À propos de l’étude “Combined effect of lower LDL-c and lower SBP on the lifetime risk of cardiovascular disease”

Contexte

La diminution de la pression artérielle systolique (PAS) et du taux de LDL-c a démontré ses bénéfices en termes de réduction du risque cardiovasculaire. Leur diminution combinée et durable dans le temps pourrait entraîner une réduction plus importante du risque cardiovasculaire et pousserait ainsi à un contrôle constant des facteurs de risque cardiovasculaire pendant tout le cycle de vie. C’est ce que tend à démontrer l’étude à partir des données de la UK Biobank, présentée lors du congrès de l’ESC 2019 à Paris et parue dans le JAMA.

L’étude

Objectifs
– Évaluer et quantifier les conséquences entre l’exposition à long terme d’une combinaison LDL bas et PAS basse sur le risque cardiovasculaire, en utilisant des scores génétiques prédictifs d’un niveau de LDL ou de pression artérielle plus ou moins élevés.
– Réaliser de nouveaux algorithmes de prédiction du risque au courant de la vie.
– Améliorer les futures recommandations de prévention.

Critères d’inclusion
Tout sujet inclus dans la UK Biobank. La UK Biobank a recruté environ 500 000 personnes âgées de 40 à 69 ans, de 2006 à 2010 au Royaume-Uni. Son objectif est d’améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement de toute pathologie fatale, notamment les pathologies cardiaques. Au sein de cette population, il a été possible de mesurer un score de risque génétique associé à un niveau de LDL plus bas et un score de risque génétique associé à un niveau de pression artérielle plus basse. Quatre groupes ont été définis, en fonction de la valeur médiane de chaque score :
1) un groupe score de LDL ≤ médiane et un score de PAS médiane (dont le LDL était génétiquement plus élevé et la PAS génétiquement plus élevée),
2) un groupe score de LDL ≤ médiane et score de PAS > médiane (dont le LDL était génétiquement plus élevé et la PAS génétiquement plus basse),
3) un groupe score de LDL > médiane et score de PAS ≤ médiane (dont le LDL était génétiquement plus bas et la PAS génétiquement plus élevée)
4) un groupe avec un score de LDL > médiane et un score de PAS > médiane (dont le LDL était génétiquement plus bas et la pression artérielle génétiquement plus basse).

Critères de jugement
– Critère de jugement principal : événement coronaire majeur (MCE) défi ni par une première apparition d’un infarctus du myocarde non fatal, d’une revascularisation coronaire ou d’un décès d’origine coronaire.
– Critères de jugement secondaires : événements cardiovasculaires majeurs (MCVE) défi nis par l’apparition d’un premier événement coronaire ou d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique, de composantes individuelles des résultats composites.

Population
Recrutement de 438 952 patients dans 1 pays (Royaume Uni) issus de la UK Biobank (2006-2010)

Résultats
– L’étude a inclus 438 952 participants de la UK Biobank qui ont eu un total de 24 980 événements coronaires majeurs (définis comme la première survenue d’une crise cardiaque non fatale, d’un accident vasculaire cérébral ischémique ou d’un décès coronaire). L’âge moyen était de 65,2 ans (extrêmes : 40,4 et 80,0) et 54% étaient des femmes.

• Critère de jugement principal :
Par rapport au groupe de référence, le groupe LDLc bas présente un taux de LDLc inférieur de 14,7 mg / dL et un risque d’événements cardiovasculaires majeurs réduit de 27,0% (odds ratio [OR] 0,73), tandis que le groupe présentant une PAS inférieure présente une diminution de 2,9 mmHg de PAS et un risque réduit de 18% (OR 0,82).
Le groupe avec à la fois un LDL-C et une PAS bas présente à la fois une diminution de 14,7 mg / dL de taux de LDLc et de 3,1 mmHg de PAS, et un risque inférieur de 39% d’événements cardiovasculaires majeurs (OR 0,61).

Effet d’un LDLc plus bas sur le risque cardiovasculaire au cours de la vie
Effet d’une PAS plus basse sur le risque cardiovasculaire au cours de la vie
Effet de la combinaison d’une PAS plus basse et d'un LDLc plus bas sur le risque cardiovasculaire au cours de la vie

• Critères secondaires 
En décomposant la population par quartiles de chacun des scores, on observe que l’effet obtenu est dose-dépendant. Ainsi, avec des réductions plus importantes, de 1 mmol / L (38,7 mg / dL) de LDL-c et de 10 mm Hg de PAS, le risque de maladie cardiovasculaire au cours de la vie et le risque de décès par CV sont de 80% inférieurs (cf. fig ci-dessus résumant les critères de jugement secondaires)

• Analyses de sous-groupes
L’effet combiné tout au long de la vie d’une exposition à un taux de LDL-c et de PAS bas est similaire en termes de critère de jugement primaire ou secondaire entre les différents sous-groupes (sexe, âge, diabète, absence de tabagisme actif, index de masse corporelle). L’effet d’un LDL-c et d’une PAS bas est moins marqué dans un seul sous-groupe, celui des fumeurs actifs.

