La maladie coronaire athéromateuse (MC) a grandement évolué depuis 30 ans dans sa prise en charge thérapeutique mais aussi pour la qualité de vie des patients. Ainsi, il n’est pas rare aujourd’hui que le cardiologue soit sollicité pour répondre à des demandes de patients concernant la pratique d’une activité physique et/ou sportive. De nouvelles recommandations sur le sujet qui peuvent guider le praticien dans sa décision sont disponibles (1, 2, 3).
Place de l’épreuve d’effort pour l’autorisation à la pratique sportive intense
La pratique sportive a deux facettes. D’un côté, pratiquée régulièrement elle diminue le risque de développer une MC bien qu’elle n’immunise jamais totalement contre celle-ci. De l’autre côté le risque de survenue d’un accident cardiovasculaire est transitoirement accru lors d’une pratique sportive intense. L’incident révèle alors le plus souvent une pathologie jusque-là silencieuse. Chez
le sujet de plus de 35 ans c’est la MC qui est presque toujours (85%) en cause (4). On estime le nombre annuel d’infarctus du myocarde et l’incidence annuelle de mort subite liés au sport à respectivement 1500 et 1/25-50 000 pratiquants (4, 5). La victime est le plus souvent un homme sportif de loisir âgé de 45 à 50 ans (5). L’épreuve d’effort (EE) reste un examen moderne. La valeur de la capacité physique individuelle proposée comme meilleur marqueur d’espérance de vie, indépendant des pathologies éventuelles du sujet, en témoigne (6). L’EE est donc essentielle pour évaluer le sujet qui désire pratiquer un sport intense, en particulier en compétition (1, 2). Cependant, vu ses limites et en particulier sa faible sensibilité pour détecter une plaque athéromateuse non hémodynamiquement significative mais instable et à risque élevé de rupture, l’indication de l’EE chez le sportif ne doit pas être systématique. Elle doit être ciblée en se basant sur le risque potentiel pré-test estimé individuellement.
Quatre éléments aident le médecin à évaluer ce risque, l’examen clinique, le passé sportif, l’activité sportive souhaitée et le risque cardiovasculaire individuel (1).
L’examen clinique associe l’interrogatoire à la recherche de symptômes et/ou d’antécédents cardiovasculaires notables personnels ou familiaux et l’examen physique à la recherche d’une anomalie. L’interrogatoire précisera aussi l’histoire sportive, sujet actuellement entraîné ou non, et le type et l’intensité de la pratique sportive souhaitée. Les contraintes cardiovasculaires des exercices sont classiquement décrites comme volumétriques pour les efforts dynamiques et barométriques pour les efforts statiques. La plupart des sports sont mixtes et peuvent être classés Figures 1 et 2 en fonction de leurs contraintes (7).
L’intensité de la pratique sportive se chiffre en METs (1 MET = 3,5 mlO2/min/kg), faible si inférieure à 3 METs, modérée entre 3 et 6 METs et élevée au-dessus de 6 METs.
Enfin le risque cardiovasculaire individuel sera classé en modéré, élevé ou très élevé Tableau 1.
Il faut noter que l’âge a un impact majeur sur le risque cardiovasculaire pour la pratique d’un sport intense donc en compétition. Ainsi, d’après l’index SCORE une EE est recommandée pour les sportifs compétiteurs à partir de 60 ans. Les indications recommandées pour la réalisation d’une EE chez les sportifs ou chez ceux désireux de pratiquer un sport viennent d’être actualisées par la Société Française de Cardiologie Tableau 2.
Il est à noter qu’aucune des nouvelles recommandations ne parlent de la réalisation systématique du score calcique, recommandé à partir de 40 ans dans les recommandations américaines du Nord en 2005, comme examen de dépistage de la maladie coronaire pour la pratique sportive intense.
Quelle pratique sportive pour quel coronarien ?
Les nouvelles recommandations, européennes (2018 ; 2) et américaines du Nord (décembre 2015 ; 3), basées sur les classifications de grade (I à III) et les niveaux de preuves (A à C) classiques, proposent des attitudes très proches pour l’autorisation de la pratique sportive. Sans surprise dans ce contexte très spécifique, la preuve est le plus souvent de niveau C.
Ces recommandations rappellent que l’inactivité physique et la sédentarité sont des facteurs de risque cardiovasculaires indépendants (2, 3). Ainsi, la réadaptation, avec réentraînement physique, post-événement coronaire aigu est recommandée (IA) par toutes les sociétés savantes (2, 3). Au décours de l’accident les pratiques sportives en loisir sont toujours recommandées (2, 3).
Parmi ces patients qui sont coronariens avant d’être sportifs, certains désirent poursuivre ou débuter une pratique sportive en compétition. Leur cardiologue a encore tendance à trop souvent freiner, de manière pas toujours justifiée, leurs velléités.
Dans les recommandations, la notion de compétition est définie comme une pratique sportive basée sur un entraînement intense structuré pour obtenir les meilleurs classements ou performances possibles dans des compétitions officielles (2, 3).
