Les dernières recommandations de l’ESC 2020 mettent clairement en avant l’imagerie cardiovasculaire multimodale à travers notamment, l’IRM cardiaque dans le diagnostic des MINOCA et le coroscanner dans l’arbre décisionnel des patients avec suspicion de syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du ST (SCA ST-).
Ainsi, l’imagerie multimodale est en plein développement ces dernières années, que ce soit à travers ces dernières recommandations, au travers des nombreux articles de recherche publiés, avec une augmentation croissante des impact factor des journaux d’imagerie cardiovasculaire, mais avant tout dans notre pratique au quotidien.
Récemment, un sondage réalisé par le Collège des Cardiologues en Formation (CCF, le groupe des jeunes de la Société Française de Cardiologie), a montré que l’imagerie cardiovasculaire multimodale devient la surspécialité la plus plébiscitée par nos jeunes collègues devant la cardiologie interventionnelle ou la rythmologie. Ainsi, cet intérêt pour l’imagerie cardiovasculaire s’explique en partie par son rôle de plus en plus important pour stratifier le risque de nos patients et pour ensuite adapter au mieux notre prise en charge !
Définition : mais en fait un MINOCA c’est quoi ?
Avant de présenter les enjeux de cette nouvelle recommandation, il est essentiel au préalable, de rappeler ce qu’est un MINOCA, concept assez récent dans la littérature.
En effet, MINOCA signifie myocardial infarction with nonobstructive coronary arteries, littéralement « infarctus du myocarde à coronaires saines ». Cependant, dans la littérature et dans ces recommandations, la définition de MINOCA est en réalité plus subtile car elle correspond à un diagnostic transitoire posé chez un patient présentant un tableau compatible de syndrome coronaire aigu mais sans sténose coronaire significative à la coronarographie 1 .
Ainsi, comme le mentionnent certains experts, il s’agit plutôt d’un « diagnostic in progress » (en cours d’évaluation) que d’un diagnostic étiologique final.
Devant un patient présentant un MINOCA, les 3 principaux diagnostics étiologiques que l’on pourra évoquer seront 1 :
– la myocardite
– l’infarctus à coronaires saines
– le syndrome de Takotsubo
Comme nous allons le détailler, les recommandations de l’ESC 2020 exigent maintenant une IRM cardiaque systématique car dans ces trois cas, le seul examen capable de poser le diagnostic final est l’IRM cardiaque !
Recommandations
ESC 2020 : IRM cardiaque systématique pour l’évaluation des MINOCA Incontestablement, le temps fort de cette année 2020 pour l’IRM cardiaque réside dans cette recommandation ESC consacrée aux syndromes coronaires aigus sans sus-décalage du ST (SCA ST). En effet, celle-ci développe l’IRM cardiaque avec une « indication systématique d’IRM cardiaque pour tous les patients avec MINOCA sans cause évidente » (Classe IB) 2 (Tableau 1).
Comme cela a été abordé précédemment, l’IRM cardiaque joue un rôle central dans cette situation car cet examen permet de faire la distinction entre les 3 grands diagnostics étiologiques possibles 1 . En outre, il est important de rappeler que les conséquences sur le plan de la prise en charge de ces diagnostics révélés par l’IRM sont majeures : évaluation et prévention du risque rythmique en cas de myocardite ; bilan étiologique d’une thrombophilie ou d’une maladie auto-immune avec parfois indication à une anticoagulation orale à vie, en cas d’infarctus à coronaires saines ; ou encore suivi rapproché d’un patient à risque de récidive en cas de syndrome de Takotsubo 1,3.
En pratique, que révèle l’IRM cardiaque d’un patient avec MINOCA ?
L’IRM cardiaque apparaît donc comme l’examen diagnostique incontournable pour le diagnostic de MINOCA. Mais au-delà de ce nouvel adage, nous souhaiterions dans cet article aborder de manière très pratique et concrète les signes radiologiques et les éléments déterminants que l’on doit attendre en tant que cliniciens d’un compte rendu d’IRM cardiaque.
En pratique, le compte rendu de l’IRM cardiaque doit apporter une réponse à ces 3 questions : quel est le diagnostic étiologique du MINOCA ? quel est le retentissement sur le ventricule gauche ? existe-t-il un retentissement sur le ventricule droit ? (Tableau 2).
Sur le plan étiologique, l’IRM cardiaque permet de mettre en évidence trois diagnostics : Myocardite, Infarctus à coronaires saines, Syndrome de Takotsubo.
L’un des outils les plus importants en IRM cardiaque dans cette situation est l’évaluation de la topographie du réhaussement tardif (Figure 1). Pour rappel, le principe des séquences de réhaussement tardif consiste à étudier la rétention extracellulaire du gadolinium 10 à 15 minutes après son injection. En effet, dans les zones pathologiques avec une augmentation du secteur extracellulaire, la persistance du produit de contraste se traduit par un hypersignal. Les principaux éléments sémiologiques utilisés en IRM cardiaque pour distinguer ces trois diagnostics sont présentés dans le Tableau 3.
Les images IRM de rehaussement tardif permettent d’établir un diagnostic étiologique de MINOCA en distinguant : le rehaussement tardif sous-endocardique d’un infarctus à coronaires saines (flèches noires, panel du haut), le rehaussement tardif sous-épicardique d’une myocardite (flèches blanches, panel du milieu), et l’absence de rehaussement tardif d’un syndrome de Takotsubo (panel du bas).
