Mon palmarès cinématographique
Malgré un rebond de fin d’année, la fréquentation des cinémas en France en 2022 est sinistrée, au plus bas depuis les années 80. Un effet post-COVID, les spectateurs ayant perdu l’habitude de se déranger, d’autant que les offres des plateformes se sont étoffées et sont bien moins chères qu’en salle. Le plus probable reste la piètre qualité des propositions. Pourtant, il faut presque systématiquement voir les productions françaises pour que le seul cinéma qui résiste aux USA ne sombre pas. Il y a eu quelques bons films que le palmarès des Césars 2023 va probablement honorer.
En corps, médaille d’or
Un hommage de Cédric Klapisch à la danse classique à son sommet, Marius Petipas et sa Bayadère revue par Noureev et à la danse contemporaine, également à son sommet par la compagnie de Hofesh Shechter qui officie aussi à l’Opéra de Paris, un hommage réciproque. De quoi vous réconcilier définitivement avec la danse moderne, même quand on y est profondément allergique, après avoir vu la bataille de hip hop, l’impro sur une falaise bretonne où les corps flottent au vent comme des goélands et toutes les répétitions exaltées jusqu’à la première à la halle de La Villette et un final éblouissant. Pour une fois, on a l’impression de comprendre ce qui se passe.
L’innocent, médaille d’argent
Le film de Louis Garrel est un braquage familial bien ficelé déjà attachant au premier degré. Il s’ajoute un continuum d’humour qui baigne un film où on sourit tout le temps quand on n’éclate pas de rire. C’est d’autant plus méritoire que l’émotion et la sensibilité sont finalement au centre de cette réussite. La scène où on rit le plus est celle où les deux jeunes héros sont en larmes de longues minutes sous le poids de l’émotion. La qualité de la direction des acteurs donc de l’interprétation est d’ailleurs ce qu’il y a de mieux, surtout celle de Roschdy Zem. On le sait moins pour Noémie Merlant, encore que très convaincante dans Portrait de la jeune fille en feu ou Olympiades, elle est ici rayonnante.
Revoir Paris, médaille de bronze
Un film sur les évènements du Bataclan et cafés environnants en novembre 2015. Les faits ne sont pas montrés ou à peine mais puissamment évoqués par leurs retentissements psychologiques sur les protagonistes. C’est d’autant plus méritoire que l’héroïne est amnésique. Quelques images très belles comme la Place de l’Etoile de nuit probablement filmée par un drone ou encore la Place de la République nettoyée par les éboueurs qui évacuent fleurs, messages et bougies, hommages laissés en place plusieurs mois.
Au pied du podium : Ténor
La rencontre entre un vrai rappeur, MB 14 et un professeur de chant à l’Opéra Garnier, interprété avec finesse par Michèle Laroque. On pleure beaucoup quand toute la banlieue débarque à Garnier, un lieu hautement photogénique ou encore pendant le rap sur le poème élégiaque de Victor Hugo sur la mort de sa fille Léopoldine : “Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai…..”. Les deux protagonistes s’échangent un CD, d’un côté un best of de Pavarotti et de l’autre celui de 2Pac (prononcer two Pac). Faut le faire.
Jean-Jacques Altman,
Paris