Dans la cardioversion, le rivaroxaban soutient la comparaison avec les AVK même si les statistiques ne suivent pas !

X-VERT : (eXplore the efficacy and safety of once-daily oral riVaroxaban for the prEvention of caRdiovascular events in patients with nonvalvular a Trial fibrillation scheduled for cardioversion trial)
L’étude X-VERT a évalué l’efficacité et la tolérance du rivaroxaban pour la prévention du risque thromboembolique lors de la cardioversion pour FA non valvulaire.

 

Justification

Chez les patients en FA, la restauration du rythme sinusal par cardioversion électrique est largement utilisée. Sans traitement anticoagulant par les AVKs, le risque embolique est estimé à 5-7%, mais leur utilisation permet de le ramener à environ 1%. Les contraintes et les limites des AVKs peuvent en réduire l’efficacité. Les nouveaux anticoagulants, plus maniables, et qui ont prouvé leur supériorité dans d’autres indications, pourraient trouver leur place dans ce contexte. Les AVKs restant les anticoagulants de référence, une étude comparative était justifiée. Elle aurait dû, en toute rigueur, inclure 15 à 20 000 patients pour montrer ne serait-ce que la non-infériorité du rivaroxaban par rapport aux AVKs en partant du taux de 1% d’événements emboliques sous traitement. Les ambitions des investigateurs de X-VERT étaient plus modestes dans une approche qu’ils ont décrite comme exploratoire plutôt que statistique.

 

Protocole

Pour être inclus, (dans un des 60 pays) les patients devaient avoir une FA de durée ≥ 48 h et relever d’une indication de cardioversion électrique externe. Les mille cinq-cent-quatre patients inclus ont été stratifiés en 2 groupes selon que la cardioversion était possible rapidement (1 à 5 jours ; n = 872) ou devait être différée (≥ 21 jours ; n = 632). Ils étaient ensuite randomisés pour recevoir (dans un ratio de 2:1), en double aveugle, soit un AVK (INR 2-3), soit du rivaroxaban (dose orale unique de 20 mg/j ou de 15 mg/j si ClCr entre 30 et 49 mL/mn). Après la cardioversion, le traitement anticoagulant expérimental était poursuivi pendant 42 jours et l’anticoagulant oral les 30 jours suivants était laissé à l’appréciation des praticiens. Étaient exclus, en particulier, les patients avec AVC ou IDM récent ou les insuffisants rénaux (clairance créatinine < 30 mL/min).

 

Profil des patients

L’âge moyen était de 65 ans. Le CHA2DS2-VAS c était en moyenne à 2,3 et de 0 ou 1 chez 2/3 des patients, ce qui traduit donc, globalement, un très faible risque thromboembolique. Les caractéristiques basales de ces patients étaient par ailleurs bien équilibrées entre les 2 groupes.

 

Résultats

Pour l’efficacité, le critère principal d’évaluation était un composite de AVC/AIT, embolie périphérique, IDM ou décès cardiovasculaire. Il a été observé chez 5/978 des patients du groupe rivaroxaban et chez 5/492 de ceux du groupe AVK (RR 0,50, ic 95% 0,15 – 1,73). Le détail de ces événements cliniques est présenté dans le Tableau I.

Résultats 1 de l'étude X-VERT (ESC 2014)

Tableau I

Pour la tolérance, le critère principal d’évaluation était la survenue d’hémorragies majeures. Il a été observé chez 6/988 des patients du groupe rivaroxaban et chez 4/499 de ceux du groupe AVK (RR 0,76, ic 95% 0,21 – 2,67). La nature et le détail de ces événements hémorragiques sont présentés dans le Tableau II.

