Prescriptions médicamenteuses en France : les surprises des chiffres

Pour ce numéro bilan de 2022, il nous a semblé intéressant d’aller chercher quelques chiffres sur la consommation de médicaments en France et de faire une rapide comparaison avec ce qui est observé aux Etats-Unis. Compte tenu des délais nécessaires pour rassembler les chiffres, le bilan en France est un cumul de 12 mois à fin novembre 2022, et les chiffres des USA portent sur l’année 2020.

Les chiffres français correspondent aux médicaments (liste I, II et stupéfiants) délivrés en officine (et donc à l’exclusion les pharmacies hospitalières), sur prescription médicale.

En France, pour ce qui est de la prescription en volume, et malgré la fréquence et la gravité des maladies cardiovasculaires (qui représentent actuellement la deuxième cause de mortalité), les médicaments cardiologiques font relativement pâle figure : le bisoprolol arrive en 6ème position, juste derrière la metformine ; l’atorvastatine, seule statine figurant dans le top 15, est dixième, et le furosémide arrive en 11ème position. Le médicament le plus prescrit est le cholécalciférol, suivi par l’amoxicilline. Le paracétamol seul n’apparaît pas dans ce classement car les chiffres ne tiennent pas compte des produits non listés et des délivrances sans prescription médicale ; en considérant ces dernières informations, le paracétamol arrive en tête, avec plus de 455 millions d’unités vendues. En comparaison des chiffres français, les prescriptions de médicaments cardiovasculaires aux Etats-Unis sont beaucoup plus fréquentes : l’atorvastatine arrive dans une solide première position et la simvastatine est treizième ; suivent des médicaments très certainement prescrits avant tout comme antihypertenseurs (IEC, amlodipine, bêta-bloquants, sartans). En tout, 7 médicaments cardiovasculaires figurent dans le top 15 américain. On peut y ajouter la metformine, en 3ème position. Ces différences entre la France et les Etats-Unis s’expliquent probablement en grande partie par l’importance des pathologies en lien avec l’obésité (hypertension et diabète) outre-Atlantique.

Même en considérant les prescriptions françaises par classes médicamenteuses, en prenant en compte l’ensemble des délivrances, il n’y a que deux classes de médicaments cardiovasculaires dans le top 10 : les bêta-bloquants n’arrivent qu’en 7ème place et les hypolipémiants en 8ème. Les analgésiques et antipyrétiques, portés par le paracétamol, arrivent en tête, et les inhibiteurs de la pompe à protons sont deuxièmes.

Revenons en France. En termes de chiffres d’affaires, c’est-à-dire de coût pour la société, la situation est sensiblement différente : trois médicaments cardiovasculaires dans les 10 premiers, mais sans rapport avec les médicaments dont le volume de prescription est le plus important. Le premier médicament en chiffre d’affaires (hors médicaments à délivrance hospitalière) toutes pathologies confondues est l’apixaban, et le rivaroxaban arrive en 7ème position ; il s’agit en effet de médicaments destinés avant tout à traiter une pathologie chronique fréquente (la fibrillation atriale), qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public, et dont le coût est assez élevé (un peu moins de 60 euros la boîte pour l’apixaban et un peu moins de 55 euros pour le rivaroxaban, Base Claude Bernard décembre 2022 et janvier 2023). Plus de 11 millions de boîtes d’apixaban et plus de 7 millions de boîtes de rivaroxaban ont ainsi été vendues entre décembre 2021 et novembre 2022. En troisième position arrive le tafamidis, une surprise pour moi : la pathologie cible (amylose à transthyrétine) est en effet bien moins commune et c’est donc surtout le prix du traitement (plus de 7200 euros la boîte, BCB décembre 2022) qui explique lechiffre d’affaires de la molécule ; 65 000 boîtes ont été vendues de décembre 2021 à novembre 2022. En faisant un calcul très approximatif (pour lequel les vrais économistes de la santé m’assassineraient), extrapolant les résultats des études-pivot ARISTOTLE pour l’apixaban et ATTR-ACT pour le tafamidis, deux études ayant montré une réduction de la mortalité globale avec les traitements étudiés, le prix d’une vie sauvée serait d’environ 140 000 euros pour l’apixaban et 60 000 euros pour le tafamidis. Mais cela ne tient évidemment pas compte des autres effets favorables de ces traitements.

Qu’on le veuille ou non, traiter la maladie coûte cher et cela justifie certainement de consentir des efforts importants pour les politiques de prévention.

Nicolas Danchin, Angélique Bironneau, Christelle Nicolle, David Syr

Les chiffres français ont été obtenus grâce aux données du Gers Data
Les chiffres américains ont été obtenus en janvier 2023 sur le site https://clincalc.com/DrugStats/Top300Drugs.aspx

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