Les recommandations proposées sont aussi applicables pour les professions physiquement à risque (armée, pompiers, pilotes, …) (3).
Ces nouvelles recommandations sont plus permissives que les précédentes, datant il est vrai de 2005, et précisent que la pratique du sport en compétition par un coronarien bien équilibré ne doit être totalement interdite que si le risque d’accident coronaire aigu ou d’aggravation de la pathologie coronaire est très marqué (2, 3). La première étape à réaliser est donc de préciser le niveau de risque de survenue d’un accident cardiovasculaire aigu du patient vis à vis de la pratique sportive Tableau 3.
La classification se basera sur les données d’un bilan cardiovasculaire de repos et d’effort réalisé sous traitement, avec au mieux dans ce contexte spécifique une EE couplée à l’analyse des échanges gazeux, complet. Les recommandations vis à vis de la pratique sportive en compétition sont résumées dans le Tableau 4 (plus bas).
Outre la place de la rééducation l’analyse de ces nouvelles recommandations permet de souligner plusieurs points importants à notre avis pour les conseils aux patients :
• La place majeure de l’EE Figure 3 pour la détection, l’évaluation, et le suivi de la maladie coronaire du sportif dans les recommandations européennes (2).
• L’importance dans les recommandations américaines de l’implication du patient dans le choix de poursuivre ou non une pratique sportive en compétition après une analyse objective avec le cardiologue du rapport bénéfices/risques physiques et psychologiques de l’exercice intense (recos américaines ; IC, 3).
• La place essentielle dans les recommandations européennes de l’éducation du sportif pour le respect des bonnes règles de pratique sportive (cf. règles d’or téléchargeables sur le site du Club des Cardiologues du Sport clubcardiosport.com) qui doivent lui être expliquées.
• Les recommandations américaines du Nord soulignent la nécessité pour les patients avec une maladie coronaire symptomatique désireux de reprendre une pratique sportive en compétition de suivre un traitement hypolipémiant agressif (IA, 3).
• Les recommandations européennes, qui sont globalement un peu moins permissives pour la reprise de la compétition Tableau 4, insistent sur l’impact de l’âge du patient coronarien. Ainsi à partir de 60 ans la pratique en compétition des sports avec les contraintes les plus élévées (classés IIIC tableau) sont contre indiqués.
• La nécessité d’essayer d’obtenir une revascularisation complète pour autoriser au cas par cas une pratique sportive en compétition pour les recommandations européennes (IIaC, 2).
• L’interdiction de pratique de sports avec chocs en cas de traitement avec double anti agrégation dans les recommandations européennes (2).
Conclusion
Des nouvelles recommandations concernant la pratique sportive et la maladie coronaire sont à la disposition des praticiens. D’une part, elles guident le médecin pour l’indication, ciblée en fonction du risque cardiovasculaire individuel, de l’épreuve d’effort avant la pratique d’une activité physique intense.
D’autre part, elles aident le cardiologue pour l’autorisation à poursuivre la pratique sportive en cas de maladie coronaire dans ce cadre elles sont plus permissives pour le patient coronarien à faible risque d’accident aigu que les précédentes recommandations.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
François Carré
CHU Pontchaillou – Université Rennes 1-INSERM U1099
francois.carre@univ-rennes1.fr
RÉFÉRENCES
1. Marcadet DM, Pavy B, Bosser G et al. French Society of Cardiology guidelines on exercise tests (part 2): Indications for exercise tests in cardiac diseases. Arch Cardiovasc Dis 2018. doi. org/10.1016/j.acvd.2018.07.001
2. Borjesson M, Dellborg M, Niebauer J et al. Recommendations for participation in leisure time or competitive sports in athletes-patients with coronary artery disease: a position statement fromthe Sports Cardiology Section of the European Association of Preventive Cardiology (EAPC). European Heart Journal (2018) 0, 1–8 doi:10.1093/eurheartj/ehy408
3. Thompson PD, Robert J. Myerburg RJ, Levine, BD et al. Eligibility and disqualification recommendations for competitive athletes with cardiovascular abnormalities: Task Force 8: Coronary artery disease A Scientifi c Statement from the American Heart Association and American College of Cardiology. J Am Coll Cardiol 2015; 66: 2106 – 11.
4. Schmied C, Borjesson M. Sudden cardiac death in athletes. J Intern Med 2014; 275: 93–103.
5. Chevalier L, Hajjar M, Douard H et al. Sports-related acute cardiovascular events in a general population: a French prospective study. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil, 2009. 16: 365-70.
6. Ross R, Blair SN, Arena R et al. Importance of assessing cardiorespiratory fitness in clinical practice: a case for fitness as a clinical vital sign. A scientific statement from the American Heart
Association. Circulation. 2016;134:e653–e699.
7. Levine BD, Baggish AL, Maron MS et al. Eligibility and disqualifi cation recommendations for competitive athletes with cardiovascular abnormalities: Task Force 1: classification of sports: dynamic, static, and impact. A scientific statement from the American Heart Association and American College of Cardiology. J Am Coll Cardiol 2015 : 66: 2102-2104