Pour vous, quelles ont été les 2 ou 3 principales avancées en diabétologie depuis l’an 2000 ?

Les principales avancées en diabétologie depuis l’an 2000 reposent sur la multiplication des grandes études d’événements.

Avant l’an 2000, la diabétologie était particulièrement pauvre en grandes études (le DCCT pour le diabète de type 1 et la médiocre UKPDS pour le diabète de type 2), de telle sorte que la pratique diabétologique était fondée sur « le bon sens médical » et non sur l’évidence. Les choses ont désormais complètement changé avec un nombre important de grandes études pour répondre essentiellement à deux questions :

– Est-ce que le strict contrôle glycémique prévient les complications ? La réponse est d’ailleurs ambiguë, du moins dans le domaine cardiovasculaire.

– Pour chacune des classes thérapeutiques antidiabétiques, est-ce que ce médicament a ou non une action vasculaire spécifique, au-delà de la baisse glycémique ? Si toutes les classes thérapeutiques ont maintenant démontré une sécurité cardiovasculaire (y compris les sulfamides et l’insuline), il y a par contre des différences entre les antidiabétiques pour un potentiel bénéfice cardiovasculaire spécifique.

 

Une grande avancée des 20 dernières années dans le domaine du diabète de type 2 a été précisément la mise à disposition de nombreux nouveaux antidiabétiques, dont certains, les agonistes du récepteur du GLP1 et les inhibiteurs SGLT2 ont démontré, dans les études dont je viens de parler, un bénéfice cardiovasculaire spécifique, au-delà de celui lié à la baisse glycémique.

On a donc en 2019 une grande palette (environ une dizaine) de médications antidiabétiques. Le risque hypoglycémique qui caractérisait les médications antidiabétiques d’avant 2000 ne s’observe pas avec les nouveaux antidiabétiques et deux de ces nouvelles classes thérapeutiques ont démontré un bénéfice cardiovasculaire important, plutôt vis-à-vis de l’athérosclérose pour les agonistes du récepteur du GLP1, plutôt vis-à-vis du risque d’insuffisance cardiaque et d’insuffisance rénale pour les inhibiteurs SGLT2.

Un mot du diabète de type 1 : pas de grande avancée, sauf, c’est plus dans la vie quotidienne des patients qu’une véritable avancée scientifique, mais c’est loin d’être négligeable en pratique clinique, la mesure continue du glucose par le freestyle.

 

Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?

Comme chaque médecin, j’ai de nombreux souvenirs forts de pratique clinique quotidienne mais, comme universitaire, mon meilleur souvenir professionnel est sans doute la présentation que j’ai faite en 2005 au congrès de l’EASD (la société européenne de diabète) des résultats de l’étude PROactive.

Il s’agissait en effet, à l’époque, de la première des grandes études d’événements dont j’ai parlé plus haut. Beaucoup d’autres grandes études ont suivi, mais c’était la première.

L’étude PROactive a donc représenté une étape importante des progrès en diabétologie (au-delà des résultats de l’étude qui concernait la pioglitazone), et je reste fier d’avoir été le présentateur français de cette grande étude internationale d’événements.

 

Quel a été votre principal regret ?

Je n’ai finalement pas de regrets majeurs.

Si je dois en choisir un, dans le fil de ce que je viens de dire, ce serait, dans le cadre des missions institutionnelles qui ont été les miennes, de n’avoir pas su convaincre les autorités de santé françaises de l’intérêt des nouvelles classes thérapeutiques dont je viens de parler.

En partie pour des raisons économiques, en partie pour de mauvaises raisons politiques, la réticence des régulateurs et payeurs français reste grande (l’exemple il y a quelques années de la pioglitazone, l’exemple actuel des inhibiteurs SGLT2, deux classes thérapeutiques non disponibles en France)

 

Comment voyez-vous le futur ?

Pour le diabète de type 2, je crois qu’il n’y a plus, ou presque plus, de ce qu’on appelle dans le jargon les « unmet needs ». Peut-être, mais on ne le voit guère venir pour l’instant, un vrai médicament de l’insulino-résistance, pour les 10 % environ de patients chez qui on est plus ou moins démuni du fait d’une insulino-résistance importante. Pour le reste, on a suffisamment de médications antidiabétiques et il est peu vraisemblable qu’il y ait dans les 10 années à venir de réelles avancées à cet égard.

Par contre, de gros efforts restent à faire pour ce qu’on appelle l’implémentation des médications antidiabétiques disponibles. À cet égard, il faut se méfier des généralisations souvent entendues par manque d’analyse fi ne. Il va falloir en effet segmenter. En France du moins, et contrairement à ce qu’on entend souvent dans des propos convenus, une majorité des diabétiques de type 2 est plutôt bien contrôlée. Mais il reste à mieux identifier le tiers des patients très déséquilibrés, savoir pourquoi (souvent un problème d’observance) et quoi faire pour eux.

Pour le diabète de type 1, tout reste à faire. Il y a de réelles avancées, elles restent néanmoins du domaine de la recherche expérimentale ou clinique. Je suis assez optimiste pour le futur, sans savoir s’il sera proche, et sans savoir si l’option mécanique, le pancréas artificiel en boucle fermée, ou l’option biologique, la greffe de cellules, peut-être les deux, représenteront la solution.

Bernard Charbonnel,
Nantes

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