Enfin, il est important de rappeler que l’IRM cardiaque doit être réalisée relativement précocement par rapport à l’épisode afin de pouvoir détecter l’œdème myocardique et les anomalies transitoires de la cinétique. Si l’IRM cardiaque est réalisée à plus de 1 mois de l’épisode aigu, le raisonnement reposera essentiellement sur l’analyse du rehaussement tardif cicatriciel et donc avec une diminution de la sensibilité diagnostique de l’examen.
Quelle place pour l’IRM cardiaque chez un patient avec MINOCA au cours de la pandémie à COVID-19 ?
Nous vivons actuellement une période de pandémie au cours de laquelle le COVID-19 entraîne un certain nombre de complications cardiovasculaires pouvant mimer en tout point un MINOCA 8 .
En effet, il a été rapporté des myocardites à COVID-19 parfois sévères (Figure 2) 9 , des syndrome de Takotsubo à COVID-19 10 avec parfois une grande difficulté à faire le diagnostic en l’absence d’IRM cardiaque 11. De plus, certaines séries rapportent de véritables syndromes coronaires aigus avec rupture de plaque coronaire liée à l’inflammation et à la déstabilisation de la plaque par le COVID-19 12.
Là encore, l’IRM cardiaque apparait dans les recommandations comme la pierre angulaire de la gestion diagnostique de ces patients infectés par le COVID-19 avec une symptomatologie de MINOCA et/ ou une troponine élevée 13.
Sur la première IRM cardiaque réalisée au 7e jour, on note la présence d’un œdème myocardique visible sur les séquences de rehaussement tardif et de T2 STIR (flèches blanches, panel du haut), associée à une augmentation du T1 mapping natif et du volume extracellulaire (ECV).
Lors de la seconde IRM réalisée au 14e jour, on décrit une diminution importante de l’ensemble des signes IRM d’activité de la myocardite (régression de l’œdème en T2 STIR, mais persistance du rehaussement tardif) avec une normalisation de la FEVG.
Pour aller plus loin : innovation des séquences d’IRM cardiaque pour améliorer encore nos performances diagnostiques !
Les recommandations de l’ESC 2020 demandent la réalisation d’une IRM cardiaque comprenant une séquence de « réhaussement tardif traditionnel », dont on vient de voir le rôle crucial pour le diagnostic étiologique du patient avec MINOCA. En effet, jusqu’à présent la majorité des études ont été réalisées en utilisant cette séquence.
Cependant cette séquence de « réhaussement tardif traditionnel » de l’IRM cardiaque est-elle suffisamment performante pour établir le diagnostic étiologique de MINOCA ?
Et bien, il semble possible d’aller encore plus loin dans la technique IRM et cela, au profit du patient. En effet, le développement de nouvelles séquences IRM de « réhaussement tardif 3D haute résolution » permet d’améliorer nettement la sensibilité du diagnostic avec par exemple, le diagnostic de petits infarctus à coronaires saines qui pourraient ne pas être visibles sur les séquences de « réhaussement tardif traditionnel ».
Ainsi, on peut citer le papier très récemment publié par l’équipe bordelaise du Pr Hubert Cochet évaluant l’intérêt d’une nouvelle séquence de réhaussement tardif 3D haute résolution 14. Dans cette étude évaluant 229 patients avec MINOCA, l’utilisation de cette nouvelle séquence IRM a permis de modifier le diagnostic final dans 26% des cas ayant un résultat d’IRM standard « normal » ou « non concluant » (Figure 3) !
Enfin, si initialement la durée d’acquisition de cette séquence était plus longue (environ 10 minutes comparé à 3 à 6 minutes pour la séquence d’IRM conventionnelle). Les progrès de la technique permettent actuellement de réaliser cette séquence en seulement 5 minutes.
Dans cet exemple issu de la cohorte bordelaise 14, on peut observer que la séquence de réhaussement tardif standard est strictement normale (panel du haut), alors que la séquence 3D haute résolution permet de mettre en évidence la présence d’un infarctus à coronaires saines inféro-latéral par un rehaussement tardif punctiforme sous-endocardique (flèches jaunes, panel du bas).
Conclusion
Nous traversons une période d’innovation sans précédent dans le monde de l’imagerie cardiovasculaire multimodale, et tout particulièrement celui de l’IRM cardiaque : véritable bras armé d’une cardiologie non invasive toujours plus précoce pour nos patients, tant sur le plan préventif que curatif. Cette année, les recommandations ESC 2020 sont percutantes en indiquant la réalisation d’une IRM cardiaque systématique pour tous les patients avec diagnostic de MINOCA avec une classe I.
A l’image de ces recommandations, l’imagerie multimodale, de plus en plus présente dans notre quotidien, joue un rôle chaque jour plus déterminant dans la prise de décision des cliniciens.
Théo PEZEL
Service de Cadiologie, CHU Lariboisière, Unité INSERM-UMR 942,
Paris, France. Actuellement en mobilité au sein du département
d’imagerie cardiovasculaire, Johns Hopkins Hospital, Baltimore, USA.
Hubert COCHET
Service de Radiologie, CHU de Bordeaux, Bordeaux, France.
LIRYC – L’Institut de Rythmologie et Modélisation Cardiaque,
Pessac, France
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en lien avec cet article.
RÉFÉRENCES
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