Les médicaments de demain

Après une année 2022 riche en résultats, quelles sont les nouvelles voies de recherche et qu’attendre comme nouveaux médicaments dans les années à venir ? Nous nous livrons ici à un petit exercice de prospective, à partir des données publiques que l’on peut obtenir sur les sites des laboratoires ou sur clinicaltrials.gov. Aucune prétention d’exhaustivité, mais des directions possibles ou probables pour l’avenir relativement proche.

Thrombose

Dans le domaine de la thrombose, les études cliniques sont en cours avec les inhibiteurs du facteur XIa (milvexian, BMS ; asundexian, Bayer) qui espèrent une action anticoagulante efficace, sans majoration du risque hémorragique. Les résultats des premiers essais apparaissent favorables.

Des essais sont également lancés avec des inhibiteurs du facteur XII, agissant sur la thrombose de contact, tels que l’anticorps monoclonal garadacimab (CSL Behring) pour le traitement de l’angio-oedème héréditaire, évalué dans l’étude de phase 3 VANGUARD. D’autres études avec des inhibiteurs du facteur XII sont aussi en cours ou prévus pour la prévention des thromboses dans les circuit de CEC ou chez les hémodialysés.

Des traitements dirigés contre l’alpha2 antiplasmine, qui bloque la fibrinolyse endogène, sont à un stade précoce de développement clinique, dans l’AVC et l’embolie pulmonaire notamment.

Sur le plan des antiagrégants, le selatogrel (Idorsia) est un puissant inhibiteur de P2Y12 réversible, injectable par voie sous-cutanée. Il est actuellement évalué dans la vaste étude SOS-AMI qui teste un concept réellement original : chez des patients à haut risque de récidive après un infarctus, l’auto injection du médicament en cas de douleur thoracique prolongée améliore-t-elle le pronostic clinique ? Résultats attendus pour fin 2025.

Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies

Le mavacamten (inhibiteur de la myosine, BMS) a un programme de développement déjà très avancé, qui lui a valu l’approbation de la FDA. Il s’agit d’un traitement original, qui améliore les symptômes des formes symptomatiques de CMH et réduit le gradient intraventriculaire. La procédure d’approbation est en cours à l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Un autre inhibiteur de myosine (MYK 224) est actuellement en phase 2.

A l’inverse, le danicamtiv (BMS) est un activateur de la myosine testé en phase 2 dans la cardiomyopathie dilatée familiale. Il est évidemment encore trop tôt pour savoir si les indications pourront être éventuellement élargies.

A la suite de l’étude VICTORIA, le vericiguat (Bayer) a été approuvé par la HAS dans le traitement de l’insuffisance cardiaque symptomatique à FEVG réduite, avec une ASMR 5. Il n’est pas disponible en France actuellement. Il est actuellement évalué dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (étude VICTOR), avec des résultats attendus pour fin 2025.

L’eplontersen (AstraZeneca) est développé dans le traitement de la cardiomyopathie amyloïde à transthyrétine ; il est actuellement en phase 3. Dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée ou modérément réduite, un inhibiteur de la myéloperoxidase, le mitiperstat (AstraZeneca) a montré une forte réduction de l’activité myéloperoxidase, sans modification du NT-proBNP, dans l’étude de phase 2a SATELLITE. La poursuite du plan d’étude est prévue.

Le tirzepatide (Eli-Lilly) a une action double, à la fois agoniste de GLP1 et du GIP (polypeptide insulinotrope glucose-dépendant). Après avoir montré une réduction de poids spectaculaire dans le programme SURPASS, il est actuellement évalué dans l’étude SUMMIT, chez des patients obèses avec insuffisance cardiaque à fraction d’éjection conservée qui teste son effet sur les événements cardiovasculaires et la qualité de vie. Résultats en 2024.

Diabète, insuffisance rénale, obésité, métabolisme

La finérénone (Bayer) a été approuvée avec une ASMR IV par la Haute Autorité de Santé pour les patients diabétiques avec insuffisance rénale de stade 3-4, à la suite de l’étude FIDELIO-DKD. Le runcaciguat (Bayer) est un inhibiteur du GMPc, en phase 2 de développement dans l’insuffisance rénale chronique.

