Le livre blanc de la cardiologie
Les cardiologues se mobilisent pour préparer se mobilisent pour préparer la cardiologie de demain
La vision des cardiologues est intéressante à la fois sur la fréquence des problèmes cardiologiques pendant le Tour de France chez les cyclistes mais aussi dans le public. Nous aborderons le type de bilan médical général envisagé et plus précisément le bilan cardiologique. Bien sûr, un mot sur le dopage car c’est la thématique qui vient immanquablement à l’esprit des lecteurs.
Les pathologies cardiovasculaires constituent la seconde cause de mortalité dans notre pays et connaissent une croissance régulière liée notamment au vieillissement de la population. Facteurs d’incapacités et de dépendance, elles représentent en outre des coûts de plus en plus difficiles à supporter pour notre système de santé.
En parallèle, le déclin démographique et l’inégale répartition géographique des médecins en général et des cardiologues en particulier participent à l’inégalité d’accès aux soins en cardiologie et des délais souvent trop longs dans l’obtention des rendez-vous, et à une surcharge des accueils des urgences pour nos patients, alors même que leur prise en charge doit s’élargir pour intégrer le dépistage, la prévention et l’éducation thérapeutique.
Pour répondre à cette demande croissante d’accès aux soins, les acteurs de la cardiologie française (Société Française de Cardiologie, Collège National des Cardiologues des Hôpitaux, Collège National des Cardiologues Français et Syndicat National de Cardiologie) réunis au sein du Conseil National Professionnel CardioVasculaire (CNPCV) ont travaillé ensemble à la rédaction du Livre blanc de la cardiologie.
Ainsi 14 propositions ont été formulées autour de 5 grandes recommandations afin de dessiner les contours de la pratique de la cardiologie de demain et de répondre au problème de l’accès aux soins ainsi qu’à celui de la permanence de soins.
Recommandation 1 :
Faire évoluer l’offre de soins en cardiologie
Recommandation 2 :
Impliquer tous les cardiologues dans la filière de soins non programmés
Recommandation 3 :
Renforcer l’attractivité de la cardiologie générale
Recommandation 4 :
Favoriser l’évolution des pratiques et la pertinence des actes
Recommandation 5 :
Soutenir la recherche
Vous pouvez télécharger ce livre blanc directement sur le site du CNPCV.
1 Cordiam : Constatez-vous réellement une détérioration de l’accès à la cardiologie en France par rapport à la situation d’il y a 10 ans ?
Olivier Piot : Le nombre de patients identifiés par l’Assurance Maladie comme ayant une maladie cardio-vasculaire augmente de 2,5 % par an, ce qui fait 480 000 nouveaux patients en quatre ans. En parallèle avec le départ à la retraite de 220 cardiologues par an jusque 2027, le nombre de cardiologues diminue avec par exemple 109 cardiologues en moins entre 2022 et 2021. Ces chiffres, ainsi que l’absence d’évolution radicale des modes d’organisation, expliquent que les délais d’accès à la consultation de cardiologie soient très longs, en moyenne de 65,5 jours (données fournies par Doctolib). De plus l’inégalité de répartition des cardiologues induit des variations très importantes selon les départements, allant de 20 jours dans les Hautes Pyrénées à 176 jours en Indre-et-Loire. Un tiers des patients récemment hospitalisés pour insuffisance cardiaque ne peut voir son cardiologue qu’après un délai de deux mois ce qui n’est pas compatible avec la recommandation d’une consultation à 15 jours de la sortie d’hospitalisation qui a pour but une consolidation de l’amélioration du patient et la prévention de la réhospitalisation à brève échéance. L’accès à la cardiologie en France est donc bien dans une situation critique.
2 Cordiam : Vous proposez d’augmenter le nombre des cardiologues : A quelle échéance pensez-vous que cette mesure pourra avoir un impact vraiment significatif ?
Olivier Piot : L’évolution de l’offre de soins en cardiologie passera nécessairement par une augmentation du nombre de cardiologues mais aussi par une évolution qualitative de cette offre tant sur les modes d’organisation que sur l’utilisation des nouveaux métiers. Le nombre de postes proposés à l’internat est de 185 par an, déjà en dessous du nombre de départs à la retraite avec bien sûr un décalage important lié au temps de formation des internes. Le recours aux médecins à diplôme non français est déjà largement utilisé. L’augmentation du nombre d’internes en cardiologie ne sera donc en effet visible que si elle est significative avec un besoin estimé à au moins trente postes supplémentaires par an. L’impact ne sera effectif qu’après plusieurs années mais évitera que la situation difficile actuelle et des cinq prochaines années pour la prise en charge des patients atteints de maladie cardio vasculaire ne s’aggrave encore plus.
3 Cordiam : Si l’indication d’une intervention (coronaire, rythmologique ou structurelle) nécessite une vraie réflexion médicale, la réalisation des gestes est avant tout une affaire d’expérience technique. Avez-vous débattu de la possibilité de confier de tels gestes à des non médecins (ce qui permettrait de dégager du temps au cardiologue pour d’autres tâches) ?
Olivier Piot : Ce sujet essentiel pour l’évolution de notre système de santé se traduit en pratique par l’arrivée progressive de la délégation de tâches. En cardiologie, le contrôle de stimulateurs ou défibrillateurs cardiaques, l’acquisition d’images échographiques peuvent être délégués à des infirmiers formés dans un cadre bien défini. L’implantation sous-cutanée de moniteur cardiaque (« holter implantable ») devrait faire prochainement l’objet d’une délégation. La délégation de gestes invasifs plus lourds n’est pas d’actualité mais la réflexion sur l’évolution du rôle des paramédicaux en salle interventionnelle est en cours. Cette délégation donne des perspectives nouvelles aux professions paramédicales mais le manque actuel de personnel et l’absence de véritable réflexion sur le modèle économique rendent la dissémination de ces délégations encore très limitée.
Une autre solution très intéressante pour dégager du temps Médecin est de développer une pratique aidée, par exemple avec le nouveau métier d’assistant médical pour déléguer les tâches administratives et organisationnelles mais aussi l’utilisation d’outils comme la dictée numérique, la e-prescription…, et connectée pour le suivi des patients chroniques.
4 Cordiam : Toute profession confondue, on constate actuellement un vrai souhait de bénéficier de plus de temps libre extra-professionnel. Avez-vous envisagé des solutions pour répondre à cette demande ?
Olivier Piot : La discussion sur la valeur travail est souvent obscurcie par des a priori générationnels et sexistes. Lors de notre travail sur l’état de la profession nous n’avons pas trouvé d’éléments factuels qui corroborent cette notion même si cela semble un truisme. En parallèle nous avons réalisé avec le CNOM une enquête auprès des cardiologues avec un taux de retour de 23%. 45% des cardiologues ayant répondu déclaraient travailler plus de 50 heures par semaine. Pour la très grande majorité, ils se déclaraient satisfaits de leur activité, bien que subissant une pression forte. Plus de la moitié rapporte au moins un symptôme d’épuisement professionnel récent. Tout le monde aspire à du temps libre et l’apparition des congés payés n’est pas d’hier. Pour répondre aux demandes des professionnels de santé, notamment les générations les plus jeunes, il me semble déjà important de bien évaluer leurs besoins. Dans le Livre Blanc nous avons demandé à plusieurs jeunes cardiologues d’évaluer les propositions faites par le CNPCV, elles ont été accueillies favorablement avec des remarques très pertinentes. Donc je recommande aux lecteurs de Cordiam de lire le Livre Blanc qui est d’un format tout à fait digeste pour qu’eux aussi, ils se fassent leur idée des propositions du CNPCV !