’intérêt de centres spécialisés «de la FA» afin que puisse être défi nie la meilleure stratégie de prise en charge adaptée à chaque patient.

Conclusion

L’ablation de la FA persistante ou de longue durée reste un challenge encore aujourd’hui difficile. La prise en charge des patients symptomatiques de cette arythmie atriale s’avère souvent complexe et doit être globale et multidisciplinaire. L’approche hybride médico-chirugicale semble être une nouvelle alternative satisfaisante validée par les dernières recommandations. Mais nous attendons les résultats de travaux comparatifs pour préciser sa réelle place dans l’arsenal thérapeutique de la fibrillation atriale.

Stephane Combes, Département de Rythmologie, Clinique Pasteur, Toulouse

RÉFÉRENCES
1. Haissaguerre M, Jais P, Shah DC, et al. Spontaneous initiation of atrial fi brillation by ectopic beats originating in the pulmonary veins. N Engl J Med 1998; 339:659–666.
2. Kirchhof P et al 2016 ESC Guidelines for the management of atrialfi brillation developed in collaboration with EACTS The Task Force for the management of atrial fi brillation of the European Society of Cardiology (ESC) Developed with the special contribution of the European Heart Rhythm Association (EHRA) of the ESC Endorsed by the European Stroke Organisation (ESO)
3. Calkins H et al 2017 HRS/EHRA/ECAS/APHRS/SOLACE expert consesnsus statement on catheter and surgical ablation of atrial fi brillation: executive summary. j. Interventional Cardiac Physiology Electrophysiology
4. Cox JL, Boineau JP, Schuessler RB, et al. Successful surgical treatment of atrial fi brillation. JAMA 1991; 266:1976-1980.
5. Lawrence CP, Henn MC, Miller JR et al. A minimally invasive Cax maze IV procedure is a effective as sternotomy while decreasing major mortabidity and hospital stay. J Thorac Cardiovasc Surg 2014 ; 148 :955-61
6. Mahapatra S, LaPar DJ, Kamath S, et al. Initial experience of sequential surgical epicardial-catheter endocardial ablation for persistent and long-standing persistent atrial fi brillation with long-term follow-up. Ann Thorac Surg. 2011;91(6):1890-1898,
7. Zembala M, Filipiak K, Kowalski O et al. Staged hybrid ablation for persistent and longstanding persistent atrial fi brillation effectively restores sinus rhythm in long-term observation. M.Arch Med Sci. 2017;13(1):109-117.
8. de Asmundis C, Chierchia GB, Mugnai G, Van Loo I, Nijs J, Czapla J, Conte G, Velagic V, Rodrigues Mañero M, Ciconte G, Ströker E, Umbrain V, Poelaert J, Brugada P, La Meir M. Midterm clinical outcomes of concomitant thoracoscopic epicardial and transcatheter endocardial ablation for persistent and long-standing persistent atrial fi brillation: a single-centre experience. Europace. 2017 Jan;19(1):58-65

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