Les troubles de conduction chez les patients après TAVI
La survenue de troubles conducti fs après un TAVI reste la plus fréquente des complications. Or l’implantation d’un pacemaker après un TAVI n’est pas anodine. Il est donc important de bien sélectionner les patients. Les toutes nouvelles recommandations européennes nous éclairent sur la stratégie de prise en charge à adopter.
Introduction
Cette décennie aura été celle de l’essor du remplacement valvulaire aorti que percutané (TAVI) devenue la technique de référence dans le traitement des rétrécissements aorti ques (RAo) symptomatiques à haut risque chirurgical et dont l’indication continue de s’étendre au-delà. Grace à l’amélioration du matériel et l’expérience accumulée par les opérateurs, son taux de complications a été diminué et la durée des hospitalisations largement réduite. Cependant, la survenue de troubles conductifs atrio-ventriculaires per ou post implantation nécessitant la mise en place d’un pacemaker reste la plus fréquente des complications (3 à 26%) et à peu diminué ces dernières années.
Il est important de se souvenir que les pati ents atteints de RAo sont une population particulièrement à risque de blocs atrio-ventriculaires (BAV) du fait de calcifications extensives descendant sur les voies de conducti on. Or, la proximité de l’anneau aorti que avec le faisceau de His et la branche gauche les rend vulnérables lors de l’impaction de la prothèse dans la valve, responsable d’un traumatique mécanique directe (Figure 1).
Cette complication est bien connue depuis longtemps des chirurgiens cardiaques lors des remplacements valvulaires « classiques », survenant dans 5 à 10% des cas, et est souvent prévenue par l’implantation d’électrodes épicardiques temporaires permettant une surveillance d’une semaine afin de confirmer ou d’annuler l’éventuelle implantation d’un pacemaker. Une telle prise en charge s‘applique mal à nos patients éligibles à un TAVI pour lesquels les durées de séjour sont volontairement plus courtes (3 jours en moyenne) afin d’éviter les complications d’hospitalisation ce qui laisse peu de recul. Les patients présentant un trouble conductif sont donc souvent implantés à la phase aiguë par mesure de sécurité. Or, la mise en place d’un pacemaker n’est pas anodine et est associée à une surmortalité ainsi qu’un sur risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et une moins bonne récupération de la fonction ventriculaire gauche1. Il est donc important de bien sélectionner les patients à risque de BAV nécessitant une stimulation.
Malgré de grands registres et les études sur le sujet, la prédiction de ces troubles de la conduction AV et l’intérêt d’une stimulation permanente post TAVI reste toujours une question difficile à traiter.
Prédiction des troubles conductifs
Une évaluation pré TAVI est nécessaire afin de soit dépister les patients ayant déjà besoin d’un pacemaker avant même l’implantation de la valve (ce qui n’est pas rare), soit d’anticiper au mieux ceux susceptibles de le devenir. L’interrogatoire, l’électrocardiogramme et même l’enregistrement Holter ECG sur 24H sont alors de précieux outils.
Le bloc de branche droite (BBD) est préalablement présent chez environ 10% des patients en attente de TAVI et est le facteur le plus fortement associé à la survenue de BAV de haut grade (24%) et à l’implantation d’un pacemaker dans les suites du TAVI (40%)2. De plus, ces patients, lorsqu’ils ne sont pas implantés, ont un sur risque de mort subite probablement par BAV complet retardé survenant après la sortie d’hôpital. Cependant, environ la moitié des patients implantés d’un pacemaker dans ce contexte ne sera pas stimulodépendante…
Le sujet est donc complexe.
Le bloc de branche gauche (BBG) et le BAV du premier degré quant à eux ne sont que peu ou pas associés à l’implantation de pacemaker dans les suites d’un TAVI.
Enfin, concernant les considérations anatomiques, il n’y a pas à ce jour de critère utilisable en pratique pour prédire la survenue de troubles de la conduction.
Prévention des troubles conductifs
S’il est difficile de prédire la survenue d’un BAV en période post TAVI, il est cependant possible de prévenir ou tout du moins de limiter sa survenue.
Une technique récente d’implantation de la valve avec un positionnement plus haut dans le culot aortique permet en effet de réduire de plus de la moitié le taux d’implantation de pacemaker post-TAVI3. A l’inverse, certaines pratiques sont plus à risque comme les post dilatations ou le valve in valve.
Le type de la prothèse a aussi un impact sur les troubles conductifs post procédure. En effet, les valves auto expansibles entrainent plus d’implantation de pacemaker après leur mise place que les valves ballon expansibles4. Les modèles de dernière génération sont moins à risque de troubles conductifs que les anciens modèles. Enfin, de nouveaux modèles avec des design spécifiquement adaptés respectant les voies de conductions atrio ventriculaires se développent afin de réduire au maximum ce risque.
