Hypertrophie ventriculaire gauche inexpliquée, une manifestation de la maladie de Fabry
L’atteinte cardiaque dans la maladie de Fabry est la première cause de décès. L’hypertrophie ventriculaire gauche inexpliquée doit faire rechercher une maladie de Fabry. Une approche multimodale (électrocardiogramme, échographie cardiaque, IRM cardiaque) est indispensable pour caractériser l’hypertrophie ventriculaire gauche. L’hypertrophie ventriculaire gauche est habituellement concentrique avec une forme prédominante « sigmoïde » (bourrelet septal).
Introduction
La maladie de Fabry est une maladie lysosomale génétique liée à l’X, résultant d’un défi cit enzymatique de l’alpha galactosidase. Elle se caractérise par des symptômes neurologiques, mais également dermatologiques, rénaux, cardiovasculaires et cochléo-vestibulaires.
Son incidence est de 1 personne sur 40 000, et sa prévalence de 1 sur 30001. L’évolution tend vers une défaillance d’organe (insuffisance rénale, complications cardiovasculaires et cérébrovasculaires) mettant en jeu le pronostic vital. Le diagnostic se fait par le dosage de l’alpha galactosidase, recommandé dans toute cardiomyopathie hypertrophique non étiquetée chez les hommes de plus de 30 ans ou associées à d’autres atteintes d’organes ou d’anomalie spécifique à l’imagerie. L’atteinte cardiaque est la première cause de décès dans la maladie de Fabry et sa méconnaissance entraîne parfois une errance diagnostique d’une dizaine d’années, grevant le pronostic des patients.
Devant une hypertrophie ventriculaire gauche non étiquetée, il faut évoquer la maladie de Fabry
Les complications cardiovasculaires apparaissent au-delà de 30 ans en général et s’expliquent par une accumulation intracellulaire de sphingolipides
– Dans l’endothélium provoquant une altération de la fonction endothéliale, une vasorégulation anormale et une occlusion accrue des petits vaisseaux
– Dans les cardiomyocytes, provoquant une hypertrophie, des modifications de fonction et une apoptose
– Dans les valves provoquant un épaississement des feuillets valvulaires et/ou des régurgitations
– Dans les faisceaux électriques, aboutissant à des troubles de la conduction
De ce fait, toute hypertrophie ventriculaire gauche non étiquetée doit faire rechercher une maladie de Fabry. Différents outils sont à notre disposition afin d’étayer ce diagnostic.
La caractérisation doit se faire par une approche multimodale avec l’ECG, l’échographie cardiaque et l’IRM.
En échographie, l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est décrite comme concentrique, apparaissant chez 50% des patients atteints de la maladie de Fabry, avec un septum mesurant entre 12 et 24mm. La distribution de l’HVG est variable mais il existe des formes prédominantes. A partir de 12 mm, on se situe dans une hypertrophie à conséquence fibrotique. L’hypertrophie asymétrique et obstructive trop souvent attribuée à la CMH sarcomérique peut se retrouver également dans les maladies génétiques comme l’amylose et la maladie de Fabry. Dans 40 à 50% des cas, il s’agit d’une HVG sigmoïde avec un bourrelet septal prédominant.
L’utilisation du 2D Strain retrouve de manière encore mal expliquée une altération focale au niveau inférolatéro- basal corrélée également aux zones de fibrose en
IRM cardiaque.
L’ECG est recommandé pour aider à l’étiologie du diagnostic d’une HVG. Voici quelques exemples de ses apports :
– L’inversion de l’onde T, les anomalies des segments ST, et les ondes Q pathologiques sont signes d’une HVG pathologique.
– Une onde PR courte doit quant à elle évoquer une maladie de surcharge comme la maladie de Fabry ou des mutations dans le gène PRKAG2 ou des glycogénoses comme la maladie de Pompe ou de Danon même si les atteintes extracardiaques sont au premier plan dans ces pathologies.
– En cas de pré-excitation cardiaque, on peut constater des étiologies spécifiques comme les cytopathies mitochondriales (une maladie rare), et des maladies de surcharges comme les glycogénoses.
– Les troubles conductifs sont quant à eux évocateurs d’amylose ou de maladie de Fabry (formes évoluées), et de mutation PRKAG2 ou de desminopathie.
L’électrocardiogramme permet aussi, grâce à un algorithme, d’identifier les causes de l’HVG. Après avoir diagnostiqué une hypertrophie, on se base sur l’analyse de l’intervalle QT pour identifier une amylose ou une maladie de Fabry.
Un QT qui n’est pas allongé et est associé à un PQ court est très en faveur d’une maladie de Fabry, tandis qu’un QT allongé avec un bas voltage est en faveur d’une amylose.
Le Dr Labombarda a également réalisé une étude multicentrique afin de trouver des indices permettant de distinguer les hypertrophies secondaires à la maladie de Fabry des maladies liées aux cardiopathies hypertrophiques sarcomériques, afin d’établir un score relié à la probabilité d’avoir une maladie de Fabry (les résultats sont en cours d’analyse).
L’IRM cardiaque est lui aussi un outil de choix pour la caractérisation de l’HVG6. Les deux éléments les plus souvent retrouvés dans la maladie de Fabry sont :
– Le T1 mapping globalement abaissé (<1000ms) et pseudo normal au niveau de la région inféro-latéro-basale
– Un réhaussement tardif endomyocardique le plus souvent en inféro-latéro-basal. Il est recommandé de faire au moins une IRM pour toute hypertrophie afin d’en apprécier la caractérisation tissulaire.
Il existe d’autres atteintes cardiovasculaires dans la maladie de Fabry qui doivent également faire évoquer la maladie :
Troubles du rythme et de la conduction
L’autre atteinte classique cardiovasculaire de la maladie de Fabry est l’apparition de troubles de la conduction (PR court à la phase précoce, bloc auriculoventriculaire, dysfonction sinusale à la phase tardive) ou de troubles du rythme (fibrillation auriculaire, trouble du rythme ventriculaire).
Valvulopathie
L’atteinte valvulaire est essentiellement gauche, avec un épaississement des feuillets par l’infiltration de l’endocarde, aboutissant à des fuites par mécanisme restrictif du fait de la rétraction des feuillets.
Conclusion
Au niveau clinique
La maladie de Fabry peut être responsable d’une HVG ou d’une CMH qui est isolée dans 5% des cas environ
La maladie de Fabry est souvent associée à d’autres atteintes extra-cardiaques à rechercher
ECG
Aide au diagnostic étiologique des cardiopathies hypertrophiques
Complète l’approche multimodale dans le bilan des cardiomyopathies
Echographie cardiaque
Les cardiomyopathies peuvent se diagnostiquer dès une épaisseur pariétale de 12 mm L’examen est aspécifique mais il permet le dépistage et l’orientation diagnostique L’hypertrophie asymétrique ne permet pas d’écarter une étiologie non sarcomérique
IRM cardiaque
En cas d’hypertrophie myocardique, doit être réalisée à visée étiologique,
Objectifs de cet examen :
– analyse morphologique cardiaque
– caractérisation tissulaire dumyocarde, essentiellement fondée sur les données de relaxométrie et le rehaussement tardif
Peut identifier 2 maladies rares avec une bonne précision :
– l’amylose cardiaque
– la Maladie de Fabry
Caroline Chong Nguyen – Paris