D’après les données issues du registre CeRtiTuDe, ne pas associer la défibrillation à la resynchronisation chez certains insuffisants cardiaques à un stade avancé peut se justifier en pratique clinique.

CeRtiTuDe : Cardiac Resynchronization Therapy Defibrillator (CRTD)

 

Contexte et hypothèse

La resynchronisation par Pacemaker (Cardiac Resynchronization Therapy ou CRT-P) a fait la preuve de son efficacité pour améliorer le pronostic fonctionnel et vital d’une large catégorie d’insuffisants cardiaques. L’un des critères d’indication est l’altération de la fonction VG qui, lorsqu’elle est < 35%, justifie aussi, en ellemême, l’implantation d’un défibrillateur automatique.

Il n’y a toutefois pas de recommandations très précises sur cette double indication (CRT-D). En outre, la réalité des pratiques ne semble pas en refléter la nécessité dans une proportion aussi importante de patients qu’on pourrait le supposer.

Les données du registre multicentrique français CeRtiTuDe, présentées à ce congrès de l’ESC, avaient pour objectif de vérifier, parmi les patients avec double indication théorique, mais n’ayant eu qu’une CRT-P, si des décès auraient pu être prévenus par l’implantation associée d’un défibrillateur (CRT-D).

 

Méthode

1 705 patients consécutifs équipés (dans 41 centres) soit en CRT-P (535), soit en CRT-D (1 170) ont été inclus entre 2008 et 2010. L’indication de CRT était conforme aux recommandations du moment pour refléter la pratique quotidienne.

 

Résultats

Les patients avec CRT-P (sans défibrillateur) étaient significativement plus âgés, moins souvent de sexe masculin, plus symptomatiques, moins souvent coronariens, avec des QRS plus larges, plus de FA et plus de co-morbidités. Le suivi programmé à 2 ans a été possible chez 94,5% des patients avec 267 décès.

Le risque était deux fois plus élevé (figure) chez les patients non équipés d’un défibrillateur (risque relatif 2,01 ; ic à 95% 1,56 – 2,58 ; p = 0,0001) et il restait significativement plus élevé après prise en compte des principaux facteurs confondants (rapport de risque 1,54 ; ic à 95% 1,07- 2,21 ; p = 0,0209).

La resynchronisation n’était pas associée à un excès de morts subites (risque relatif 1,21% avec ic à 95% 0,45 – 3,29 ; p = 0,70) et une vaste majorité de décès sous CRT-P (95%) était imputable à une autre cause qu’une mort subite.

Registre CeRtiTuDe (ESC 2015)

 

Conclusion

Les données du registre CeRtiTude montrent qu’en pratique quotidienne, le choix de ne pas associer de défibrillateur au dispositif de resynchronisation chez certains des patients qui pourraient en théorie en tirer bénéfice n’est pas responsable d’une perte de chance. Le caractère pragmatique de ce choix parmi les patients du registre CeRtiTude doit cependant rendre très prudent sur les conclusions de ce travail.

Jean-Louis Gayet

 

 

RÉACTION

Pourquoi CeRtiTuDe ?

CeRtiTuDe est un registre mené par la Société Française de Cardiologie, opérationnel depuis 2008. La raison pour laquelle il a été réalisé est qu’il n’y a pas de recommandations établies sur des preuves dans le choix, pour les insuffisants cardiaques devant être resynchronisés, entre resynchronisation seule (CRT-P) ou avec défibrillateur (CRT-D). Dans les recommandations ESC de 2013 il est clairement spécifié : en l’absence de supériorité prouvée par des essais, le groupe d’experts ayant rédigé la publication pense qu’il n’est pas possible de faire des recommandations strictes et préfère proposer des « pistes » concernant la sélection des patients pour lesquels il faut plutôt choisir l’une ou l’autre des options.

Ce choix, suivant les pays, est très variable avec par exemple un taux de CRT-D par rapport au CRT-P proche de 90% aux États-Unis alors que la moyenne en Europe est plutôt de trois quarts et un quart, la France se situant à des chiffres assez proches de cette moyenne européenne. Les résultats de CeRtiTuDe comme montrés ci-contre font état d’une mortalité bien supérieure chez les patients appareillés d’un CRT-P mais l’analyse précise des causes de décès montre que dans 95% des cas les décès dans le groupe CRT-P n’étaient pas des décès rythmiques, ce qui montre que, très probablement, ces patients n’auraient pas bénéficié de l’ajout d’un défibrillateur. Le profil des patients implantés d’un CRT-P en France correspond tout à fait aux « pistes » proposées par les recommandations de l’ESC, c’est-à-dire des patients plus âgés avec plus de comorbidités, avec plus souvent une cardiomyopathie dilatée qu’une cardiopathie ischémique et avec plus souvent une fibrillation atriale.

Ces conclusions du registre CeRtiTuDe ont de toute évidence une implication médico-économique, le cout d’un CRT-P étant bien sûr inférieur à celui d’un CRT-D. Elles montrent que la resynchronisation simple sans défibrillateur a toute sa place chez certains patients mais également que des essais randomisés restent nécessaires pour comparer les deux approches chez certaines catégories de malades.

J.-Y. Le Heuzey,
Hôpital Georges Pompidou, Université René Descartes, Paris

Article paru dans le CORDIAM N°8 (Octobre-Novembre 2015)
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