Conclusion

L’exposition tout au long de la vie à un taux plus bas de LDL-c et à un niveau de PAS plus bas réduit le risque cardiovasculaire de façon additive, Indépendante et dose dépendante. Ainsi, une diminution de 1mmol/L de LDL-c et de 10 mm Hg de PAS est associée à une diminution de 80% du risque
d’événements cardiovasculaires et de 68% de la mortalité cardiovasculaire tout au long de la vie.
Les bénéfices d’une exposition à un taux de LDL-c et d’une PAS plus bas sont déterminés par l’ampleur de la différence avec des groupes à LDL-c et PAS plus élevés, et par la durée de cette exposition.

Discussion

L’intérêt de telles études, dites de “randomisation mendélienne” est que les niveaux des facteurs de risques étudiés (ici, le LDL-c et la PAS) sont largement indépendants des autres facteurs de risque et des comorbidités et, d’une manière générale, du mode de vie. Ces études permettent d’évaluer le rôle d’un facteur de risque “naturellement” plus bas tout au long de l’existence, alors que les études d’intervention sont généralement menées chez des personnes d’âge mûr et interviennent donc à un stade où la maladie peut être déjà présente, à des degrés divers. L’étude actuelle a l’intérêt de montrer l’effet additionnel que l’on peut attendre du contrôle simultané de deux facteurs de risque, les lipides et la pression artérielle.

La notion de charge totale en cholestérol. Si l’on compare les effets cardio-vasculaires obtenus avec une baisse du LDL-c liée à une mutation génétique du gène de PCSK9 (étude ARIC : environ 1 mmol/l chez les sujets noirs et 0,5 mmol/l chez les sujets blancs), ou avec une baisse équivalente obtenue grâce à une intervention médicamenteuse chez l’adulte (abaque de la méta-analyse de la CTT), on constate que l’effet de la baisse génétique du LDL-c est beaucoup plus marqué. Ainsi, pour une baisse de 1 mmol/l de LDL-c “génétique”, la réduction des événements cardiovasculaires est de 88 %, tandis que pour la même baisse de 1 mmol/l obtenue par un médicament, plus tard dans la vie, la réduction n’est que de 20 %. La baisse “génétique” de 0,5 mol/l se traduit par une réduction de 50 % des événements, tandis que la même baisse grâce aux médicaments ne réduit le risque que de 10-12 % (Figure N. Danchin).
Une étude précédente issue des données de la UK Biobank a estimé l’effet à long terme du contrôle lipidique sur le risque de “fragilité”. Les sujets ayant un contrôle durable et à long terme de la concentration du LDL-c seul avaient des scores de fragilité plus bas et une amélioration de la morbidité d’autant plus que les sujets étaient contrôlés tôt dans leur vie.

Il est intéressant d’observer que des effets spécifiques de gènes provenant de locus modulant des cibles médicamenteuses d’hypolipémiants existent (par exemple, HMGCR, APOC3 et LDLR) sont retrouvés, et que des profils génétiques différents pourraient notablement contribuer aux différences d’efficacité des traitements d’un patient à l’autre (1).
La recherche des gènes impliqués dans le métabolisme du cholestérol et notamment du LDL-c permet une thérapeutique ciblée intéressante. Les variants de séquence d’ADN chez l’homme qui affectent l’activité d’une ou de plusieurs protéines cibles peuvent être utilisés pour estimer l’efficacité et la toxicité potentielles d’un médicament ciblant de telles protéines. Des études d’association à l’échelle du génome ont identifié des variantes de séquence d’ADN
communes du gène NPC1L1 associées à de modestes altérations des taux plasmatiques de cholestérol LDL Quinze mutations rares ont été retrouvées susceptibles de perturber la protéine : les porteurs de la mutation inactivant NPC1L1 avait un taux de LDL-c moins élevé de 12mg/dl et un risque de coronaropathie diminué de 53%. L’inactivation à vie d’un exemplaire de NPC1L1 protège contre les maladies coronariennes et cette constatation rejoint l’idée que de contrôler le taux de LDL-c de façon prolongée et tôt dans la vie est plus efficace qu’une prise en charge à un âge avancé (2).

Les résultats de cette étude sont donc en accord avec les données de la littérature : un contrôle précoce et constant des facteurs de risque cardiovasculaire, ici le LDL-c et la pression artérielle, permet de diminuer significativement le risque cardiovasculaire.

Caroline Chong-Nguyen,
Service de cardiologie, Hôpital Bichat
caroline.ng87@gmail.com
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts relatifs à cet article.

 

RÉFÉRENCES
1. Wang Q, Wang Y, Lehto K, Pedersen NL, Williams DM, Hägg S. Genetically-predicted life-long lowering of low-density lipoprotein cholesterol is associated with decreased frailty: A Mendelian randomization study in UK
biobank. EBioMedicine. 2019 Jul ; 45 : 487-494. Doi : 10.1016/j.ebiom. 2019.07.007
2. Myocardial Infarction Genetics Consortium Investigators, Stitziel NO et al. Inactivating mutations in NPC1L1 and protection from coronary heart disease. N Engl J Med. 2014 Nov 27;371(22) : 2072-82. Doi :
10.1056/NEJMoa1405386.
3. Cohen JC, Boerwinkle E, Mosley TH Jr, Hobbs HH. Sequence Variations in PCSK9, Low LDL, and Protection Against Coronary Heart Disease. NEJM; 2006; 354: 1264-72

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