Pour vous, quelles ont été les 2 ou 3 principales avancées en diabétologie depuis l’an 2000 ?
La diabétologie bouge très vite…
La diabétologie et son exercice ont connu des progrès considérables depuis l’an 2000.
Fort heureusement le diabète est diagnostiqué plus tôt et pris en charge plus activement. Les urgences métaboliques et les comas ont diminué tout particulièrement grâce à l’éducation des patients.
La spécialité dispose maintenant d’outils techniques permettant l’autosurveillance fiable et le suivi glycémique continu par le patient lui-même. Les enregistrements continus (holter glycémique) contribuent à mieux ajuster les schémas thérapeutiques et à mieux titrer l’insuline en particulier.
Davantage de patients sont équipés d’une pompe à insuline et certaines pompes sont également équipées de capteurs de glucose.
Les outils thérapeutiques ont beaucoup progressé. Les analogues de l’insuline d’action rapide et ceux d’action lente (basale) ont des cinétiques plus appropriées.
Dans le diabète de type 2, après des décennies dépourvues de véritables innovations, l’arsenal s’est enrichi de médicaments de la voie des incrétines (inhibiteurs des DPP4 et agonistes du récepteur du GLP1) dont bénéficient un très grand nombre de patients, des inhibiteurs du co-transport rénal sodium-glucose dont nous espérons au plus tôt la mise à disposition en France et d’une « chirurgie métabolique » plus réglée à laquelle certains patients sont éligibles.
Les preuves du bénéfice du contrôle glycémique étroit ont été apportées vis-à-vis des complications microangiopathiques mais aussi, bien qu’à un moindre degré, dans la prévention cardio-vasculaire. Les essais de sécurité cardio-vasculaire exigés par les Agences pour les nouveaux traitements du diabète ont fourni de hauts niveaux de preuves en faveur de l’efficacité de plusieurs d’entre eux en prévention des complications cardiovasculaires. Il est maintenant recommandé de définir des objectifs glycémiques et des moyens thérapeutiques personnalisés et plus largement des objectifs plurifactoriels incluant les cibles lipidiques et tensionnelles sur une base individuelle également.
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
J’ai vécu ma meilleure expérience professionnelle en ayant eu la chance d’être convié à participer aux travaux d’institutions et de groupes de travail internationaux, notamment en tant que membre du Board du Programme IMAGE (IMplementation of A European Guidelines and Training standards for diabetes prevention) soutenu par la Commission Européenne, membre du consensus international de Toronto sur la neuropathie diabétique que j’ai eu l’honneur de co-présider avec Solomon Tesfaye, et de la Task Force européenne qui a élaboré les « Guidelines sur « Diabète, prédiabète et maladie cardiovasculaire » (ESC en collaboration avec l’EASD) en 2013 et de nouveau en 2019.
J’inciterais les jeunes spécialistes à participer à ces groupes de travail au sein desquels les compétences et les bonnes volontés françaises sont les bienvenues.
Quel a été votre principal regret ?
Un regret que je peux exprimer est que ces dernières années n’aient pas vu croître le nombre de spécialistes en diabétologie alors que les enjeux sont considérables à la fois pour une meilleure prise en charge des patients ayant un diabète avéré et pour la prévention du diabète de type 2 qui est possible mais qui nécessite des actions spécifiques.
Comment voyez-vous le futur ?
L’avenir sera marqué par une évolution déterminante dans les modalités de prise en charge des patients diabétiques grâce à l’utilisation très large de la télémédecine, qui sera dotée d’un large panel d’outils de télésurveillance, d’éducation thérapeutique et d’accompagnement des patients à distance, et de télé-expertise pertinente notamment dans le cadre des complications ophtalmologiques et des lésions des pieds. Si cette approche inclut une dimension technique évidente son utilisation devra au mieux préserver la relation patients-soignants. Le rôle des paramédicaux sera encore élargi dans le cadre de protocoles de coopération. Des traitements injectables devraient être disponibles par voie orale. En outre dans un proche avenir certains patients
diabétiques de type 1 pourront bénéficier d’un pancréas artificiel.
Je terminerai en formant le voeu que l’interdisciplinarité puisse se développer entre diabétologues et cardiologues pour favoriser une approche intégrée des problèmes cardiométaboliques. Lors de la formation initiale ou continue l’acquisition de compétences en pathologie cardio-vasculaire par les diabétologues et en diabétologie par les cardiologues devrait y contribuer.
Paul Valensi,
Bondy, Bobigny