Avec un recul de 6 mois, le stent Absorb®, à trame résorbable, tient ses promesses à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde.
ABSORB STEMI TROFI II trial
Contexte et hypothèse
Plusieurs études ont déjà montré la bonne tolérance des stents résorbables mais l’environnement athérothrombotique de la phase aiguë de l’infarctus du myocarde justifiait en elle-même une évaluation spécifique, c’est ce qui a été fait dans l’étude ABSORB-STEMI dans laquelle un stent biorésorbable (Absorb®) dispensateur d’évérolimus était comparé à un stent actif de référence (Xience®, stent actif lui aussi dispensateur d’évérolimus). La comparaison, à court terme, portait essentiellement sur la cicatrisation évaluée par imagerie de cohérence optique (OCT).
Méthode
Il s’agit d’une étude multicentrique (8 sites européens) de non-infériorité, prospective, randomisée, en simple aveugle. Pour être objective, la comparaison reposait sur l’utilisation d’un score de cicatrisation vasculaire développé pour l’étude ROFI-I et revalidé depuis. Les patients pouvaient être inclus dans les 24 premières heures d’un infarctus du myocarde et à condition que l’artère responsable ait un calibre de 2,5 à 3,8 mm. Les patients en choc cardiogénique ou avec des artères très tortueuses et/ou calcifiées ne devaient pas être inclus. La randomisation était faite après vérification du rétablissement d’un flux au minimum TIMI2 après thromboaspiration ou prédilatation. La randomisation d’au moins 190 patients était nécessaire pour une puissance statistique significative. Une double antiagrégation était prescrite pour une durée d’au moins un an.
Résultats
Les caractéristiques basales des patients du groupe Absorb® (n = 95) et du groupe Xsience® (n = 96) étaient comparables avec un âge moyen de 59 ans, près de la moitié de fumeurs actuels, 15 à 20% de diabétiques et très peu d’antécédents d’IDM (2 à 3%) ou d’angioplastie (3 à 4%). Le délai entre les premiers symptômes et la prédilatation était comparable, sinon à peine un peu plus grand dans le groupe Xience®.
La distribution des lésions était aussi comparable avec respectivement 46,3% vs 44,9% de lésions de l’IVA, de même que la distribution des flux dans la classification TIMI (2/3 des patients en flux TIMI 0/1). Tous les patients ont reçu de l’aspirine avec administration comme second antiagrégant de ticagrélor (44,2% vs 42,7%) et un peu plus souvent de clopidogrel dans le groupe Absorb® (37,9%) et de prasugrel dans le groupe Xience® (27,1%).
Les caractéristiques procédurales étaient comparables à l’exception de 3 paramètres présentés dans le Tableau I. En angiographie quantitative, les caractéristiques pré et post-procédurales ont été identiques dans les deux groupes.
Tableau I : Étude ABSORB MI / TROFI-II. Caractéristiques procédurales différenciant les 2 groupes.
Le critère principal d’évaluation était le score de cicatrisation en OCT à 6 mois ; la comparaison des fréquences cumulées de ce score pour les deux groupes est présentée Figure 1.
Figure 1 : Étude ABSORB MI / TROFI-II. Fréquence cumulée des scores de cicatrisation en OCT.
On y voit en particulier que la condition de non infériorité du stentAbsorb® résorbable par rapport au stent actif Xience® est vérifiée statistiquement alors que la condition de supériorité ne l’est pas (même si elle y tend tout de même). Dans ce même délai l’angiographie quantitative a permis d’observer quelques différences (Tableau II) mais d’ampleur limitée.
Tableau II : Étude ABSORB MI / TROFI-II. Données de l’angiographie quantitative. Les données sont exprimées en moyenne ± écart-type ou en pourcentages.
Il n’y a pas eu suffisamment d’événements cliniques dans l’un ou l’autre groupe pour tirer des conclusions comparatives au-delà des analyses procédurales avec seulement un cas de thrombose subaiguë de la trame résorbable dans le groupe Absorb® (avec infarctus et nécessité de revasculariser la lésion cible).
Les six mois de recul sont insuffisants pour tirer des conclusions mais le bon comportement de la trame résorbable du stentAbsorb® permet d’attendre avec sérénité le suivi à long terme prévu jusqu’à 5 ans.
Conclusion
Le stent Absorb® a donc démontré dans cette étude qu’il n’était pas inférieur au stent métallique de référence Xience® pour le traitement des obstructions coronaires à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde.
Jean-Louis Gayet
RÉACTION
Les résultats d’ABSORB IDM ont une importance capitale !
Le résultat positif, très attendu, de cette première évaluation d’un stent (ou scaffold au sens d’étai ou d’échafaudage) complètement résorbable (BVF, Absorb®) à la phase aiguë de l’IDM marque une très grande avancée. C’est celui qui pour l’instant a été le plus étudié et pour lequel on a le plus d’antériorité. Ce contexte clinique des syndromes coronaires aigus, et en particulier l’IDM, situations hautement thrombogènes, représente en effet tout ce qu’il y a de plus défavorable pour la cicatrisation pariétale qui était ici le critère principal d’évaluation.
La démonstration, en OCT, de l’atteinte de l’objectif de non infériorité par rapport au stent métallique actif de référence, pour ce qui est de la cicatrisation, ne doit pas être mise en balance avec une perte tardive (segment et lésion) significativement supérieure en angiographie quantitative à 6 mois.
D’abord parce que la valeur absolue de cette perte, totalement infraclinique, n’est pas considérable.
Ensuite, parce que l’expérience acquise nous a montré qu’au fil du temps, ces scaffolds laissent le remodelage pariétal aller dans le sens d’un élargissement de l’artère, là où la rigidité des stents traditionnels empêche ce même phénomène. On peut observer à ce stade qu’un seul patient de chacun des 2 groupes avait une resténose au sens de la définition binaire
Un suivi et un contrôle sont prévus à 5 ans et il ne serait donc pas du tout surprenant que d’ici là le scaffoldAbsorb® se montre supérieur au stent métallique de dernière génération avec lequel il vient de faire jeu égal en phase aiguë.
Antoine Lafont,
HEGP, Paris
Article paru dans le CORDIAM N°7 (Septembre 2015)
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