POPular Genetics

Genotype-guided oral P2Y12 inhibition in patients with ST- segment elevation myocardial infarction undergoing primary PCI : a randomized, open-label, multicenter trial

 

Contexte et hypothèse

Les patients avec un syndrome coronarien avec sus décalage du segment ST (STEMI) doivent être traités par une double anti-agrégation plaquettaire associant l’aspirine à un inhibiteur du P2Y12 (clopidogrel, ticagrelor ou prasugrel). Les recommandations privilégient l’utilisation du ticagrelor ou du prasugrel, basée sur de larges études ayant montré une réduction des événements thrombotiques sous ticagrelor ou prasugrel, mais au prix d’une augmentation de saignements. Or les saignements sont également associés à la mortalité. Le clopidogrel est une pro-drogue, rendu actif après métabolisation par les enzymes hépatiques. On estime que 30% de la population caucasienne a une réponse inadéquate au clopidogrel, résultant en un risque accru de thrombose de stent. Cette réponse inadéquate peut s’expliquer par des variations génétiques, dont les plus importantes sont celles du gène codant pour le cytochrome P450 2C19 (CYP2C19) métabolisant le clopidogrel dans le foie. Les patients porteurs de la forme sauvage de CYP2C19 (homozygotes 1*1), ont une réponse normale au clopidogrel, et le clopidogrel pourrait avoir une efficacité similaire aux autres inhibiteurs du P2Y12. Les porteurs d’au moins un allèle avec mutation responsable de perte de fonction de CYP2C19 (*2 et/ou *3 majoritairement) ont une réponse diminuée au clopidogrel.

Hypothèse : Chez les patients ayant bénéficié d’une angioplastie dans le cadre d’un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST, une stratégie d’inhibition du P2Y12 préférentielle par le clopidogrel guidée par génotypage est aussi efficace dans la prévention d’événements thrombotiques que le ticagrelor et le prasugrel, et entraîne moins de saignements.

 

Critères d’inclusion

Les critères d’inclusion dans l’étude étaient : un âge supérieur à 21 ans, des signes et symptômes de STEMI de plus de 30 minutes et moins de 12h et une angioplastie primaire avec implantation d’un stent. Les patients en choc cardiogénique ou une hypotension sévère ou avec un traitement par anticoagulation orale étaient exclus.

 

Plan d’étude et traitements étudiés

Il s’agit d’une étude néerlandaise, multicentrique menée aux Pays-Bas, en Belgique et en Italie, randomisée, en ouvert mais avec adjudication des événements en aveugle du bras de randomisation. Les patients étaient randomisés en 1:1 dans les 48 heures après l’angioplastie, soit dans le bras avec traitement standard, c’est-à-dire selon les recommandations et sans test génétique, soit dans le bras avec traitement guidé par la génétique. Dans le bras avec thérapie guidée par génétique, le test génétique portait sur la recherche des deux allèles CYP2C19*2 ou *3 uniquement, responsables d’une perte de fonction. Si les patients étaient porteurs d’au moins une mutation perte de fonction, ils recevaient du ticagrelor ou du prasugrel, sinon ils recevaient du clopidogrel pendant 12 mois.

Le test génétique était pratiqué en salle de cathétérisme, avec une des deux méthodes suivantes :
– soit Spartan RX point-of-care system, donnant le résultat en 1h.
– soit TaqMan StepOnePlus system situé aux Pays-Bas, donnant le résultat en 3h.

NB : Il y a eu un changement de protocole en mai 2012: l’étude ayant débuté en 2011, tous les patients du groupe traitement standard recevaient du clopidogrel initialement. Après les nouvelles recommandations en 2012, mettant le ticagrelor et le prasugrel en première intention, le protocole a été modifié pour le traitement des patients du bras contrôle (traitement standard) qui recevaient alors du ticagrelor ou du prasugrel. L’analyse dans cette étude n’a porté que sur les patients inclus après le changement de protocole en Mai 2012.

Critères de jugement

Il y avait deux co-critères principaux prédéfinis :

Un critère composite pour l’étude de non infériorité combinant :
– Décès toute cause
– Récidive d’infarctus du myocarde
– Thrombose de stent
– Accident vasculaire cérébral (AVC)
– Saignement majeur selon la classification PLATO

Un critère pour l’étude de supériorité combinant les saignements mineurs et majeurs à 12 mois selon la classification PLATO.
Les saignements majeurs regroupent les saignements engageant le pronostic vital ou pouvant entraîner l’altération définitive de la fonction d’un organe. Les saignements mineurs sont les saignements qui ne répondent pas à ces critères mais qui nécessitent tout de même une intervention médicale.