Résultats 2 de l'étude X-VERT (ESC 2014)

Tableau II

Parmi les critères secondaires d’évaluation, l’impact du traitement sur le délai de la cardioversion a été analysé. Dans le groupe des patients pouvant recevoir le choc rapidement (pas de thrombus en ETO), le délai ne différait pas significativement entre les deux traitements dans les limites des 5 premiers jours. A l’inverse dans celui des patients justifiant d’un choc différé, le délai de réalisation a été significativement plus court pour les patients recevant le rivaroxaban que pour ceux recevant un AVK (22 vs 30 jours ; p < 0,001). Un autre critère secondaire était la qualité du traitement anticoagulant dans le groupe justifiant d’une cardioversion différée. Elle était définie par l’observance pour le rivaroxaban (≥ 80%) et par le maintien d’un INR entre 2 et 3 lors de 3 contrôles hebdomadaires successifs pour les AVK. Un seul patient a été jugé non contrôlé dans le groupe rivaroxaban contre 95 dans le groupe AVKs (p < 0,001).

 

Conclusion

Même si les données présentées ici n’ont pas la valeur statistique qu’un effectif largement supérieur aurait pu leur donner, elles constituent une avancée très rassurante par rapport aux analyses précédentes qui étaient jusqu’à présent rétrospectives sur les sous-groupes de grandes études. La question sous-jacente d’une nouvelle indication est tout à fait recevable mais sans doute pour un niveau de preuve intermédiaire.

Jean-Louis Gayet

 

 

RÉACTION

Cardioversion dans la fibrillation atriale : une nouvelle indication des anticoagulants oraux directs ?

Les essais cliniques récents utilisant le dabigatran (RELY), le rivaroxaban (ROCKET AF) et plus récemment l’apixaban (ARISTOTLE) ont testé la faisabilité d’une cardioversion sous anti IIa ou anti Xa, mais il ne s’agissait pas de leur objectif principal. Ils ont montré qu’elle est possible sous couvert de ces nouveaux antithrombotiques, mais il restait l’interrogation de la pertinence de cette approche en l’absence d’étude randomisée spécifique. Malgré cela, les recommandations américaines de 2014, ne faisaient déjà plus de distinction entre AVK, dabigatran, rivaroxaban ou apixaban en prévention du risque thromboembolique de la cardioversion (niveau IIaC).

L’étude X-VERT a évalué le rivaroxaban chez des patients ayant une FA non valvulaire ≥ 48 heures traités par cardioversion électrique ou pharmacologique programmée.

Il n’y a pas eu de différence significative entre les deux groupes, tant pour le critère principal d’efficacité que pour le critère principal de tolérance. En considérant le bénéfice clinique net, sur le critère accident ischémique cérébral, accident embolique artériel et saignement majeur, les taux étaient respectivement de 0,61 et 1,22 %, soit un risque relatif à 0,5 (ic 95% 0,16-1,55).
Sur le critère de jugement AIC, accident embolique artériel, AIT, IDM, décès CV et saignement majeur, les taux étaient respectivement de 0,92% (rivaroxaban) et 1,63% (AVK), soit un RR à 0,57 (ic 95% 0,22-1,48).

Les limites de l’étude ont été soulignées dans l’éditorial de R Cappato, dans l’European Heart Journal.
Elle avait une puissance insuffisante pour apporter une preuve statistique indiscutable. Il faut cependant noter que le risque d’évènement thromboembolique artériel et hémorragique a été moindre sous rivaroxaban, que la cardioversion soit précoce ou différée.
L’avantage théorique de l’utilisation du rivaroxaban est dans la réduction du délai de la cardioversion et dans la non-nécessité de différer celle-ci afin d’attendre que, sous AVK, le patient atteigne l’INR cible.
De plus, la randomisation ouverte a introduit un biais dans l’adjudication des évènements, un risque toutefois atténué grâce à une évaluation en aveugle par un comité indépendant. Enfin, une proportion similaire de patients, 15,6% dans le bras rivaroxaban et 20,3% dans le bras AVK a arrêté le traitement, preuve d’une compliance thérapeutique suboptimale.

Il apparait donc que le rivaroxaban est un traitement alternatif aux AVK, permettant d’effectuer sans risque une cardioversion électrique ou pharmacologique chez les patients présentant une FA non valvulaire d’une durée > 48 heures.

Ariel Cohen
Hôpital Saint-Antoine, Paris

Article paru dans le CORDIAM N°1 (Octobre 2014)
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