Implantation de pacemaker ou de défibrillateur sans interruption des anticoagulants oraux directs

Contexte et hypothèse

L’utilisation d’anticoagulants oraux est fréquente chez les patients nécessitant l’implantation d’un dispositif électronique cardiovasculaire implantable (DECI). L’essai BRUISE CONTROL avait démontré une réduction de l’incidence des hématomes de loge de 80% lorsque la chirurgie était effectuée sans interruption de la warfarine. Désormais, la majorité des patients atteints de fibrillation atriale, sont sous anticoagulants oraux directs (AOD), pour lesquels le management périopératoire est moins bien codifié, en raison de l’absence de consensus. L’hypothèse était que l’implantation de pacemaker ou de défibrillateur sans l’interruption des AOD entraînerait une réduction du taux d’hématome.

Critères d’inclusion

  • Patient âgé d’au moins 18 ans ayant la mise en place d’un dispositif électronique cardiovasculaire implantable (implantation de PM/DAI de novo, changement de boitier, changement de sondes ou révision de loge) ;
  • Fibrillation atriale/flutter atrial d’origine non rhumatismale à risque modéré à élevé de complications thrombo-emboliques artérielles, défi ni par un score CHA2DS2-VASc ≥ 2 ;
  • Sous Dabigatran, Rivaroxaban ou Apixaban depuis au moins 5 jours

Critères d’exclusion 

  • Débit de filtration glomérulaire <30 ml/min
  • Maladie valvulaire rhumatismale significative
  • Valve cardiaque mécanique
  • Infection active de l’appareil

Plan d’étude et traitements étudiés

Il s’agit d’un essai contrôlé randomisé multicentrique, en simple aveugle.
Randomisation des patients en 2 groupes :
– Poursuite des AOD durant la période opératoire, avec prise de la dose habituelle le matin de l’intervention
– Interruption des AOD, avec prise de la dernière dose de Rivaroxaban ou d’Apixaban 48h avant la chirurgie (délai d’interruption dépendant de la fonction rénale pour le dabigatran) et reprise de la dose régulière après au moins 24h de la chirurgie

Critères de jugement

Critère principal
Hématome cliniquement signifi catif, défi ni comme un hématome nécessitant : une prolongation de l’hospitalisation et/ou une interruption de l’anticoagulation ≥ 24h et/ou une évacuation chirurgicale. Le résultat principal a été évalué en aveugle.
Critères secondaires
Tous les autres saignements périopératoires majeurs et mineurs, les événements thrombo-emboliques, les coûts et la satisfaction des patients.

Taille de l’échantillon et hypothèses statistiques

Dans BRUISE CONTROL -1, des hématomes significatifs cliniquement sont survenus chez 54/338 (16,0%) du groupe relais par héparine. L’hypothèse émise était que le taux d’hématome du groupe AOD interrompu serait similaire. Afin de détecter une réduction du risque relatif de 40% du critère principal dans le groupe expérimental (poursuite AOD) et 80% de puissance, en utilisant le test du khi-deux, un échantillon de 846 patients était nécessaire (423 dans le bras interruption AOD et 423 dans le bras poursuite AOD). Il n’a pas été prévu de taux importants de non-conformité et de perdus de vue.

Population

Recrutement de 662 patients dans 16 centres (15 au Canada et 1 en Israël) entre le 9 avril 2013 et le 1er juin 2017. Programmation de deux analyses intermédiaires après recrutement et analyse de 33% et 66% des patients. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes, hormis une utilisation plus importante d’agents hémostatiques en per opératoire en cas de poursuite des AOD (p=0.035).

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Résultats

Etude interrompue prématurément par la DSMB après la deuxième analyse intermédiaire devant l’absence de différence dans les résultats, après un total de 590 patients randomisés.
Critère principal
Le taux d’hématomes cliniquement significatifs était similaire dans les 2 groupes (7 patients/328 2.1%) dans le groupe poursuite AOD contre 7 patients/334 dans le groupe interruption AOD (2.1%), soit un p à 0.973).
Critères secondaires
Il n’y avait également pas de différence dans les critères secondaires de jugement.

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Conclusion

La poursuite d’une anticoagulation curative par AOD, par rapport à son interruption, ne diminue pas le taux d’hématome cliniquement signifi catif chez les patients implantés d’un DECI. En effet, ces deux stratégies (poursuite ou interruption de l’AOD) sont associées à des taux similaires, très faibles d’hématome de loge, avec une sécurité équivalente (les taux de complications thrombo-emboliques cérébrales étant similaires dans les deux groupes). Ces deux stratégies sont donc acceptables, permettant ainsi au praticien d’être libre d’interrompre le traitement anticoagulant chez les patients à haut risque hémorragique ou de le poursuivre chez les patients à plus haut risque thrombo-embolique.

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