PREVENT : vers la fin des STEMI et des morts subites coronaires ?

J’ai été surpris du relativement faible écho donné à l’étude PREVENT, présentée cette année au congrès de l’ACC et publiée dans le Lancet1.

Peut-être l’absence de retombées économiques immédiates aurait-elle joué un rôle ? Pourtant les résultats de cette étude sont susceptibles d’avoir, dans le futur, un retentissement majeur. De quoi s’agit-il ? PREVENT est un essai randomisé ouvert, comparant, chez des coronariens pour la plupart stables, l’angioplastie associée à un traitement médicamenteux dit « optimal » au traitement médicamenteux seul (cf. page 21). En apparence, jusqu’ici, rien de bien nouveau par rapport à COURAGE, BARI-2D ou ISCHEMIA. Mais à la différence de ces études, PREVENT a réservé l’angioplastie à des plaques nonischémiantes (FFR normale), mais jugées vulnérables sur des critères d’imagerie endo-coronaire (IVUS, OCT). Les conséquences de ce choix de population cible sont majeures : on observe en effet une réduction importante (plus de 40 %), statistiquement significative, des événements cardiovasculaires pendant le suivi à long terme et cela alors même que le pronostic de la population de l’essai est globalement bon.

Ces résultats contrastent avec ceux des études précédentes, de COURAGE à ISCHEMIA, qui ciblaient des lésions serrées ischémiantes. Ils viennent confirmer l’hypothèse physiopathologique sur la genèse des accidents coronariens graves (infarctus ST+ et mort subite) qui veut que ces accidents soient liés à une occlusion coronaire soudaine par rupture d’une plaque jusqu’ici peu serrée et ne provoquant pas d’ischémie. Sceller de telles plaques avec un stent paraît donc réduire le risque de complications ultérieures, alors que le stenting de lésions ischémiantes ne modifie pas le pronostic, car l’ischémie chronique ainsi engendrée favorise le développement de mécanismes de protection qui vont limiter les conséquences
d’une occlusion ultérieure de l’artère.

Si les résultats de PREVENT sont confirmés par des études ultérieures, le défi sera alors de trouver des techniques non-invasives de détection des plaques vulnérables, qui pourraient être appliquées en population générale (à la différence de l’imagerie endo-coronaire) pour identifier une population susceptible de bénéficier d’une angioplastie sur ces lésions, avant la survenue d’un premier accident coronarien. On pourrait espérer ainsi une diminution drastique des infarctus avec sus-décalage de ST et des morts subites d’origine coronaire. Ce sont probablement les évolutions techniques du coro-scanner, assistées de techniques d’IA, qui pourraient apporter une solution applicable à grande échelle dans un futur relativement proche. D’ici là, la prévention va continuer de reposer avant tout sur un mode de vie « sain » et sur la détection des facteurs de risque et leur prise en charge, mais envisager une prévention primaire plus individualisée constituerait évidemment un progrès
considérable. Et avec cela, bonne rentrée !

 

PREVENT : la porte ouverte aux abus …
Heureusement, les résultats de l’étude PREVENT, présentée lors du congrès de l’ACC, n’ont pas eu un écho considérable. On ne peut que s’en réjouir, tant on imagine aisément comment ces résultats pourraient être exploités pour justifier de mettre un stent sur n’importe quelle sténose coronaire. PREVENT est un essai randomisé ouvert, comparant, chez des coronariens pour la plupart stables, l’angioplastie associée à un traitement médicamenteux dit « optimal » au traitement médicamenteux seul. En apparence, jusqu’ici, rien de bien nouveau par rapport à COURAGE, BARI-2D ou ISCHEMIA. Mais à la différence de ces études, PREVENT a réservé l’angioplastie à des plaques non-ischémiantes (FFR normale), mais jugées vulnérables sur des critères d’imagerie endo-coronaire (IVUS, OCT). Les conséquences de ce choix de population cible sont majeures : on observe en effet une réduction importante (plus de 40 %), statistiquement significative, des événements cardiovasculaires pendant le suivi à long terme et cela alors même que le pronostic de la population de l’essai est globalement bon. On voit venir d’ici la « revanche » de l’angioplastie coronaire (des angioplasticiens ?) : COURAGE, BARI-2D, ISCHEMIA s’étaient trompées de cible, en évaluant l’angioplastie sur des lésions responsables d’ischémie, en réalité peu dangereuses car, en cas d’occlusion, le myocarde ayant subi auparavant des épisodes répétés d’ischémie avait eu le temps de mettre en place des mécanismes de compensation, protégeant le muscle du risque d’infarctus lorsque surviendrait l’occlusion. Ici, au contraire, la FFR était négative : en cas d’occlusion, le myocarde n’est absolument pas préparé à résister à l’ischémie, nulle circulation collatérale n’a le temps de se mettre en place. Et, par voie de conséquence, « sceller » ces plaques vulnérables en y posant un stent va réduire le risque d’occlusion et de complications graves.

On oubliera vite que ni la mortalité, ni le risque d’infarctus ne sont significativement diminués. On oubliera aussi que les critères (au demeurant nombreux et plutôt complexes : surface endoluminale < 4mm², index de cœur lipidique > 315, athérome à chape fibreuse fine) documentés par imagerie endo-coronaire, qui ont présidé au choix de la population cible de l’essai, pour extrapoler aux « plaques molles » souvent décrites dans les comptes-rendus de coro-scanner. Les conséquences seront désastreuses : devant la moindre douleur thoracique, ou en présence de multiples facteurs de risque, on demandera un coro-scanner qui aura tôt fait de montrer la présence d’au moins une ou deux plaques supposées vulnérables ; la coronarographie sera alors pleinement justifiée pour pouvoir réaliser une angioplastie sur ces malheureuses plaques. Et. comme la maladie coronaire est une maladie évolutive, il faudra répéter les coro-scanner tous les un, deux, trois ou cinq ans (périodicité à définir…) pour s’assurer de l’absence d’apparition de nouvelles plaques vulnérables. À terme, plus un homme de plus de 60 ans, plus une femme de plus de 70 ans, n’auront échappé à la pose d’un ou plusieurs stents. Bref, si l’on n’y prend pas garde, l’extrapolation abusive des résultats de PREVENT risque d’aboutir à une véritable flambée de gestes inutiles, diagnostiques et thérapeutiques, avec des conséquences désastreuses sur l’équilibre financier de notre système de santé.

Dans le domaine médical, il faut toujours se méfier des extrapolations simplistes ; pour l’heure, le scanner coronaire ne peut pas donner d’informations comparables à celles obtenues par imagerie endocoronaire. PREVENT est une étude intéressante comme preuve de concept, pas comme guide de la pratique clinique.
Bonne rentrée aux unes et aux autres !

 

Nicolas Danchin

 

1. Park SJ et al. Lancet 2024 ; https://doi.org/10.1016/S0140-6736(24)00488-4

 

LIENS D’INTÉRÊT (10 dernières années) :
Subventions de recherche : Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, Intercept, Eli-Lilly, MSD, Pfizer, Sanofi. Honoraires pour conférences /consultance/études : Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, BMS,
Boehringer-Ingelheim, Daiichi Sankyo, Lilly, MSD, Novartis, Novo-Nordisk, Pfizer, Sanofi , Servier, UCB, Vifor.

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