Caroline Chong-Nguyen
Thomas Rolland,
Service de cardiologie, Hôpital Bichat

Vous venez d’accepter en USIC une patiente de 38 ans amenée par le SMUR pour palpitations avec tachycardie à QRS larges à 200/min. Le SMUR a déjà administré du Diltiazem IV à la patiente ce qui a accéléré la tachycardie à 250/min.
Elle est enceinte de 9 mois, avec comme seul antécédent des palpitations à l’effort depuis l’enfance et ne prend aucun traitement.
A l’arrivée en USIC : TA 110/70, pas de signe clinique de choc, pas de désaturation, pas de signe d’insuffisance cardiaque. L’échographie cardiaque réalisée au lit est normale.

Voici son ECG d’entrée (ECG 1) :

QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?
QUELLE EST VOTRE PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE ?

Réponses

Les diagnostics différentiels à évoquer devant une tachycardie irrégulière à QRS larges sont :

  • Super-Wolff (FA + conduction antérograde par faisceau de Kent malin avec pré-excitation majeure)
  • Tachycardie ventriculaire polymorphe avec quelques captures ventriculaires (mais ici présence de plusieurs QRS fi ns successifs avec aspect évocateur de pré-excitation surtout visible en V1, caractère très irrégulier de la tachycardie)
  • Tachycardie supraventriculaire + bloc de branche fonctionnel (mais ici l’aspect du QRS n’est pas en faveur, on ne retrouve pas d’aspect de BBD ou BBG classique et l’élargissement des QRS n’est pas fréquence dépendant). L’association tachycardie très irrégulière à QRS larges et QRS de largeurs différentes avec parfois QRS fi ns fait retenir le diagnostic de Super-Wolff. Les QRS fi ns correspondent à la dépolarisation ventriculaire passant par les voies de conduction rapide de façon orthodromique (NAV puis His puis Purkinje) tandis que les QRS larges correspondent à la dépolarisation ventriculaire par le faisceau de Kent. Le syndrome de WPW fait classiquement référence à la présence d’une voie accessoire, donnant la pré-excitation, associée à des tachyarythmies généralement récurrentes. En rythme sinusal, l’ECG de repos présente les caractéristiques suivantes : (i) un intervalle PR court (≤120 ms); (ii) un empâtement ascendant (ou descendant) du complexe QRS («onde delta»). Dans la plupart des cas, le cœur est structurellement normal.

 

Les critères de gravité observés sur ce cas sont :

  •  le RR très court inférieur à 250 ms à rechercher systématiquement, du fait du risque élevé
    de mort subite par dégénérescence de FV.
  • l’injection du Diltiazem, inhibiteur calcique bradycardisant aggrave la FA pré-excitée par
    blocage du NAV favorisant le passage par la voie accessoire.

 

Prise en charge

Une fois les patchs de défibrillation mis en place (haut risque de fibrillation ventriculaire), la prise en charge a consisté en une première injection de Flécaïne IV (1mg/kg) qui a permis de bloquer la voie accessoire mais la FA persistait avec une fréquence ventriculaire moindre autour de 120/min. (ECG 2)

20 minutes plus tard, on constate la réapparition de la voie accessoire pré-excitée comme l’ECG initial, une nouvelle injection de flécaïne® IV (1mg/kg) qui a permis de bloquer la voie accessoire puis de restaurer un rythme sinusal. (ECG 3)

Après vérification du bien être fœtal (échographie de bien être fœtal et monitoring cardiaque fœtal) et exclusion d’une indication d’extraction fœtale en urgence, l’anticoagulation a été débutée. Les options thérapeutiques dans le cadre d’une FA pré-excitée ou super Wolff sont donc :

  • la flécaïne® n’est pas contre-indiquée durant la grossesse (Classe IIb ESC 2019).
  •  la cordarone® n’est plus recommandée en cas de FA pré-excitée devant des cas rapportés de
    conduction exacerbée par la voie accessoire sous cordarone (Classe III ESC 2019).
  •  une cardioversion électrique sous anesthésie si échec.
  •  l’ablation par radiofréquence du faisceau de Kent après l’accouchement

Tout bloqueur du nœud (bêta-bloquant, inhibiteur calcique bradycardisant) est formellement contre-indiqué.

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