Le BI 685509 est un activateur de la guanine cylcase soluble, actuellement évalué dans une étude de phase 2 chez l’insuffisant rénal non diabétique, avec l’espoir de freiner la dégradation de la fonction rénale.

L’iscalimab (Novartis) est un inhibiteur du CD40+, étudié après transplantation rénale pour diminuer le risque de rejet.

Le cyclosilicate de sodium zirconium (AstraZeneca) réduit l’hyperkaliémie, tout en diminuant le risque d’hypokaliémie. Son effet sur la survenue de troubles du rythme chez des patients dialysés avec épisodes d’hyperkaliémie est actuellement étudié dans l’étude DIALIZE-outcomes dont les résultats sont attendus pour 2026.

Le BI 456906 (Boehringer Ingelheim) et le cotadutide (AstraZeneca) sont des agonistes doubles (glucagon-GLP1) actuellement en phase 2, étudiés dans l’obésité et dans la NASH.

Dans le traitement de l’obésité, d’autres traitements, comme le MBL949 (Novartis) sont en phase précoce de développement, tandis que des études sont déjà bien avancées avec les agonistes de GLP1 et, comme vu précédemment avec le tirzepatide.

Maladie coronaire, maladie athéroscléreuse

Le pelacarsen (Novartis) est un inhibiteur de Lp(a), administré mensuellement par voie sous-cutanée. Il est actuellement en cours d’évaluation dans l’essai de phase 3 Lp(a) HORIZON, qui a pour but de démontrer une réduction des événements cardiovasculaires chez les patients avec des antécédents athéroscléreux (infarctus ou AVC récent, artériopathie des membres inférieurs) et des niveaux élevés de Lp(a). Le terme de l’étude est prévu en 2025. En parallèle, l’étude OCEAN(a), dont les résultats devraient arriver fin 2026 teste l’olpasiran (Amgen), un petit ARN interférent ciblant la production de Lp(a), administré tous les trimestres, dans une population de patients coronariens avec Lp(a) élevée.

L’inclisiran (Novartis) est aussi un ARN interférent, mais qui, lui, entrave la production hépatique de PCSK9. Il est administré par voie sous-cutanée, tous les 6 mois et entraîne une réduction du LDL d’environ 50 % chez des patients traités par statines (programme ORION). Une large étude de morbi-mortalité (VICTORION-2P) est actuellement en  cours, avec des résultats attendus pour 2027.

L’hypothèse inflammatoire est également l’objet de recherches actives, notamment avec le MEDI6570 (AstraZeneca) un bloqueur du récepteur LOX-1, actuellement en phase 2 chez des patients ayant fait un infarctus et avec des signes persistants d’inflammation.

C’est le cas également du ziltivekimab (Novo-Nordisk), injectable mensuellement, testé dans l’étude ZEUS chez des patients athéroscléreux et insuffisants rénaux avec des stigmates d’inflammation. Résultats attendus fin 2025.

Au stade aigu de l’infarctus, sont testées des molécules déjà indiquées dans certaines maladies inflammatoires comme la polyarthrite. C’est le cas du rituximab (Roche), inhibant la formation de lymphocytes B en se liant au CD20 transmembranaire (RITA-MI 2) et du tocilizumab (Roche) ciblant l’IL6 (DOBERMANN) qui sont évalués avec l’hypothèse d’une réduction de la taille de l’infarctus et des résultats attendus entre 2025 et 2027.

Troubles du rythme

Enfin, la recherche sur les antiarythmiques n’est pas morte, en dépit des progrès des traitements interventionnels. L’effet du HSY244 (Novartis) en administration intraveineuse est actuellement étudié dans un essai de phase 2 avec pour objet la cardioversion médicamenteuse de sujets avec une fibrillation atriale récente (entre 6 heures et 2 mois).

 

On le voit donc, si l’évaluation des effets des médicaments déjà mis sur le marché se poursuit pour mieux en connaitre tout le potentiel, la recherche de nouvelles molécules reste active et nous promet de nouvelles perspectives de traitement pour nos patients.

Nicolas Danchin,
Paris

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