BILAN DE L’ANNÉE 2022 : L’OPINION DES EXPERTS

INSUFFISANCE CARDIAQUE

Quelles sont les données les plus marquantes de 2021 – 2022 dans votre domaine ? Pour quelles raisons ?

Cinq points méritent d’être soulignés :
Le développement de la quadrithérapie dans le traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, définie maintenant par une fraction d’éjection < à 50 %, avec des schémas de prescription simplifiés pour traiter vite et fort nos patients dont le pronostic vital reste engagé, avec des recommandations américaines confirmant et précisant celles européennes, notamment sur la place du sacubitril-valsartan, utilisable en première intention pour bloquer le système rénine-angiotensine, et des inhibiteurs SGLT2, aboutissant à une nette amélioration du pronostic de nos patients tant fonctionnel que vital. Ainsi, il faut privilégier l’introduction d’une nouvelle classe pharmacologique à la titration d’une seule classe afin de lutter contre l’inertie thérapeutique et de jouer sur les différentes voies physiopathologiques de l’insuffisance cardiaque. La confirmation que nous possédons enfin un traitement efficace de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée avec les inhibiteurs SGLT2, les résultats de l’étude DELIVER confirmant ceux de l’essai EMPEROR-Preserved publiés quelques mois plus tôt, démontrant qu’il s’agit d’un effet de classe. Une meilleure collaboration pluridisciplinaire au profit de nos patients souvent à la fois insuffisants cardiaques et insuffisances rénaux, ces deux pathologies partageant les mêmes facteurs de risque comme l’HTA et le diabète, avec l’utilisation de médicaments cardio- et néphroprotecteurs comme les bloqueurs du système rénine-angiotensine et les inhibiteurs SGLT2. L’amélioration du parcours de soins de nos patients avec une implication plus importante des médecins généralistes, grâce à leur meilleure organisation en MSP et/ou CPTS, l’émergence des nouveaux métiers infirmiers d’ISPIC (infirmier spécialisé en insuffisance cardiaque) et d’IPA, et le rôle majeur des cardiologues, pouvant intervenir à distance grâce à la télémédecine, aidés par la généralisation de la télésurveillance. La prise de conscience par les pouvoirs publics du problème majeur que représente l’insuffisance cardiaque avec le lancement de la campagne de sensibilisation du grand public dans les médias qui doit maintenant être relayée par une campagne de dépistage en soins primaire basée dans les populations à risque sur le dosage des peptides natriurétiques.

Est-ce que votre pratique clinique a évolué pendant cette période ?

Oui, tant d’un plan organisationnel que thérapeutique :
Après une hospitalisation pour décompensation, nous optimisons maintenant le traitement médical de nos patients sans les déplacer grâce à une télé-titration aidée par nos ISPIC qui recueillent à distance, grâce à la télésurveillance ou à un suivi téléphonique structuré, les données cliniques et biologiques essentielles au suivi. Grâce à une meilleure organisation des soins primaires et secondaires, avec un travail en commun avec les médecins généralistes et les cardiologues de terrain, nous essayons d’améliorer en permanence le parcours de soins de nos patients, le CHU restant le centre expert de recours. En thérapeutique, la généralisation des inhibiteurs SGLT2 et l’utilisation préférentielle du sacubitril-valsartan, pour bloquer le système rénine-angiotensine, la meilleure gestion des diurétiques,  aidée par la télésurveillance, ont permis une diminution des hospitalisations. Il reste à développer les hospitalisations de jour ou à domicile dans la gestion des phases congestives, des expérimentations étant en cours, pour achever le tournant ambulatoire de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque.

Attendez-vous des nouveautés importantes en 2023 ? 

En matière de cardiomyopathie, nous attendons cette année la mise à disposition du mavacamten pour lutter contre l’obstruction intraventriculaire gauche des cardiomyopathies hypertrophiques. Par contre, en matière d’insuffisance cardiaque, la vcommercialisation du vericiguat, un activateur de la guanylate cyclase, annoncée initialement pour le milieu de l’année sera probablement différée en raison de problèmes de prix, ce qui est regrettable pour nos patients les plus sévères ou présentant une insuffisance rénale. De nouveaux traitements originaux, ciblant les différentes voies physiopathologiques de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, font l’objet d’essais thérapeutiques, laissant entrevoir autant d’espoir. La place prise par la génétique dans le bilan étiologique des cardiomyopathies, hypertrophiques comme dilatées, devrait se poursuivre et pourrait permettre de mieux cibler nos traitements. Enfin, il est à espérer que le passage en droit commun de la télésurveillance ne se fasse pas aux dépens de cette technique si la rémunération proposée est incompatible avec son développement.

Quel livre/film/série/exposition vous a le plus marqué en 2022 ?

Parmi plusieurs livres d’Annie Ernaux, notre récente prix Nobel de littérature, « L’événement » m’a particulièrement marqué et interroge les médecins sur les rapports entre éthique, morale et légalité. Le livre de Javier Cercas, « Le monarque des ombres » m’a également particulièrement touché, faisant vivre pour le fils de réfugié politique espagnol que je suis, l’envers du décor, puisque consacré à un jeune franquiste fourvoyé dans ce combat fratricide. Enfin, j’ai lu un opuscule sur l’Ukraine « Héros malgré eux » que m’a recommandé mon plus ancien patient, professeur de géographie à la retraite, qui nous explique la volonté d’existence et de résistance de ce peuple.

Michel Galinier, Président du CCM RANGUEIL LARREY,
CHU – Toulouse

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