Ticagrelor or Prasugrel in Patients with acute coronary syndromes

Contexte et hypothèse

 

Les dix dernières années ont été marquées par l’avènement du ticagrelor et du prasugrel, qui ont remplacé le clopidogrel dans le syndrome coronarien aigu (SCA).
Ces antiplaquettaires sont des inhibiteurs du récepteur P2Y12 à l’adénosine di-phosphate (ADP). Pour rappel, l’ADP est secrétée par les cellules de l’endothélium coronaire lésé par la plaque d’athérome, mais aussi par les plaquettes riches en granules lors de l’adhésion. La liaison ADP–récepteur P2Y12 entraine l’activation du récepteur des glycoprotéines IIb/IIIa et la fixation de thrombine, responsable d’une boucle auto-stimulatrice d’activation et d’agrégation plaquettaire. L’inhibition du complexe ADP-P2Y12 par le prasugrel et le ticagrelor freine ainsi la formation et la stabilisation du thrombus intra-coronaire lors des SCA. Les études PLATO et TIMI-TRITON 38 ont associé l’usage de ces puissants inhibiteurs du P2Y12 a une diminution de 20 % d’évènements ischémiques en comparaison au clopidogrel, dont l’effet est soumis aux polymorphismes CYP2C290.

Que savions nous jusqu’à maintenant ? Les caractéristiques du ticagrelor et du prasugrel et leurs essais cliniques respectifs PLATO et TIMI-TRITON 38 sont décrits dans le tableau 1.

 

 

Par la suite, l’étude ACCOAST a démontré l’absence de bénéfice d’une dose de charge de prasugrel avant de connaitre l’anatomie coronaire chez les patients admis pour un SCA ST-, et un sur-risque de saignement. Les recommandations ont alors lié les 2 molécules à 2 stratégies différentes pour les patients admis pour un SCA ST-. En 2016, PRAGUE-18 était la première étude comparant le ticagrelor et le prasugrel chez les patients avec un SCA. Avec des critères de jugement sur le court-terme, et un taux d’inclusion et d’évènements bas, PRAGUE-18 fut arrêtée prématurément pour futilité (n=1200 patients) sans montrer de différence entre l’effet des 2 molécules. C’est dans ce contexte que l’étude ISAR-REACT 5 menée par une équipe allemande, ne va pas seulement comparer le prasugrel au ticagrelor, mais aussi les timings de dose de charge pour les SCA ST-.

Critères d’inclusion

 

Hospitalisations pour un SCA avec indication d’une revascularisation coronaire.

Critères d’exclusion

 

Saignement actif, anticoagulation, antécédent d’AVC, patients dialysés, insuffisance hépatique modérée ou sévère, interactions médicamenteuses.

Plan d’étude et traitements étudiés

 

II s’agit d’un essai clinique randomisé ayant pour but de comparer l’effet du ticagrelor à celui du prasugrel. ISAR-REACT 5 est une étude initiée par des d’investigateurs cliniciens (et non pas par une firme pharmaceutique), multicentrique et randomisée en ouvert. Les analyses ont été effectuées en intention de traiter pour les critères d’efficacité. Pour les critères de tolérance (saignements), tous les patients ayant reçu au moins une dose du traitement assigné ont été évalués, jusqu’à 7 jours après l’interruption du traitement. Dans le bras ticagrelor, les patients avec un angor instable ou un SCA ST- recevaient la dose de charge dès la randomisation, au même titre que les SCA ST+. Pour les patients avec un SCA ST- ou angor instable du groupe prasugrel, la dose de charge n’était donnée qu’une fois la lésion détectée et la décision prise d’implanter un stent.

Critères de jugement

 

Critères de jugement principal
composite associant décès, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral 12 mois après la randomisation

Critères secondaires
saignement BARC grade 3 (perte d’hémoglobine> 3 g/dL, nécessité de transfusion, ou saignement intracrânien) ou grade 5(saignement fatal). Critères individuels du critère composite principal. Malgré son design ouvert, cette étude a usé d’un comité d’adjudication des évènements cliniques et d’un laboratoire centralisé indépendant pour les coronarographies.

Taille de l’échantillon et hypothèses statistiques

 

L’hypothèse testée par les investigateurs était une plus grande efficacité du ticagrelor sur le prasugrel chez les patients avec un SCA, avec respectivement 10 % d’évènements contre 12.9 % à 1 an. En calculant les effectifs pour une puissance de 80 %, les investigateurs ont estimé qu’il était nécessaire d’inclure 1895 patients par groupe. En comptant les possibles perdus de vus, ils ont estimé à 4000 patients le nombre d’inclusions nécessaires.

Population

 

Entre septembre 2013 et février 2018, 4018 patients de 23 centres (Allemagne et Italie) ont été inclus dans l’étude ISAR-REACT 5. Leurs caractéristiques sont présentées dans le tableau 2.

 

 

Résultats

 

Critère de jugement principal
À 1 an après la randomisation, le taux du critère de jugement principal décès, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral était plus élevé dans le groupe ticagrelor que dans le groupe prasugrel (9.3 % vs. 6.9 %, HR = 1.36, 95 % CI [1.09 – 1.70], p=0.006 (figure 1).

 

 

Ce résultat était lié à un risque plus élevé d’infarctus du myocarde dans le groupe ticagrelor que dans le groupe prasugrel (4.8% vs. 3.0%, HR = 1.63, 95 % CI[1.18 – 2.25].

Critères secondaires
Il n’y avait pas de différence dans la survenue de saignements BARC 3 ou 5 entre les 2 groupes (5.4 % vs. 4.8 %, HR = 1.12, 95% CI [0.83 – 1.51], p=0.46.

Mortalité totale
Il n’y avait pas de différence du taux de mortalité entre le groupe ticagrelor et le groupe prasugrel (4.5 % vs. 3.7 %, HR = 1.23, 95%CI[0.91 – 1.68].

Analyses de sous-groupes
Les résultats observés étaient homogènes dans tous les sous-groupes d’intérêt, notamment les SCA ST+ et SCA ST-.

Conclusion

 

Dans cette étude, une stratégie utilisant le prasugrel est associée à une meilleure prévention des évènements ischémiques en comparaison à une stratégie comprenant le ticagrelor, sans sur-risque hémorragique. Ces résultats peuvent être expliqués par un effet anti-ischémique supérieur du prasugrel, et à une meilleure tolérance d’administration une fois les lésions coronaires connues chez les patients avec un SCA ST- (cf résultats de ACCOAST). Avec des limites seulement mineures (randomisation ouverte), l’étude académique ISAR-REACT 5 pourrait modifier les pratiques du SAMU, en USIC et en salle de cathétérisme pas seulement sur les molécules mais aussi sur le timing des administrations de dose de charge pour les SCA ST-.

 

Michel Zeitouni, Action Study group

Commentaire(0)