Conduite à tenir après le TAVI
Définir une conduite à tenir n’est pas chose aisée puisque le siège du bloc est très variable (nodal, intra ou infrahisien) et que les manifestations ECG d’une lésion des voies de conduction sont multiples et ne sont pas forcément prédictives de la survenue ultérieure d’un BAV de haut grade ou complet. Jusqu’alors, seuls des consensus d’experts avaient été proposés mais cet été, ont été présentées les dernières recommandations de la Société Européenne de Cardiologie sur la stimulation cardiaque lors du congrès de l’ESC 2021 qui détaillent la prise en charge de ces patients5 (Figure 2). Elles permettent de distinguer quelques situations selon l’ECG :
• Bloc atrio-ventriculaire de haut grade ou complet
Ces blocs peuvent être transitoires ou persistants et survenir durant la procédure, juste après ou encore de manière retardée à plus de 48H (10% des cas). Pour les BAV per procéduraux, un stimulateur cardiaque temporaire doit être laissé en place pendant au moins 24-48H afin d’évaluer la récupération de la conduction. Si ce BAV persiste ou si des épisodes récurrents de BAV transitoire surviennent audelà de cette période de surveillance de 24-48H, l’implantation d’un pacemaker doit être envisagée avant la sortie de l’hôpital et ce quels que soient les symptômes du patient.
• Bloc de branche droite préexistant
Chez les patients présentant un BBD avant l’implantation de la valve, il faut être particulièrement vigilant. La moindre modification ECG (allongement du PR, élargissement du QRS ou changement d’axe) incite à la prudence et pousse à l’implantation précoce (<24H) d’un pacemaker. Il n’y a pas cependant d’indication prophylactique de pacemaker pour cette population (implantation systématique préalable au TAVI).
• Bloc de branche gauche de novo et allongement du PR
Les pati ents sans BBD préexistant qui développent un BBG de novo (13 à 37% des cas) ou un allongement de l’intervalle PR après l’implantation de la valve représentent le groupe le plus difficile en termes de prédiction de la progression vers un BAV complet ou de haut grade. En effet, bien que ces troubles conductifs de novo soient des facteurs de risque de BAV retardés, la fréquence de ces BAV n’est pas suffisante pour indiquer l’implantation systématique d’un pacemaker chez ce groupe de pati ents. On sait cependant que plus le QRS est élargi ou plus l’intervalle PR est allongé, plus le risque BAV est important. Par conséquent, en cas de BBG large (> 150ms) ou d’allongement du PR important (> 240ms), un monitoring ambulatoire de l’ECG (7-30 jours) ou une exploration électrophysiologique est recommandée.
S’il s’agit de l’aggravation de troubles conducti fs préexistants comme l’élargissement des QRS ou l’allongement de l’intervalle PR de plus de 20ms, cela peut aussi conduire à la réalisation d’un monitoring ambulatoire de l’ECG ou une exploration électrophysiologique.
Enfin, la survenue d’un BBG de novo chez un pati ent avec BBD préexistant est considéré comme un bloc de branche alternant et constitue une indication à l’implantation d’un. pacemaker d’emblée. Quoi qu’il en soit, une prolongation de la période de surveillance hospitalière jusqu’à 5 jours est, dans ces situations, recommandée.
• ECG inchangé
Chez les patients sans survenue de BAV complet ou de haut grade et dont l’ECG est strictement inchangé à l’issue de la procédure et durant la surveillance initiale, la survenue d’un BAV complet ou de haut grade est rare et une sortie rapide peut être envisagée.
Conclusion
La prédiction des troubles conductifs atrio-ventriculaires dans les suites d’un TAVI est une question complexe. Les recommandations de l’ESC 2021 sont bienvenues car elles permettent enfin de mieux codifier la stratégie de prise en charge. Des études restent encore nécessaires afin d’affiner la sélection des patients.
RÉFÉRENCES :
1. Clementy N, Bisson A, Bodin A, Herbert J, Lacour T, Eti enne CS, et al. Outcomes associated with pacemaker implantation following transcatheter aortic valve replacement: A nati onwide cohort study. Heart Rhythm. 2021 Jun 17;S1547-5271(21)01730-6.
2. Erkapic D, De Rosa S, Kelava A, et al. Risk for permanent pacemaker aft er transcatheter aorti c valve implantati on: a comprehensive analysis of the literature. J Cardiovasc Electrophysiol. 2012;23:391–7.
3. Sammour Y, Banerjee K, Kumar A, Lak H, Chawla S, Incognito C, et al. Systematic Approach to High Implantati on of SAPIEN-3 Valve Achieves a Lower Rate of Conducti on Abnormalities Including Pacemaker Implantation. Circ Cardiovasc Interv. 2021 Jan;14(1):e009407.
4. Bisson A, Bodin TA, Herbert J, Lacour T, Saint Eti enne C, Pierre B, Clementy N, Deharro P, Babuty D, Fauchier L. Pacemaker implantation of balloon- or self-expandable aft er transcatheter aortic valve replacement in pati ents with aortic stenosis. J Am Heart Assoc. 2020;9:e015896.
5. Glikson M, Nielsen JC, Kronborg MB, Michowitz Y, Auricchio A, Barbash IM, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronization therapy: Developed by the Task Force on cardiac pacing and cardiac resynchronizati n therapy of the European Society of Cardiology (ESC) With the special contributi on of the European Heart Rhythm Association (EHRA). European Heart Journal. 2021. ehab364.