Hearts (four)
Andy Warhol
Pascal Gueret
pascalgueret46@gmail.com

Dessinateur publicitaire de formation et illustrateur, puis devenu peintre aux talents multiples, et aussi réalisateur et producteur de films, Andy Warhol est une des figures les plus importantes du Pop Art, proposant au sein de ce mouvement américain né au début des années soixante une réévaluation radicale de ce qui constitue le sujet artistique.

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Succédant et s’opposant en tous points au mouvement de l’expressionisme abstrait qui dominait jusqu’alors sans partage la vie artistique américaine animée par des peintres comme Mark Rothko ou Jackson Pollock, le Pop Art s’adressait initialement aux visiteurs habituels des galeries et des musées. Mais il a rapidement touché le grand public qui reconnaissait dans les thèmes traités les objets usuels de la société de consommation et, pour ce qui concerne Andy Warhol, des personnages mythiques de la société américaines et du star system comme des acteurs de cinéma (Liz Taylor, Elvis Presley puis Marilyn Monroe) ou des hommes politiques, produits commerciaux parmi d’autres.

Les artistes du Pop Art adoptaient les modes de production industriels afin de rendre leur travail plus impersonnel voire mécanique. Andy Warhol qui déclarait « Je voudrai être une machine » tentait d’effacer sa propre présence en tant qu’auteur de l’oeuvre, tout en ne refusant pas les honneurs que sa célébrité d’artiste star faisait rejaillir sur lui. Il s’intitulait lui même « business artist » et avait appelé son atelier the Factoty, l’usine, où il travaillait avec ses très nombreux assistants (the boys and the girls) comme le faisaient Rubens à la Renaissance ou plus près de nous Auguste Rodin.

De façon moins systématique que son contemporain Jim Dine qui en fi t presque une seconde signature, Warhol a beaucoup traité le thème du cœur, dès les années 70 mais avec des constantes dans son approche : grande sobriété dans le dessin en reprenant la forme stylisée très répandue et immédiatement reconnaissable par tous de ce symbole de l’amour, usage quasi systématique de la sérigraphie, présentation symétrique par 4 sous forme de 2 rangées superposées, réalisation monochrome ou polychrome mais en faisant le choix de couleurs complémentaires et toujours sur un fond uni.

L’oeuvre présentée ici est datée de 1983. En première approche, elle peut ne pas accrocher le regard du spectateur qui la trouvera banale et peu émouvante. Pourtant, une analyse plus attentive va en faire apparaître l’intérêt car elle est un exemple très représentatif de ce sujet lorsqu’il est traité par Andy Warhol. Les 2 cœurs de la rangée supérieure sont de couleurs vives et chaudes, le passage du jaune au vert étant réalisé avec une transition douce, pouvant évoquer pour le spectateur la représentation d’un coucher de soleil sur une prairie, alors ceux de la rangée inférieure sont colorés en bleu, couleur froide de la nuit ou du crépuscule, cette impression étant renforcée par l’aspect non uniforme de la répartition de la couleur, évoquant de la brume ou un léger voile nuageux, fruit d’un joli travail de transparence. Cette présentation n’a recours à aucun effet de perspective, mais le choix de la couleur rose pour le fond donne à l’ensemble l’illusion d’un certain relief. Enfin, l’aspect brillant est rendu par le recours au procédé de la « giclée » ou pulvérisation du matériau (indiqué par Warhol comme « poudre de diamant ») afin de saturer le support et produire l’aspect scintillant que reflète la toile.

Le spectateur peut alors laisser libre cours à son imagination puisque « la vie n’est-elle pas une série d’images qui changent à mesure qu’elles se répètent ? » (Andy Warhol)

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