 

Taille de l’échantillon et hypothèses statistiques

Les taux d’événements prédits pour le premier critère de jugement étaient de 16,9% dans le groupe avec traitement guidé par la génétique et de 18,8% dans le groupe avec traitement standard. Pour le deuxième critère concernant uniquement les saignements, les taux attendus étaient de 14,5% dans le groupe avec traitement guidé par la génétique et de 18,9% dans le groupe avec traitement standard.
Le calcul a été réalisé pour une puissance à 80%, un risque alpha à 5% et une marge de non infériorité à 2%. Le nombre de sujets nécessaire a été calculé à 1250 patients dans chaque groupe pour le critère primaire de non infériorité, et était plus bas pour l’analyse de supériorité du co-critère primaire de saignement.

 

Population

Au total, 2488 patients ont été recrutés dans 3 pays et 10 centres entre mai 2012 et avril 2018 : 1242 patients randomisés dans le groupe avec traitement guidé par la génétique et 1246 patients
randomisés dans le groupe avec prise en charge standard. Le délai moyen d’obtention des tests génétiques était de 3h. Le suivi à 1 an était complet pour 99,9% des patients (seulement
3 perdus de vue). Le taux d’adhésion au traitement était de 82,0% dans le groupe standard et de 84,5% dans le groupe guidé par la génétique.
Les 2 groupes avaient des caractéristiques de base similaires : l’âge moyen était de 61 ans, un quart de la population était féminine, en léger surpoids, avec un taux important de fumeurs (46%) et de patients avec une HTA (41%). Les caractéristiques liées à la prise en charge lors de la procédure étaient similaires dans les 2 groupes. Les patients avaient presque tous reçu une dose de charge d’aspirine et d’un inhibiteur du P2Y12 avant l’angioplastie. La voie radiale était utilisée dans deux tiers des cas, et les stents implantés étaient très majoritairement des stents actifs (94%).

Dans le groupe avec réalisation du génotype, 67,2% des patients avaient une forme sauvage, 31,4% avait un allèle avec perte de fonction. Dans le groupe avec réalisation du génotype, 61% ont été traités par clopidogrel, tandis que 93% du groupe avec traitement standard ont été traités par ticagrelor ou prasugrel.

 

Résultats

Critère de jugement principal :
Le critère de jugement principal de non infériorité combinant décès toute cause, infarctus du myocarde, thrombose de stent, AVC et saignements majeurs sur la classification PLATO est survenu chez 5,9% dans le groupe traitement standard vs. 5,1% dans le groupe avec traitement guidé par le génotype, résultant en une non infériorité statistique du bras guidé par le génotype avec une significativité à 0,0002 (HR [95%CI] = 0,86 [0,62-1,21]).

 

Concernant le co-critère de jugement principal combinant les saignements mineurs et majeurs sur la classification PLATO, il a été observé une diminution significative des saignements dans le groupe guidé par le génotype (12,5% dans le traitement standard vs. 9,8% dans le groupe guidé par le génotype, p = 0,04, HR [95%CI] = 0,78 [0,61-0,98]). Cette diminution était due à une réduction des saignements mineurs (10,5 % dans le groupe standard vs. 7,6% dans le groupe guidé par le génotype), sans différence pour les saignements majeurs de PLATO (2,7% dans le groupe standard vs. 2,3% dans le groupe guidé par le génotype, HR [95%CI] = 0,97 [0,58 – 1 ,63]).

Critères secondaires :
Les événements thrombotiques seuls (décès de cause vasculaire, infarctus du myocarde, thrombose de stent et AVC ischémique) étaient moins importants dans le groupe guidé par la génétique à 2,7% contre 3,3% dans le groupe standard mais sans significativité statistique.

 

Conclusion

Les résultats principaux de cette étude sont :
1) le génotype est facile à utiliser, avec des résultats rapides (autour de 3h),
2) l’utilisation du génotype a abouti à l’utilisation du clopidogrel dans 2/3 des cas,
3) il n’y a pas eu de différence d’efficacité observée,
4) le nombre de saignements était plus faible dans le groupe guidé par le génotype.

Les auteurs concluent qu’une stratégie basée sur un génotypage facile du CYP2C19 pour guider le traitement après une angioplastie primaire, a résulté en moins de saignements sans augmenter le risque thrombotique comparé au traitement standard par ticagrelor et prasugrel.

 

Discussion

Cette étude clinique est la première à se baser sur l’utilisation du génotype pour guider le choix du deuxième anti-agrégant plaquettaire après angioplastie primaire.
Cependant, il est important de noter que seules les mutations avec perte de fonction ont été prises en compte, mais il existe des mutations avec gain de fonction (en particulier CYP2C19*17). La prévalence des mutations avec gain de fonction serait aussi fréquente que celle des CYP2C19*2 et *3 étudiées (environ 25%).
Concernant l’analyse de non-infériorité, le taux observé pour le critère de jugement principal de non infériorité est 3 fois plus faible que prévu. Donc, la marge de non infériorité fixée à 2% a un intervalle de confiance large allant de 0,62 à 1,21, donc une diminution du risque pouvant être au maximum à 38% ou un sur-risque pouvant aller jusqu’à 21% avec la stratégie guidée par le génotype.

 

Niki Procopi, Paris

 

 

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