Frédéric Schnell
Service de Médecine du Sport, Hôpital Pontchaillou, CHU Rennes
Inserm, LTSI-UMR 1099 Rennes, France

 

 

L’activité physique est clairement bénéfique pour la santé. Néanmoins, une activité sportive intense peut exposer un sujet 

prédisposé à un risque d’arythmie fatale.
Nous aborderons les points suivants :
1) Quelles sont les arythmies qui nécessitent des explorations complémentaires ?

2) Quels sont les examens à réaliser en cas de substrat sous-jacent ou d’arythmie documentée ?

Introduction

La pratique d’une activité sportive régulière est bénéfique pour la santé ; néanmoins lors d’une activité physique intense l’athlète est exposé à un risque accru d’arythmie cardiaque. Dans la plupart des cas, cette arythmie est la traduction d’une pathologie cardiaque sous-jacente, l’activité sportive ne servant que d’élément déclencheur à un substrat pro-arythmogène sous-jacent. Les pathologies rencontrées peuvent être de nature ischémique, morphologique (cardiomyopathie hypertrophique, cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit, myocardite…) ou électrique (QT long, pré-excitation ventriculaire…). Lors de la visite médicale d’absence de contre-indication, le médecin cherche à dépister ce substrat sous-jacent, avec pour principal objectif de prévenir le risque de mort subite, qui dans la majorité des cas est d’origine rythmique. Par ailleurs, certaines études ont fait émerger la possibilité qu’une activité sportive « trop » intense puisse en elle-même avoir des effets pro-arythmiques. Cet effet délétère paradoxal de la pratique sportive a surtout été documenté pour la fibrillation atriale chez les athlètes vétérans ; mais il y a également une littérature récente sur un excès d’arythmie ventriculaire droite, faisant émerger le concept de cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit induite par l’exercice.

Quelles arythmies sont tolérables chez un athlète ?

  • Symptômes : Un athlète se doit d’être asymptomatique, la présence de palpitations ou à fortiori de lipothymies ou syncopes doit conduire à la réalisation d’un bilan exhaustif. Il faut également prendre en compte certains symptômes plus atypiques comme une sensation de dyspnée brutale ou de baisse de performance. La constatation d’une anomalie de rythme dépistée sur un cardio-fréquencemètre, telle qu’une accélération brutale de la fréquence cardiaque, trop importante et/ou inappropriée à l’effort réalisé, doit être prise en compte, ce d’autant plus si elle est associée à des symptômes (Figure 1).

Figure 1 : Exemple de tracé de cardio-fréquencemètre

  • ECG de repos : Seuls les troubles conductifs de bas degré : bloc atrio-ventriculaire (BAV) de 1er degré si le PR < 400 ms, BAV 2 Mobitz 1, ainsi qu’une bradycardie s≥ 30 bpm sont considérés comme physiologique et en lien avec la pratique sportive. La présence d’une arythmie atriale (tachycardie atriale, fibrillation atriale ou flutter), ≥ 2 extrasystoles ventriculaires (ESV) sur un tracé de 10 secondes ou d’arythmies ventriculaires complexes doivent conduire à poursuivre le bilan. Certaines anomalies ECG sont pathognomoniques d’anomalies rythmiques (syndrome du QT long, pré- excitation ventriculaire), d’autres sont évocatrices d’une pathologie sous-jacente pouvant se compliquer d’arythmie ventriculaire (ondes T négatives pathologiques et CMH, BBG complet et CMD par exemple) 1.
  • Épreuve d’effort : Elle peut être réalisée à visée médicale (symptômes, risque cardiovasculaire élevé chez un athlète vétéran, systématique pour certains athlètes de haut niveau à la demande de leur fédération sportive), ou à la demande du sportif pour des conseils d’entrainement (hors parcours de soin). Lors de cet examen, il n’est pas rare de mettre en évidence des ESV isolées. Les publications sont discordantes quant à une fréquence accrue des ESV à l’effort chez les athlètes. La plupart des ESV sont bénignes, certains éléments sont importants à prendre en compte : la réponse des ESV à l’effort, la morphologie et le couplage (Tableau 1). Il est indispensable de dépister les patients à risque, notamment ceux avec une pathologie cardiaque sous-jacente, qui peuvent nécessiter une prise en charge adaptée et des restrictions potentielles. Avant 35 ans il faudra s’attacher à retrouver des anomalies congénitales héréditaires, après 35 ans, il faudra surtout rechercher une cardiopathie ischémique. Le test d’effort pourra apporter des renseignements complémentaires en faveur d’une cardiopathie ischémique (modification de la repolarisation). Une cardiopathie morphologique sous-jacente devra être recherchée au moindre doute.

