Self-Applied Chest Patch Catches Common Irregular Heartbeat More Quickly Than Usual Care
Contexte et hypothèse
La fibrillation atriale (FA) favorise l’apparition de thrombus intracardiaques qui peuvent ensuite migrer et se compliquer par exemple d’accident vasculaire cérébral (AVC). Les patients présentant une FA ont cinq fois plus de risque de présenter un AVC que la population générale. La FA a une prévalence augmentant avec l’âge. Des estimations avancent qu’un patient sur trois porteur de FA serait non diagnostiqué, et garderait donc un risque majoré d’AVC. Une meilleure identifi cation des patients porteurs de FA permettrait la mise en place d’un traitement anticoagulant adapté chez ces patients et pourrait diminuer la survenue d’AVC et d’infarctus de 65% et la mortalité de 30%.
Les technologies numériques actuelles permettent un dépistage à grande échelle de la FA. Cette étude menée par Dr. R. Steinhubl, s’est intéressé à la faisabilité et l’intérêt du dépistage de la FA par port de patch ECG chez des patients recrutés numériquement par rapport au dépistage lors de soins de routine.
Critères d’inclusion et exclusion
Les patients inclus étaient adhérents à Aetna (entreprise américaine d’assurance maladie) et présentaient un risque modéré de FA.
Les principaux critères d’inclusion comportaient les patients de plus de 75 ans, ou les hommes de plus de 55 ans et femmes de plus de 65 ans présentant l’un des critères suivants : antécédent d’AVC, d’insuffisance cardiaque, d’apnée du sommeil, ou de diabète associé à une hypertension artérielle.
Les principaux critères d’exclusion étaient un antécédent de FA, flutter atrial ou tachycardie atriale, une anticoagulation efficace au long cours, et le port de pacemaker ou défibrillateur.
Plan d’étude et traitements étudiés
L’étude a été menée en deux temps.
Pour commencer, les patients éligibles étaient contactés par mail et la participation à l’étude leur était proposée.
Dans un premier temps, après consentement, ils étaient randomisés en deux groupes, soit pour porter un patch de poitrine ECG de longue durée immédiatement après consentement, soit pour recevoir le patch quatre mois plus tard avec une analyse retardée des résultats. Les patients ont reçu par la poste un patch ECG adhésif à porter sur la poitrine pendant deux semaines. A la fin de la durée impartie, ils ont renvoyé le patch par courrier au centre de traitement des données. Un cardiologue et un comité indépendant ont relu en aveugle les évènements enregistrés afin de rechercher la FA. Tous les patients ont ensuite reçu le résultat de leur analyse.
Dans un deuxième temps, toute la population dépistée a été comparée à une population contrôle appariée en 2 :1 en terme d’âge, de sexe et de score de CHADS2VASC2. Les patients de la population contrôle n’avaient pas de surveillance par patch ECG.
Chez les patients ayant porté le patch, la FA était définie comme une fibrillation atriale de plus de 30 secondes. Chez les sujets contrôle, la FA était retenue sur l’enregistrement des codages de l’assurance maladie.
Les investigateurs ont analysé ensuite les consultations médicales, l’instauration de traitements en rapport avec la FA et la survenue d’évènements emboliques ou d’AVC.
Critères de jugement
• CRITÈRE PRINCIPAL
Le critère de jugement principal était l’incidence des nouveaux diagnostics de FA à quatre mois après les deux périodes de monitoring ECG.
• CRITÈRES SECONDAIRES
Prévalence de FA à un an entre le groupe de patients monitorés et le groupe contrôle. Comparaison des coûts de santé entre ces groupes. Survie sans événement, avant la survenue d’un AVC, d’une embolie systémique ou d’un infarctus du myocarde entre les groupes monitorés et contrôle. Comparaison des coûts de santé à 3 ans.
Population
360000 patients répondaient aux critères d’éligibilité. A partir de novembre 2015 aux Etats Unis, 102000 patients ont été invités à participer à l’étude par mail, et 2655 ont accepté. 1364 patients ont été randomisés dans le groupe monitoring immédiat, dont 908 ont vraiment porté le patch, et 1291 patients ont été randomisés dans le groupe de monitoring retardé dont 834 ont finalement porté le patch.
Aux 1738 patients ayant effectivement porté le patch, ont été appariés en 2 :1 une population contrôle de 3476 patients. L’âge moyen des patients était de 73.7 ans, il y avait 39% de femmes. Le score de CHADS2VASC2 médian était de 3.
Les participants ont porté le patch pendant 12 jours en moyenne. Chez les patients monitorés, le délai médian de première détection de FA était de 2 jours, la charge en FA médiane de 0.9%. 92.8% des patients diagnostiqués ont présenté une FA de plus de 5 minutes, 37.7% de plus de 6 heures.
Résultats
• CRITÈRE DE JUGEMENT PRINCIPAL :
A quatre mois, le diagnostic de FA a été porté chez près de 5% des patients ayant reçu et porté le patch ECG immédiatement, versus 0.6% dans le groupe n’ayant pas encore porté le patch. En intention de traiter, l’OR est de 9.0 (IC95% 3.6- 22.7, p<0.0001).
• CRITÈRES SECONDAIRES :
L’étude est encore en cours et les résultats présentés à l’ACC 2018 ne comportaient pas encore toutes les données des critères de jugement secondaire.
Concernant le diagnostic de FA à un an, il a été porté chez 6.3% des patients monitorés, contre 2.3% des patients contrôles qui ont bénéficié d’un suivi médical traditionnel, soit un OR ajusté de 3.0 (IC95% 2.2-4.0, p<0.0001).
• SURVENUE D’ÉVÈNEMENTS :
L’étude est encore en cours et les résultats concernant les dépenses de santé ainsi que le suivi à trois ans ne sont pas encore connus.
Cependant il a été présenté des résultats de morbidité intermédiaires. A 8 mois de suivi, il n’y a pas de différence significative en terme de survenue d’AVC, de complication embolique ou d’infarctus du myocarde, malgré le nombre plus élevé de traitements anticoagulants chez les patients ayant bénéficié du monitoring.
Conclusion
Au total, on peut retenir qu’un dépistage de grande ampleur de la FA, réalisé par le patient après un recrutement numérique est techniquement réalisable. Ce dépistage permet d’augmenter le taux de diagnostic de FA dans une population à risque de 9 fois à court terme et 3 fois à long terme. Il est accompagné d’une augmentation de l’instauration de traitements antiagrégants et anti-arythmiques.
Cependant, l’intérêt de mettre sous traitement anticoagulant des patients asymptomatiques et présentant de courts épisodes de FA n’est pas connu, particulièrement en terme de risque embolique. Ceci nécessitera d’attendre les résultats définitifs de l’étude courant 2020.
Noémie Tence, Paris