Protocole de Coopération en Rythmologie 

Interview de Julien Baud, HEGP, Paris 

 

Protocole de coopération en rythmologie – De quoi s’agit-il exactement ?

Ce Protocole de Coopération (PC) a été validé par l’HAS en juillet 2020 avant de paraître au J.O. dans l’arrêté national du 7 septembre 2020 sous la mention « Contrôle des dispositifs implantables rythmologiques par un(e) infirmier(e) associant une prise en charge en présentiel et en télémédecine ».

Ce protocole de coopération très détaillé donne un cadre légal à cette activité souvent déjà pratiquée par de nombreux infirmiers en France et leur permet de l’exercer sur délégation d’un ou plusieurs rythmologues.

 

Vous avez été le 1er infirmier à intégrer ce programme en 2021. Quel a été votre parcours pour arriver jusqu’ici ?

Après avoir obtenu mon diplôme d’état d’infirmier en 2008, j’ai décidé d’intégrer en 2012 le Plateau Technique Invasif (PTI) et l’équipe de rythmologie interventionnelle.

J’ai pu y développer pendant 7 ans des compétences dans les domaines de l’électrophysiologie et dans l’implantation des dispositifs électroniques cardiaques implantables.

En 2017, j’ai obtenu un diplôme universitaire en rythmologie interventionnelle pour le personnel paramédical en salle d’électrophysiologie à la faculté de médecine de Montpellier.

Avec cette riche expérience en rythmologie interventionnelle, c’est en janvier 2019 que j’ai eu l’opportunité de prendre un poste tout nouvellement créé en tant qu’IDE en télécardiologie. 2 ans plus tard, grâce à un travail de longue haleine initié depuis 2015 par les équipes de l’HEGP, je devenais le premier infirmier intégrant le PC de rythmologie. 

 

Quels sont les prérequis pour un Infirmier diplômé d’État (IDE) souhaitant intégrer ce programme de coopération ?

Pour intégrer ce PC il faut avoir :  

  • Diplôme d’Etat infirmier  
  • Expérience de deux ans en service de cardiologie  
  • Expérience spécifique d’un an en service de rythmologie  
  • Et/ou expérience en consultation rythmologique avec contrôle de prothèses  
  • Et/ou diplôme universitaire paramédical de rythmologie 
  •  Attestation de formation aux gestes et soins d’urgence niveau 2 validée (AFGSU)

 

Quelles sont les formations complémentaires ?

En plus de ces prérequis, Il faut pour adhérer à ce protocole avoir reçu : 

  • 1 formation théorique de 75H sur les thèmes de la stimulation et la défibrillation cardiaque, l’interprétation d’ECG et la télécardiologie.  
  • 1 formation spécifique à l’utilisation des appareils de contrôle et solutions internet de télésurveillance réalisée par chaque fabricant en fonction des dispositifs existants à ce jour.  
  • 1 formation pratique de 45 heures, soit 90 patients contrôlés en doublon avec un rythmologue.

 

Racontez-moi votre quotidien dans cette unité de télécardiologie à l’HEGP ?

Nous sommes 2 IDE dans cette unité et notre travail se divise en deux parties.  

  • La prise en charges des patients porteurs de DECI (Dispositif Electronique Cardiaque Implantable) en télésurveillance. 

Cela nécessite de leur remettre, en post implantation, un transmetteur qu’ils devront brancher à côté de leur lit. Ce boîtier sera l’interface entre la prothèse cardiaque du patient et l’hôpital et enverra des données sur un site sécurisé en cas d’anomalie du matériel implanté ou d’un trouble dangereux du rythme cardiaque.

Notre rôle est donc de lire, analyser et traiter les alertes reçues dans la nuit. Les alertes critiques seront transmises et discutées avec le rythmologue référent.

  • En tant qu’IDE de PC en rythmologie, je suis amené (trois ½ journées / semaine) à réaliser des contrôles de DECI en présentiel sur délégation d’un rythmologue. 

Cela implique la réalisation d’un ECG, l’interrogation de la prothèse, la réalisation des tests de l’intégrité des sondes et la rédaction du compte-rendu qui est remis à chaque patient.

 

 

Quels sont les bénéfices attendus d’un tel PC ?

Selon moi, les intérêts sont multiples que ce soit pour les patients, les médecins et les infirmiers. 

L’intervention d’un infirmier spécifiquement formé pour le contrôle des DECI en présentiel permet d’une part de réduire les délais d’attente pour les patients et d’autre part de libérer du temps médical pour des actes à plus haute valeur ajoutée.

L’intérêt évident pour l’infirmier de PC est la valorisation de ses compétences et de son métier en lui donnant des prérogatives à la base purement médicales.

Il est à noter qu’une prime de coopération (100 € bruts / mois) est attribuée aux infirmiers concernés par ce protocole.

 

Comment voyez-vous le futur de ce PC ? Les perspectives à 10 ans ?

Ce PC initialement créé à l’échelle locale et validé par l’ARS Ile De France a maintenant vocation à se déployer rapidement sur tout le territoire national.

Notre rôle est maintenant d’en faire la promotion et ce n’est que le début avant peut-être dans quelques années, une reconnaissance plus large avec la création d’un diplôme d’IPA (Infirmier(e) de Pratique Avancée reconnu au grade universitaire de master) avec la mention Rythmologie. 

 

Le point de vue d’Eloi Marijon

Nous avons véritablement transformé le suivi de nos patients. Je crois beaucoup à cette opportunité de faire émerger des filières paramédicales avancées. C’est du Win-Win-Win : une équipe médicale qui peut se concentrer sur ses véritables objectifs, une équipe paramédicale avancée gagnant une autonomie certaine – garantissant aussi un épanouissement personnel et collectif, indispensable au bon fonctionnement d’une équipe – et un patient dont le pronostic est significativement amélioré. Nous avons pris un peu de retard par rapport à nos homologues nord-américains, mais nous allons vite les rattraper… ! 

Je remercie Julien BAUD de s’être prêté au jeu de cet interview, ainsi que pour son investissement au quotidien.

 

Propos recueillis par Eloi Marijon, HEGP, Paris

CORDIAM N°43 DÉCEMBRE 2021

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