Tableau 1 : Caractéristiques des extrasystoles

  • Outre le test d’effort, la réalisation d’un Holter-ECG avec une séance d’entraînement sportif est un outil extrêmement pertinent, d’une part pour traquer un épisode rythmique chez un patient symptomatique ou bien chez un patient avec un substrat pro-arythmogène sous-jacent (Figure 2). Nous avons décrit précédemment l’intérêt diagnostic des cardio-fréquencemètres, ils peuvent également être utilisés comme outils de surveillance et/ou pour limiter l’intensité de la pratique sportive si des restrictions sont nécessaires sur le plan médical.

Figure 2 : Exemple d'un tracé de Holter ECG obtenu au cours d'un entraînement

Recherche d’une cardiopathie sous-jacente

La recherche d’une cardiopathie sous-jacente est un élément clé dans la stratification du risque rythmique. L’échocardiographie est l’examen à réaliser en première intention. En fonction des premières données, le bilan pourra être complété par la réalisation d’une exploration des coronaires ou d’une IRM myocardique. Cet examen est en effet particulièrement pertinent pour dépister une cardiopathie morphologique, notamment une DAVD puisque l’étude de la fonction VD est plus aisée qu’en échocardiographie. Par ailleurs, cette technique d’imagerie permet de réaliser une caractérisation tissulaire, à la recherche d’une zone de fibrose macroscopique potentiellement arythmogène.

Le sport intense peut-il être arythmogène ?

Des études ont démontré que l’effet bénéfique de la pratique sportive peut s’estomper en cas de pratique très intensive de sport d’endurance. La relation entre la dose de sport et les bénéfices pour la santé s’apparenterait à une courbe J inversée. Ceci a surtout été montré pour la fibrillation atriale (FA) : une activité physique réduit le risque de FA par rapport à un sujet sédentaire, mais il existe un sur-risque de FA chez l’athlète vétéran endurant2. Il existerait également un sur-risque d’anomalies rythmiques du ventricule droit chez les athlètes endurants, faisant émerger le concept de dysplasie arythmogène du ventricule droit induite par l’exercice 3,4. Ces constatations nécessitent que le public soit informé correctement :

  1. pour être bénéfique pour la santé, l’activité physique ne nécessite pas forcément d’être pratiquée de manière intense et en compétition.
  2. Une activité physique intense et prolongée en endurance peut être responsable d’un sur-risque d’arythmie chez des sujets avec une cardiopathie sous-jacente ou une prédisposition à développer des arythmies (FA, arythmie du VD).

Références

1. Sharma S, Drezner JA, Baggish A, et al. International recommendations for electrocardiographic interpretation in athletes. Eur Heart J. 2017; 39:1466–1480.
2. Mont L, Elosua R, Brugada J. Endurance sport practice as a risk factor for atrial fi brillation and atrial fl utter. Europace. 2008; 11:11–17.
3. Heidbuchel H, Hoogsteen J, Fagard R, et al. High prevalence of right ventricular involvement in endurance athletes with ventricular arrhythmias. Role of an electrophysiologic study in risk stratifi cation. Eur Heart J. 2003; 24:1473–1480.
4. La Gerche A, Robberecht C, Kuiperi C, et al. Lower than expected desmosomal gene mutation prevalence in endurance athletes with complex ventricular arrhythmias of right ventricular origin. Heart. 2010;96:1268–1274. 

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