Corazón est l’une des 15 gouaches réalisées par Salvador Dali entre 1959 et 1976 à la demande de la filiale espagnole d’un laboratoire pharmaceutique qui désirait envoyer chaque année à ses clients une carte de vœux à l’approche des fêtes de Noël. Le thème général demandé à l’artiste qui était catholique et avait épousé Gala religieusement était celui de la régénérescence et de la métamorphose.

 

La réalisation de ce travail s’est déroulée sur presque 2 décennies et témoigne de l’évolution de l’artiste dans son processus créatif au cours de cette période. Corazón date de 1968. Bien qu’elle soit beaucoup plus tardive que la période surréaliste de 1930-1940, on retrouve dans cette oeuvre tout l’imaginaire onirique de Dali développé à son paroxysme lorsqu’il appartenait à ce mouvement. Le cœur et l’arbre de Noël qui occupent pratiquement tout l’espace reposent sur un rocher aride. Du cœur transpercé et éclaté par une puissante flèche s’échappe un arbre dont les branches sont constituées de plumes d’un beau bleu-vert, couleur froide complémentaire du rouge orangé et chaud choisi pour le cœur. Thème de la régénérescence des organes vitaux à partir de la nature, le cœur est représenté sous la forme symbolique et schématique habituelle, et seul le vaisseau naissant de la partie gauche est une référence anatomique à l’organe. Les étoiles dans le ciel et 2 bougies qui ornent les branches supérieures de l’arbre rappellent la période de Noël que rien d’autre dans l’oeuvre ne permettrait de supposer.

 

 

Les oiseaux dessinés à l’encre de Chine et évoquant des hirondelles impriment du mouvement à l’ensemble, tantôt virevoltant autour de l’arbre, tantôt se posant sur ses branches ou s’insinuant entre la signature de l’artiste et la date de l’oeuvre. Ces signes festifs et gais contrastent avec la désolation du paysage et du ciel représentés dans des teintes grises. La tour est le seul élément architectural de l’oeuvre. L’existence de la vie dans ce paysage désertique est complétée par la mère tenant son enfant par la main et dont la longue ombre portée témoigne de la fin du jour. L’Hermès grec ou le Mercure latin, messager des Dieux, est reconnaissable par ses attributs, son casque et le caducée, et fait référence aux plantes médicinales, allusion au laboratoire pharmaceutique commanditaire. Corazón fait partie de la série de gouaches qui a été exposée pendant 20 ans à la Fondation Gala-Salvador Dali à Figueras, ville natale de l’artiste en Espagne, jusqu’à sa dispersion récente en salle des ventes à Paris.

 

Pascal Gueret

Commentaire(0)